Découvrir le maraîchage biologique au Québec

Publié le : 8 mars 2018

Un temps autrement productif pour sa ferme !

L’ARDAB (Association des producteurs bio en Rhône et Loire) a organisé un voyage d’études au Québec en août 2017, avec plus d’une vingtaine de maraîchers bio de la région, et en partenariat avec la Chambre d’agriculture du Rhône et l’Atelier Paysan. Retours d’expériences sur ce voyage riche en échanges et en découvertes.

Culture de carottes de la ferme Vallée des prairies - crédit ARDAB

Un programme riche

Repas à la ferme Cadet Roussel – crédit ARDAB

Le groupe a bénéficié d’un accueil enthousiaste à travers un programme très intense, avec deux visites par jour, dans des fermes ou des structures d’accompagnement du maraîchage biologique. Ce voyage a donné lieu à de très belles rencontres et échanges dans une dynamique de groupe exemplaire et prometteuse pour les retombées, aussi bien techniques qu’humaines !

Les rencontres avec Equiterre (organisation ayant pour objectif d’accompagner la transition écologique auprès des particuliers et des institutions, à l’origine du programme « Fermiers de famille » : systèmes de vente directe de paniers hebdomadaires de légumes bio en vente directe aux consommateurs), l’IRDA (Institut de recherche et de développement en agro-environnement) et le CETAB (Centre d’expertise et de Transfert en agriculture biologique et de proximité) ont permis de découvrir le contexte commercial, technique et éducatif afin d’approfondir certaines problématiques rencontrées sur les fermes. Les participations de Anne Weill (agronome du CETAB), Denis Lafrance (expert en agriculture biologique au CETAB) et Michel Massouard (maraîcher bio retraité, expérimenté dans la gestion d’engrais vert) ont enrichit le témoignage des agriculteurs dans les domaines agronomiques et expérimentaux.

De la maîtrise technique et des cultures originales

Culture de patates douces de la Ferme aux petits oignons – crédit ARDAB

L’un des points marquant des fermes visitées est la maîtrise de la conduite des légumes sous serre, ce qui a fait des envieux ! Les participants sont revenus avec de nouvelles idées, concernant notamment la culture du gingembre sous serre, de la pleurote en plein champ, mais aussi sur la multiplication des boutures de patates douces.Prévisualiser les modifications (s’ouvre dans une nouvelle fenêtre)

Les participants retiennent particulièrement la confirmation d’aborder le maraîchage de plein champ par la fertilité des sols et non la fertilisation des plantes, avec l’intégration massive des engrais verts et un travail du sol approprié. Ce voyage a aussi mis en évidence la nécessité d’aborder sans tabous la rentabilité des fermes en osant se pencher sur l’organisation du travail, la commercialisation et la gestion des ressources humaines.

Un gros point d’interrogation subsiste néanmoins sur le niveau de fertilisation, extrêmement élevé sous abri, et sur la durée des cycles de cultures 20 à 30 % plus court qu’en France, pour la même variété.

L’auto-construction bien présente chez les Québécois

Le «mouleur» de Francine Pommerleau – crédit ARDAB

Les bricoleurs français ont eu de quoi se rassasier avec les « patenteux » québécois et leurs trouvailles. Ils ont découvert l’immense variété de tracteurs portes outils pour les binages, semis ou autres tâches, des outils les plus simples aux plus élaborés.

Un des moments fort a été la rencontre avec la CAPE (Coopérative pour l’Agriculture de Proximité Écologique) sur la ferme Cadet Roussel avec la participation de Yan Gordon, Reid Allaway (maraîchers biologiques impliqués au sein de la CAPE) et Alain Robitaille (enseignant à l’école professionnelle de Sainte Hyacinthe – EPSH). Une dizaine d’agriculteurs québécois étaient aussi présents et la discussion s’est engagée sur les moyens disponibles au Québec pour porter une dynamique comparable à l’Atelier paysan, et quelles perspectives de collaboration et d’échanges.

Témoignages des participants

Patrice Goutagny, Les Jardins d’Ys (Puy-de-Dôme) :

« Isolé sur ma ferme, je n’aurai pas pu prendre conscience de tout cela. C’est un vrai plus, tant humain que professionnel, et une garantie pour la poursuite de mon activité. C’est bien la richesse de ces échanges collectifs et la force de notre réseau. »

« Par sa durée, même s’il est difficile de se libérer de nos fermes, par la découverte de réalités très différentes (saison été/hiver très marquée, culture nord-américaine d’entreprise, dimension des petites fermes, rapport espace/population, contexte économique, dimension sociale), ce voyage d’étude a fait un effet miroir propice à des réflexions en profondeur et à des pistes concrètes de changements sur notre ferme. »

Matthieu Dunand, La Pensée Sauvage (Haute-Savoie) :

« Les Québécois partent de très loin en terme d’organisation collective. La diversité des organisations qui travaillent en France à l’animation de groupes de paysans, sur la bio, sur l’appui technique, sur l’autoconstruction, sur l’installation agricole, est peu présente au Québec. Mais malgré la faiblesse des moyens et de soutien institutionnel, ils s’organisent, et on sent qu’il y a vraiment une bonne énergie chez les paysans investis que l’on a rencontrés. On est parti loin mais finalement nos rencontres et visites ont témoigné d’une grande proximité de points de vue, de galères, de réussites, d’enthousiasmes. »

Matthieu Gauthier, Biau Jardin de Grannod (Saône-et-Loire) :

« Prendre le temps et le risque de quitter nos fermes en pleine période de production ce n’est pas simple ! Mais avec des voyages comme celui-là, aussi riche humainement que techniquement cela vaut largement le coup. La grande diversité des fermes visitées a permis une prise de recul sur nos situations et craintes de jeunes installés, j’ai rencontré des maraîchers dans un schéma de ferme similaire à la mienne mais avec des conditions et des contraintes complètement différentes. »

« Leur ouverture d’esprit est aussi grande que l’immensité de leurs plaines agricoles ! Ce qui leur permet, l’hiver venu, une fois le travail en plein champ terminé, de prendre le temps de construire, réfléchir et perfectionner leur système de production. Ils tendent vers une rentabilité et une productivité extraordinaire, sans parler de tout ce qu’ils mènent sur l’organisation du travail, notre plus gros point faible à tous … »

Échanges avec Anne Weil et Michel Massouard à la Ferme aux solstices autour d’un profil de sol et des pratiques de gestion d’engrais vert – crédit ARDAB

Article rédigé par Pauline BONHOMME (ARDAB – FRAB), avec les co-organisateurs