Sécuriser les nouvelles fermes bio : les impacts du tutorat

Publié le : 14 avril 2025

Depuis deux ans et demi la FNAB mène un projet pour déployer le tutorat post-installation afin d’accompagner les nouvelles fermes bio. L’objectif : sécuriser les nouvelles fermes bio. Des paysans-tuteurs et tutrices apportent des conseils directement sur la ferme du nouvel installé. Le réseau bio se charge de la mise en relation et établit un cadre formalisé. Le GAB indemnise ensuite les tuteur·ices pour leur temps passé.

Et ça fonctionne ! Ce sont les conclusions de l’étude d’impact du projet.

 

MDP élevage 2/3 des nouveaux installés accompagnés sont en maraîchage. Mais il est possible dans toutes les productions.

Le tutorat : une valeur sûre pour sécuriser votre ferme

La FNAB a commandé une étude pour bien comprendre les effets du tutorat sur les cinq GAB-GRAB qui ont embarqué dans le projet : Bio en Hauts-de-France, Agrobio 35, Bio Bourgogne Franche-Comté, et Bio Nouvelle-Aquitaine (sur la Haute-Vienne et la Corrèze). Sous la houlette d’Agrobio Périgord, territoire pilote à l’origine du dispositif. Elles ont accompagné 49 nouvelles fermes bio.

Les bénéfices pour les nouveaux et nouvelles installés

93% des nouveaux installés déclarent gagner en maturité technique grâce à leur tuteur·ice : ils sont plus à l’aise pour anticiper les prochaines saisons, planifier leur travail, et faire des choix techniques. Et surtout, les tuteur·ices leur apprennent à prévenir les risques et les problèmes, et ensuite, à éviter voire réduire les conséquences néfastes de certains choix. Autant d’aptitudes indispensables pour pérenniser son activité.

« On avait un rencard téléphonique tous les 15 jours pour faire gaffe à ne pas se faire dépasser. Parce qu’il y a la planification des cultures, mais aussi l’anticipation de tout ce qu’il faut avoir préparé. C’est tout bête, mais avoir les semences, les terreaux, y a de multiples choses, les caisses, les emballages. De la graine jusqu’à la commercialisation, c’est multiple. »

 

60% d’entre eux améliorent aussi leur gestion d’entreprise en lien avec leur capacité à organiser le travail et à prendre des décisions stratégiques : choix d’investissements, travail administratif, ou stratégie de commercialisation. Particulièrement pour comprendre quelles activités sont rentables, et prendre des décisions en conséquence.

« J’essaie de leur donner des notions de rentabilité du temps de travail. Avoir un rythme, noter le temps qu’ils passent, noter le coût des intrants, avoir une compta. Et voir avec elles : qu’est-ce que vous attendez de votre activité ? En termes de revenus ? Et leur dire ce qui va être trop ambitieux. »

79% des nouveaux installés indiquent aussi que le tutorat leur permet de mieux s’intégrer dans les réseaux agricoles locaux, et que cela facilite le développement des circuits de commercialisation ou l’échange de matériel notamment. Avec l’entremise du tuteur·ice, le nouvel installé se fait sa place dans ce nouveau monde professionnel – et dans son GAB !

« Débarquant dans ce département, ne connaissant personne dans le monde agricole, j’ai eu accès à un réseau énorme, j’ai visité des fermes, rencontré plein de gens. C’est par le biais d’Agrobio que je les ai rencontrés. »

Enfin les installé·es accompagnés améliorent leurs conditions de travail – pour 71% d’entre eux. En s’améliorant sur la planification, l’anticipation et la rationalisation des tâches, les nouveaux et nouvelles installés peuvent prendre du recul et se dégager du temps. Ces conseils ne vont souvent pas sans réticence de la part de celles et ceux qui souhaitent plutôt faire un peu de tout plutôt qu’un travail répétitif.

Le conseil ultime, c’est « pars en vacances ! »

Un épanouissement pour les tuteur·ices

Eux-mêmes en tirent une grande satisfaction, déjà en se sentant utiles. Ils prennent conscience de leurs propres compétences, et voient ces compétences reconnues par leurs collègues. Les indemniser permet de reconnaître leur travail et, pour leur tutoré·e, de lever la crainte de les « déranger ».

 

« C’est gratifiant car on a des super retours. Elle me fait part de sa reconnaissance et des erreurs qu’elle a pu éviter. Ça a un sens tout ça. »

Des points de vigilance pour que ça fonctionne

L’étude a également pointé les conditions de réussite et certaines de ses limites.

La relation de tutorat ne se crée pas toute seule : une formalisation est indispensable, en ciblant bien les objectifs pédagogiques. Les GAB doivent parfois chercher longtemps le tuteur·ice qui répondra au besoin. Ensuite ils veillent à la régularité des échanges, même, et surtout, en pleine saison dans les champs.

L’étude relève aussi que les binômes fonctionnent mieux lorsque le GAB met en place une animation de la « communauté » du tutorat, une animation qui reste à développer dans les territoires du projet. Elle va de pair avec la mise en place de formation sur la « posture des tuteur·ices » afin qu’ils et elles se sentent vraiment à l’aise et reconnus.