Aujourd’hui, l’agriculture est menacée par l’évolution climatique. La dernière Contribution du Groupe de travail I au sixième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a décrit trois scénarios climatiques à l’aune des conditions socio-économiques. Il rapporte que la vulnérabilité des systèmes agricoles sera plus forte et ce qu’importe le scénario climatique sur lequel on se base avec une quasi-linéarité entre émissions CO2 (Gt) et réchauffement climatique.
Le GIEC conclue que nous que les trajectoires à très faibles émissions de gaz à effet de serre (GES) peuvent renverser les tendances actuelles et favoriser un réchauffement global d’1,5 à 2°C.
Que retenir des rapports du GIEC ?
Extrait du Rapport du GIEC AR6 WG1 – traduit de l’anglais par Yann Rozier (@YannWeb)
La sortie des conditions permettant de pratiquer l’agriculture convenablement dans le monde.
- Des évènements extrêmes qui vont s’accroître en intensité et en fréquence.
- Une vulnérabilité croissante pour la région européenne. Des systèmes sociaux et naturels qui seront moins adaptables car peu préparés.
- De lourdes conséquences sur la production agricole, l’eau et les infrastructures.
- Le besoin de politiques publiques fortes & accélérée & multisectorielles pour atténuer les émissions de gaz à effet de serre et anticiper l’adaptation.
- Les pratiques et comportements peuvent induire de fortes réductions de GES (séquestration du carbone, l’agroforesterie, et le changement de régime alimentaire, plus sain et moins gaspilleur).
- Peu d’espoir quant au retour d’un monde à +1°C de réchauffement, mais encore des possibilités pour s’arrêter à +1,5°C de réchauffement (Accords de Paris).
Les enjeux de l’agriculture biologique face aux changements climatiques
Les enjeux liés au changement climatique sont nombreux et ce dans toutes les productions. Le réseau des agriculteur.ices biologiques le perçoit d’ores et déjà.
Les perturbations climatiques en France sont nombreuses et vont s’intensifier dans les années à venir :
- augmentation des températures moyennes annuelles, impliquant des hivers moins froids, des printemps plus courts ;
- perturbation des régimes de précipitations annuelles, impliquant une forte variabilité entre les saisons et une inversion entre la disponibilité en eau et le besoin ressenti en agriculture ;
- augmentation de la fréquence et de l’intensité des évènements climatiques extrêmes (vagues de chaleurs extrêmes, épisodes de grêles, de gel , submersion marine, inondations) ;
- augmentation de la teneur en CO2 atmosphérique, perturbation des puits de carbone.
Elles entraînent des répercussions diverses selon les productions et occasionnent des difficultés pour l’agriculture biologique.
Enjeu technique du maintien de la qualité des productions
- Le stress hydrique induit par l’augmentation des températures impacte les productions biologiques qui cherchent l’accessibilité à la ressource en eau. Les impacts sur les productions sont nombreux : baisse de la qualité des productions végétales, potentielle baisse de l’autonomie alimentaire/fourragère des fermes, perte de productions en maraichage.
- La perturbation des saisons et de leurs températures fait émerger de nouveaux ravageurs/adventices, ou alors les fait arriver plus tôt dans le calendrier des cultures. Les agriculteur.ices biologiques n’ont aujourd’hui que peu de ressources (à part du travail et une vigilance supplémentaire) pour lutter contre ces ravageurs des cultures.
- Le stress thermique des animaux induit par l’augmentation des températures et les évènements extrêmes entraine un risque de surmortalité en élevage mais également un risque accru d’échec de production laitière en été-automne. Cela a aussi un impact sur la fertilité des animaux.
- Les perturbations du cycle de l’eau entraineront des perturbations sur la structure du sol. Certaines pratiques biologiques d’atténuation telle que la couverture permanente du sol rendent plus difficile le travail du sol.
Enjeux de recherche et d’accompagnement des producteur.ices
- La perturbation des saisons et de leurs températures impacte la physiologie des plantes. L’adaptation variétale apparait comme une piste de solution. En bio, l’accès à des semences biologiques (obligatoire dans la règlementation) et adaptées au changement climatique est un enjeu. Il repose sur le développement de la recherche scientifique liée à cette thématique.
- Il y a également un besoin d’accompagnement sur la valorisation de la matière organique des sols bio permettant plus de rétention de carbone, afin d’assurer la résilience/adaptation du sol aux perturbations climatiques.
- La perturbation du cycle des précipitations induit des nouveaux besoins en matériels d’irrigation efficace et économe pour des productions biologiques qui jusqu’ici en étaient relativement indépendantes (maraichage, cultures pérennes).
Enjeu économique : de nouveaux besoins et peu de visibilité sur les rendements
- Le stress thermique des animaux induit par l’augmentation des températures et les évènements extrêmes entraine un besoin de surinvestissement dans du matériel de gestion de l’abreuvement, de protection contre l’ensoleillement (abris).
- L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des évènements climatiques extrêmes entraine une vulnérabilité matérielle. Avec des besoins d’investissements dans du matériel plus adapté et résistant aux aléas climatique (serres maraichères, filets anti-ravageurs), les producteur.ices biologiques sont en demande d’accompagnement. Ceux-ci sont liés au coût de l’adaptation et de projections économiques de la vulnérabilité de leur ferme face au risque climatique.
- Stress hydrique, augmentation du CO2 atmosphérique impactent les rendements culturaux et l’économie des fermes bio. Il est difficile d’évaluer à quel point les rendements vont être perturbés et s’ils seront revus à la hausse (du fait de l’augmentation de CO2) ou à la baisse (du fait du stress hydrique qu’implique la hausse des températures). Les études sont divergentes sur le sujet. A priori, les rendements seront plutôt en hausse en bio pour l’Europe du Nord, tandis qu’ils seront en baisse dans le bassin (Lavalle et al., 2009 ; Wilcox & Makowski, 2014 ; EEA, 2017 ; Hart et al., 2017 in Poux, X., Aubert, P.-M., 2018).
Enjeu politique de ré-organisation des modèles agricoles existants
- Les nouveaux besoins en eau sont corrélés à l’enjeu d’accès à l’eau pour les nouveaux arrivants dans les bassins hydrographiques. Actuellement, les politiques publiques sur la gestion de l’eau sont inadaptées.
- Le développement de l’agriculture biologique est une ambition des politiques publiques française (Stratégie Nationale Bas Carbone, Plan Ambition Bio, etc.). Son développement est corrélé à sa capacité à s’adapter aux enjeux de bouclage des cycles géochimiques, menacés par le changement climatique et les impératifs d’atténuation. Le bouclage du cycle de l’azote et la règlementation biologique interdisant l’azote de synthèse, rend la bio dépendante de l’apport d’azote organique exogène.
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