Les freins à la conversion en élevage caprin

Publié le : 12 juin 2019

Le projet DEV_CAP_AB, soutenu par le Conseil régional des Pays-de-la-Loire, a permis d’identifier les principaux freins à la conversion en bio des élevages caprins, grâce à des entretiens semi-directifs autour des principaux obstacles au passage à l’agriculture biologique (AB), menés auprès de 31 éleveurs caprins de systèmes différents (laitiers bio, laitiers conventionnels, laitiers en conversion, et fermiers bio). Cette étude a mis en évidence l’importance des freins techniques, qui apparaissent de loin les plus problématiques pour les éleveurs caprins, en particulier la gestion du parasitisme. Elle donne ainsi des pistes pour l’accompagnement des éleveurs et des porteurs de projet.

La technicité en élevage caprin, un véritable frein à la conversion

Ce type de freins comporte différentes dimensions, qui, pour certaines, ont déjà été vécues comme de réelles difficultés quotidiennes par les éleveurs. La conduite des cultures est le premier des freins techniques à la conversion que les éleveurs citent. Ces deniers évoquent aussi le pâturage et la gestion du parasitisme, qui constituent un véritable enjeu technique en termes de conduite d’élevage et qui est particulièrement cité par des éleveurs engagés en bio. Dans le même ordre d’idées, la conduite sanitaire fait partie des obstacles évoqués par certains éleveurs, notamment des éleveurs conventionnels qui s’inquiètent de devoir recourir à des méthodes alternatives aux traitements vétérinaires de synthèse.

Ces différents freins prouvent que l’accompagnement technique des éleveurs en conversion est une clé de la réussite de leur passage en bio et un outil indispensable au développement de la filière lait de chèvre bio. Leur prépondérance dans les réponses des éleveurs caprins, tant en bio qu’en conventionnel, prouve l’importance de conforter en premier lieu ce qui relève du fonctionnement de l’élevage et de sa conduite, notamment en termes d’autonomie alimentaire, mais aussi des itinéraires techniques des cultures.

© Bio Nouvelle-Aquitaine – Philippe Desmaison

Les aspects externes à l’élevage, son environnement économique par exemple, ne semblent poser problème que dans un second temps par rapport à la maitrise technique de l’élevage qui constitue la première des craintes pour les éleveurs, tout profil confondu. Il convient donc prioritairement de rassurer les éleveurs en bio et les porteurs de projet, en leur proposant un accompagnement technique pointu. Parallèlement, il semble essentiel de poursuivre les travaux de recherche et d’expérimentation pour mieux faire face aux impasses et difficultés techniques telles que la gestion du parasitisme.

Les freins liés à l’environnement extérieur

Les aspects « géographiques », c’est-à-dire liés à la densité et la répartition d’élevages caprins bio, interviennent ensuite dans les réponses des éleveurs, laissant penser que le développement de la filière caprine biologique peut aussi être ralenti par celui des zones de collecte des laiteries. L’absence de CUMA proche de l’exploitation avec du matériel en AB est aussi citée par des éleveurs en conversion comme pouvant être un frein, mais c’est principalement l’absence de passage de collecte de la laiterie qui est cité par le plus d’éleveurs, notamment ceux déjà en bio. Certains éleveurs n’ont pas accès aux outils de collecte capables de valoriser leur lait en bio et estiment qu’il s’agit d’un obstacle important.

Aucun éleveur enquêté en AB n’a évoqué des freins d’ordre économique (augmentation des charges, réduction de la marge par rapport au conventionnel…), ce qui amène à penser que les éleveurs conventionnels ont besoin de garantie économique pour envisager la conversion de leur exploitation. Par ailleurs, si les aspects économiques ne représentaient peut-être pas une réelle préoccupation pour les éleveurs enquêtés actuellement en bio, il est aussi possible que ces freins ne se vérifient pas dans les faits. Ce qui, en revanche, est majoritairement évoqué par des éleveurs en AB sont les freins d’ordre psychologique (sortir du schéma classique, rechercher une cohérence globale…), d’ordre relationnel (manquer de connections à des réseaux professionnels bio, tels que vétérinaires, CUMA, conseillers spécialisés…) ou encore liés à l’évolution du cahier des charges bio. Pour les éleveurs en conversion et/ou en conventionnel, c’est davantage la pression sociale de leurs réseaux environnants qui se trouve être une contrainte forte. Enfin, les éleveurs interrogés semblent manquer de confiance envers la politique des laiteries (captage de la valeur ajoutée, évolution du marché) et dans leur vision du développement de l’AB.

Dernier frein cité au passage en bio, et directement lié aux questions techniques et de conduite d’élevage : le manque de foncier, qui limite l’autonomie alimentaire. Certains éleveurs en conventionnels n’arrivent pas à se projeter dans un système en AB à cause du manque de surfaces ; d’autres se sentent restreints en termes de pâturage par manque de terres facilement accessibles aux chèvres.

Des besoins d’accompagnement variés et nombreux pour lever ces freins

Les enseignements à tirer concernant l’accompagnement des éleveurs et porteurs de projet sont nombreux. Pour faciliter les conversions, de nombreux aspects méritent d’être discutés en appui individuel, en groupe d’échanges ou encore en formations : des questions techniques et de production (assolement, pâturage, gestion des prairies, alimentation, santé), comme des aspects psychologiques et liés à la conception du changement de système.

Malgré les différents travaux en cours, des besoins d’expérimentations ont aussi été soulevés concernant : les méthodes alternatives (gestion de la santé animale, augmentation de l’immunité des chèvres) ; l’élevage des chevrettes pour éviter la transmission des maladies de la mère au jeune ; les systèmes herbagers adaptés à l’élevage caprin ; les itinéraires techniques de protéagineux (fourragers, en grain) et les méteils ; la gestion des adventices par des plantes en couverture du sol ; les savoirs anciens relatifs au pâturage, au parasitisme et au lien avec les cycles lunaires notamment ; l’alimentation caprine ; le séchage en grange etc…

Vis-à-vis des questions techniques, les éleveurs enquêtés ont notamment évoqué des besoins de connaissance concernant les méthodes de détection des chaleurs sans hormones, la conduite des cultures, l’alimentation intégrant des matières premières produites dans la région, les stratégies à adopter au pâturage, l’implantation des prairies et les variétés à planter), la gestion du pâturage, et encore les méthodes alternatives en santé animale… A ce titre, le site Produire-bio entend répondre au besoin de diffusion des connaissances et d’accessibilité à tous des résultats de recherche et d’expérimentation, de la même manière d’ailleurs que pour les questions réglementaires et de contenu du cahier des charges bio.

Le projet DEV_CAP_AB

Le projet DEV_CAP_AB associe les Chambres d’Agriculture Pays de la Loire, l’Institut de l’Élevage, les Organismes de Conseil en Élevage, le réseau CAB, le CIVAM Haut Bocage, les laiteries AGRIAL (EURIAL) et La Lémance (groupement CBF).

Cet article a été rédigé sur la base de la synthèse de restitution des résultats du stage financé par le Conseil régional des Pays-de-la-Loire.