GROUPE DEPHY : améliorer ses pratiques et optimiser les engrais verts en maraichage

Publié le : 13 décembre 2017

Comment implanter des engrais verts en maraichage ? Quelles espèces ? A quelle période ? Quels effets sur le sol, la fertilisation, la gestion des bio-agresseurs ? Voilà de nombreuses questions auxquelles plusieurs maraichers bios du Vaucluse et Bouches-du-Rhône souhaitent répondre dans le cadre d’un groupe DEPHY FERME (Ecophyto 2).

Engrais verts sous tunnel 2, crédit GRAB

Une pratique peu répandue en système maraicher

Les exploitations maraichères, surtout en région PACA où la pression foncière est forte, sont souvent limitées en surfaces et les principes de rotation sont compliqués à respecter. Pourtant, la culture d’engrais verts est une des pratiques de base en bio. Cette technique consiste à cultiver un couvert entre deux cultures de légumes puis de l’incorporer dans le sol. L’objectif recherché est de fournir des éléments nutritifs à la culture suivante, mais cette pratique présente plusieurs autres intérêts.

Les nombreux intérêts des engrais verts

En maraîchage bio et non bio, les engrais verts constituent une des réponses aux nombreuses préoccupations rencontrées : concurrence et maîtrise des adventices, protection ou amélioration de la structure du sol, stimulation de l’activité biologique. L’intérêt majeur est donc la réduction des pressions extérieures de bio-agresseurs et des besoins d’utilisation en produits phytosanitaires.

Les engrais verts “nourrissent” le sol en participant à l’entretien de la matière organique et en facilitant la disponibilité des éléments nutritifs. Ils améliorent la disponibilité en éléments fertilisants. Ils participent ainsi à la stratégie de fertilité des sols des maraichers et évite la sur fertilisation. Les engrais verts ont aussi un rôle important de restructuration du sol en profondeur.

Un groupe DEPHY en Vaucluse : une dynamique se construit

Cette technique intéresse de plus en plus de maraichers, bio et non bio. De nombreuses questions se posent : comment mieux intégrer les engrais verts dans les rotations ? Quelles modalités pour les implanter ? Quels effets sur les cultures (gestion des adventices, des maladies, sur la structure des sols et la fertilité) ?

Afin de répondre collectivement à ces questions, 12 maraichers bios accompagnés de la conseillère maraichage bio du Vaucluse et des Bouches-du-Rhôn,e ont reçu un avis favorable à l’appel à candidature DEPHY du plan Ecophyto 2 lancé par le Ministère de l’Agriculture. Ce projet a démarré en juillet 2016 pour une durée de 4 ans, dont les axes de travail sont :

  • accompagnement individuel des maraichers sur la gestion des bio agresseurs
  • travail collectif sur les engrais verts et la gestion des bio agresseurs
  • réalisation d’actions de communication et de diffusion vers les bios et les conventionnels : articles, fiches, visites de fermes, démos, intervention dans l’enseignement…

Les engrais verts ont toute leur place et leurs intérêts dans les rotations maraichères. Voici donc l’ambition du projet : optimiser l’implantation d’engrais verts en maraichage !

Où en est le groupe aujourd’hui ?

Après une année d’existence, le groupe a démarré un travail sur ces pratiques. En 2016, ils se sont formés avec Hélène Védie du GRAB et ont pu affiner leurs choix d’engrais verts et de modalités d’implantation. Plusieurs rencontres ont été organisées par l’Ingénieur du groupe DEPHY (Conseillère Maraichage bio) sur les fermes des producteurs. Ainsi ils ont pu observer les engrais verts mis en place, et échanger sur les conditions de réussite. En 2017, la dynamique continue, avec notamment l’organisation de formations sur la protection biologique intégrée et la biodiversité fonctionnelle.

Le plan ECOPHYTO 2 et le dispositif DEPHY

Le dispositif DEPHY est une action du plan Ecophyto 2 piloté par le ministère de l’agriculture. L’objectif global est de réduire et d’améliorer l’utilisation des produits phytosanitaires en France. Le réseau DEPHY a pour objectif d’éprouver, de valoriser et de déployer les techniques et systèmes agricoles réduisant l’usage des produits phytosanitaires et performants au niveau économique, environnemental et social. Il consiste à favoriser les échanges individuels entre ingénieur et agriculteurs mais aussi les échanges entre producteurs.

Ce réseau national couvre l’ensemble des filières de production et mobilise les partenaires de la recherche, du développement et du transfert. Le dispositif FERME est un réseau de démonstration et de production de références, s’appuyant directement sur des exploitations agricoles. Jusqu’en 2016, il y avait 185 groupes d’une dizaine d’agriculteurs (Ecophyto 1). Ecophyto 2 propose aux groupes déjà existants de se réengager pour 4 ans et propose des candidatures pour de nouveaux groupes. En 2016 il y a eu 281 candidatures, 241 dossiers ont été acceptés dont 34 sur la filière légumes (4 en région PACA). Plus d’info ici

Caroline Blanc groupe Dephy, credit Agribio84

Le témoignage de Caroline Blanc, encadrante technique au Mas de Carle (Villeneuve les Avignon, 84)

Contexte

« Le Mas de Carles est une association d’insertion sociale qui produit du maraîchage, des olives et du fromage de chèvre sur 4,5 ha. Toutes les productions sont en AB, et je suis encadrante technique. Nous cultivons une large gamme d’espèces sur 1,5 ha de maraîchage dont 0,15 ha en sous abris. Nous commercialisons exclusivement en circuits courts : marchés et vente à des magasins et restaurateurs privés. Je suis dans le réseau Ferme DEPHY depuis 2016. Je fais des engrais verts depuis plusieurs années, et nous avons changé notre stratégie de protection de cultures depuis 1 an et demi. »

Stratégies de protection

« Avant je gérais principalement mes cultures avec l’utilisation du soufre et du cuivre pour gérer les maladies. Depuis 1 an et demi, suite à une formation (le soin des plantes), j’ai changé mes pratiques. J’utilise l’extrait fermenté de prêle pour toutes mes cultures plantées au printemps : un apport tous les 15 jours après la plantation. Cela crée une couche de silice sur les feuilles et permet à la plante d’améliorer ses défenses immunitaires. Pour les plantations d’hiver, j’utilise l’extrait fermenté d’ortie qui a les mêmes fonctions mais est plus adapté à la saison. J’utilise ces extraits fermentés sur toutes mes cultures maraîchères. Ça m’a donné des résultats très satisfaisants sur les cultures de cucurbitacées (aucune apparition de maladies), par contre sur les autres cultures c’est plus aléatoire. En revanche je n’ai pas refait un seul traitement à base de soufre et/ou de cuivre.

Lorsque j’ai eu une attaque de mildiou sur aubergines, j’ai épandu une préparation à base de sarriette, clou de girofle et origan. Cette préparation a permis de gérer le problème de maladies. Cette année, je n’ai eu aucun problème de maladies de la plantation jusque début août.

Pour la gestion des ravageurs, lorsque j’ai une attaque de Tutta ou de punaises j’épands une macération d’ail. Ça a un effet immédiat et le résultats est très satisfaisant. »

Améliorer son sol grâce à l’utilisation d’engrais verts

« Depuis plus de 3 ans, nous semons un mélange d’avoine/vesce à l’automne/hiver, en général en novembre pour le broyer en avril (au gyrobroyeur). Avec cet engrais vert, notre objectif est d’améliorer la structure du sol, grâce au travail des racines et à l’apport organique de l’avoine. Cet engrais vert a aussi l’intérêt d’avoir une bonne couverture du sol, ce qui permet de limiter la pression des adventices. La vesce apporte un peu d’azote pour améliorer la fertilité du sol. Nous semons cet engrais vert entre deux cultures maraîchères, là où il y a de la place, tous les ans.

Nous sommes plutôt satisfaits du résultat, même si l’effet n’est pas miraculeux sur la structure. Cela permet toutefois d’éviter l’enherbement des cultures suivantes. Nous aimerions faire plus d’engrais vert, mais c’est souvent difficile puisque nous manquons de place.

Aussi, depuis 1 an et demi nous semons de l’avoine dans les serres, sur les bords de serre que nous laissons en permanence. Cela permet d’éviter l’enherbement des bords de serre et attire de nombreux auxiliaires. Nous fauchons l’avoine en fonction de sa hauteur, il se resème tout seul chaque année. »

Et le groupe DEPHY ?

« Même si cela ne fait qu’un an, le groupe dephy est très intéressant. Les visites de fermes permettent d’échanger avec les autres maraîchers sur leurs pratiques. J’apprécie énormément ces moments collectifs. Aussi l’appui technique avec l’ingénieur réseau m’aide dans la prise de décisions, notamment en ce qui concerne la fertilisation. Elle vient faire des prélèvements de terre pour quantifier l’azote présent dans le sol. Elle m’aide aussi à identifier des maladies, ce qui me permet de réagir plus vite et de mieux gérer mes cultures. »

Mot de la conseillère

« Caroline a réussi à changer ses pratiques culturales et a éliminé tous traitements à base de soufre et de cuivre sur ces cultures. Elle a donc réduit son IFT à zéro. C’est une très belle démonstration d’un changement de pratiques réussi. Surtout que les résultats sur ces cultures sont très satisfaisants. La pratique des engrais verts reste encore à améliorer, notamment en diversifiant les espèces semées pour répondre à leurs objectifs de travail sur la structure. »

Pour tout renseignement, contacter Oriane Mertz, conseillère en maraichage bio à Agribio 84 et 13, au 06 95 96 16 62 ou conseillermaraichage13-8[at]bio-provence.org