Découvrez les pratiques et techniques par filière
En région Grand-Est, la demande en produits bio caprins est bien présente que ce soit en filières courtes ou longues et le travail des chèvres est reconnu pour l’entretien du territoire. Cependant la production se développe timidement, peu de projets d’installation et de conversion voient le jour. Au cœur des préoccupations des porteurs de projet en élevage caprin : le pâturage et les problèmes sanitaires liés au parasitisme. Surfaces accessibles, autonomie fourragère, productivité, foncier, gestion du risque parasitaire… autant de questions qui peuvent devenir des freins à l’installation ou à la conversion. Voici tout d’abord quelques repères pour évaluer son degré d’autonomie fourragère, la quantité d’herbe disponible dans la ration et maximiser l’utilisation de ses surfaces pastorales, puis pour mieux maitriser et gérer le parasitisme du troupeau.
Le potentiel des prairies (qualité et quantité), dépend du contexte pédoclimatique et de leur composition. Pour estimer le potentiel des prairies, il est important de faire un diagnostic précis des espèces présentes. Pour cela, on peut passer par une formation collective comme le fait un groupe d’éleveurs vosgiens de vaches laitières bio qui se forment sur les plantes bio-indicatrices et le profil de sol comme outils pour aborder la fertilité des prairies.
Pour rappel, une chèvre a besoin d’1,1 tonne de matière sèche (fourrage, concentré énergie, concentré azoté, refus) par an (source IDELE).
Repères | Potentiel faible | Potentiel moyen | Bon potentiel |
Rendement de la prairie | 3 T de MS/ha | 5 T de MS/ha | 8 T de MS/ha |
Exemple de calcul pour un troupeau de 50 chèvres avec un potentiel moyen des prairies et lorsque les fourrages représentent 70 % de la ration.
Il faut, dans ce système alimentaire, compléter les 30 % restants de la ration par les céréales. Pour rappel, le cahier des charges AB impose 60 % minimum en fourrages grossiers (frais, secs, ou ensilés) dans la ration journalière.
Besoin en matière sèche | Besoin en fourrage | Surface à apporter | Chargement maximum à l’hectare |
50 * 1,1 = 55 T de MS | 70 % * 55 = 38,5 T | 38,5/5 = 7,7 ha | 50/7,7 = 6 à 7 chèvres par hectare |
Dans cet exemple, il faudra 7,7 ha minimum de prairies à potentiel moyen pour couvrir 70 % de la ration en fourrage d’un troupeau de 50 chèvres, soit 7 chèvres à l’hectare comme chargement maximum.
La chèvre laisse une quantité de refus importante au pré. Pour ingérer 2 Kg de MS d’herbe par jour, la chèvre a besoin de 3 Kg de MS d’herbe disponible, soit 10h au pré, dont 7h effectives à manger. Le pâturage du soir permet d’augmenter la quantité d’herbe ingérée car les 3 repas principaux de la chèvre sont de 8h à 10h, de 14h30 à 17h et de 21h30 à 00h.
La qualité des prairies est variable en fonction de leur potentiel mais aussi des périodes de l’année. A certaines périodes, l’ingestion diminue, il faut donc complémenter la ration.
Repères de hauteur d’herbe | Repères de quantité d’herbe disponible |
< 5 cm | Très peu d’herbe disponible |
Entre 5 et 12 cm | Si couvert homogène et dense : 1 cm (à partir de 5 cm) = 250 Kg MS d’herbe/ha
Si couvert de fin de printemps ou d’automne : 1cm = 200 Kg MS d’herbe/ha |
> 12 cm | La parcelle est à faucher |
Exemple de calcul du nombre de jours de pâturage lorsqu’un troupeau de 100 chèvres pâture 10h par jour sur 1 ha avec une hauteur d’herbe initiale à 10 cm et un couvert homogène.
Quantité d’herbe au pâturage | Quantité d’herbe nécessaire par jour pour le troupeau | Nombre de jours de pâturage |
5 cm (10 cm – 5 cm) * 250 Kg MS d’herbe/ha
= 1250 Kg MS d’herbe/ha |
3 Kg de MS/j/chèvre
soit 300 Kg de MS/j pour l’ensemble du troupeau |
1250 Kg de MS pâturable /300 Kg
= 4 jours de pâturage environ |
Dans cet exemple, pour couvrir 100 % de la ration en herbe du troupeau, il faudra pâturer 10h chaque jour pendant 4 jours maximum sur 1 hectare de prairie.
Les compléments en fourrage et/ou concentrés vont dépendre de 3 facteurs : de la durée de pâturage (si < 10h), de la densité de l’herbe (si < 500 Kg de MS/ha et si < 3 Kg MS/J/chèvre) et du niveau de production laitière (de 2 à 5 Kg de lait/j/chèvre). La quantité de fourrage à distribuer à l’auge peut varier de 0,5 à 1 Kg/j/chèvre. Il est recommandé de ne pas dépasser un apport de 0,8 Kg de concentrés/j/chèvre lorsque les animaux sont au pâturage. Pour éviter l’acidose, il est préconisé d’apporter le foin avant les concentrés. Cela permet d’éviter une dégradation trop rapide des concentrés dans le rumen.
Rédaction : Julia Sicard (Bio en Grand Est)
Les principaux freins à la conversion à l’agriculture biologique en élevage caprin sont liés à la maîtrise du parasitisme. A l’état naturel, la chèvre cueille les végétaux (ronces, écorces, feuilles ou arbustes) à un mètre de hauteur, exempts de parasites. Elle est donc biologiquement inadaptée au pâturage et les parasites sont la principale menace sanitaire (35 à 65% des dépenses de médicaments).
En 2017, les éleveurs alsaciens ont partagé leur expérience du pâturage à travers une enquête. Sur ce territoire, 53% des éleveurs bio disent avoir des difficultés à gérer le parasitisme contre 35% des éleveurs conventionnels qui font pâturer leurs chèvres. En bio, la santé des animaux doit être essentiellement assurée par des méthodes préventives. Même si le cahier des charges autorise l’administration d’antiparasitaires, cela n’est possible que lorsque la présence de parasites est avérée par coprologie. Cependant, les antiparasitaires de synthèse ont leurs limites : résistances aux molécules et présence de résidus toxiques dans l’environnement.
Les principaux parasites sont les strongles intestinaux (76% des parasites). En bio, l’objectif n’est pas de les éradiquer mais de maintenir un équilibre afin que les parasites soient présents sans porter préjudice à la production.
Seulement 20 à 30% des animaux les plus sensibles sont responsables de 80% des excrétions d’œufs de parasites. Sur les élevages enquêtés, moins d’un quart des animaux présentent des symptômes de parasitisme et pourtant la majorité des éleveurs traitent la totalité du troupeau. Cela empêche les animaux non atteints de stimuler leur immunité et l’éleveur peut difficilement identifier les animaux résistants. D’ailleurs, seulement 19% d’entre eux sélectionnent les chèvres sur des critères de rusticité et de résistance au parasitisme.
Complémenter avec des oligoéléments et ne traiter que les animaux les plus sensibles sont des pratiques qui ont fait leurs preuves. Plus de 50% des éleveurs bio utilisent la phytothérapie en prévention. L’homéopathie (surtout Cina 9CH) et l’aromathérapie (en diffusion ou en complément alimentaire) sont moins pratiquées par manque de connaissances. Les cures d’argile sont également efficaces.
Seulement 15% des éleveurs prennent en compte le cycle des parasites au quotidien. Pourtant, certaines périodes-clés de ce cycle sont à connaître. Les pics de développement et d’éclosion des larves se situent autour de la pleine lune. Les traitements durant les 3 jours autour de la pleine lune seront les plus efficaces, surtout en lune ascendante. Les pics de contamination des pâtures ont lieu généralement entre la mi-juin et juillet. C’est à ce moment qu’il faut être le plus vigilant quant à l’état des animaux.
Quand la coproscopie permet de poser le diagnostic quantitatif d’une excrétion parasitaire, la coproculture apporte une information qualitative sur le genre de parasites présents. Elle est utile au moins une fois dans la vie de l’élevage afin de caractériser son « profil parasitaire ». Le pouvoir excréteur des espèces de parasites n’étant pas le même, une forte excrétion d’un parasite peu pathogène peut encourager à traiter alors que ce ne serait pas nécessaire. A l’inverse, savoir qu’un parasite très pathogène mais qui excrète peu est présent sur l’élevage permettra de réagir de manière adaptée.
L’enquête a permis d’identifier les pratiques à risque les plus répandues : sortie des animaux en période humide ou sur zone humide, accès à un point d’eau naturel. Souvent dues à des contraintes structurelles, les éleveurs cherchent à limiter les infestations liées à ces pratiques.
L’administration d’oligoéléments, essentiels pour stimuler l’immunité des chèvres, à la pâture est la pratique la plus courante. 45% des éleveurs ont des plantes à tanins dans les prairies (espèces arbustives) mais l’implantation de plantes à tanins condensés (plantain, lotier corniculé, sainfoin) est très rare. C’est une piste à creuser car ils rendent les parasites moins féconds et permettent de réguler la contamination des prairies.
Plus de 40% des élevages pratiquent l’alternance fauche-pâture et/ou le pâturage mixte qui permet de nettoyer les parcelles : les espèces de parasites qui infestent les chèvres ne sont pas les mêmes que ceux qui infestent les équins ou les bovins. C’est l’effet aspirateur.
Le hersage avant une période de chaleur est pratiqué par seulement 18% des éleveurs dans un objectif d’aération de la prairie au printemps. Il est intéressant de herser avant une période sèche pour étaler les bouses afin de tuer les larves grâce aux UV.
Il limite le surpâturage et donc l’ingestion des larves situées au collet de l’herbe (80% des larves se situent en dessous de 5 cm).
Pratiquer une rotation rapide des animaux sur les parcelles avec un fort chargement instantané : un jour en période de forte pousse et 2 jours en période de pousse modérée. L’herbe n’a pas le temps de perdre sa valeur nutritive. Laisser la parcelle 6 à 8 semaines au repos entre 2 passages permet à l’herbe de repousser suffisamment et de casser le cycle des parasites.
La rémanence longue (1 à 3 semaines) des molécules toxiques des vermifuges touche la faune utile des prairies et particulièrement les bousiers Les conséquences sur la santé des prairies sont grandes : problèmes de fertilisation du sol et de pousse de l’herbe. Une crotte « non-traitée » met 9 mois à se décomposer contre 24 pour une crotte « à l’avermectine ».
Malheureusement, les vermifuges les moins agressifs pour la faune sont ceux dont les parasites présentent le plus de résistances et ils sont interdits en lactation. Cela ne facilite pas la tâche de l’éleveur mais voici quelques conseils :
ELENA est un projet Interreg entre Alsace et Bade-Wurttemberg. L’OPABA, la Chambre d’agriculture d’Alsace et le Landesverband für Leistungsprüfungen in der Tierzucht travaillent au sein du « groupe chèvres » : état des lieux de la filière laitière et de viande ; création d’un outil de prévisionnel économique pour les projets d’ateliers en filière longue ; partage d’expériences en gestion du parasitisme. Un site internet est en cours d’élaboration pour partager les fruits de ce travail.
Rédaction : Danaé Girard (Bio en Grand Est)
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