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Fille d’éleveurs de bovins bio, après plusieurs années dans l’accompagnement du développement de la bio, j’ai souhaité m’installer à mon tour. Je suis partie de l’envie d’élever des animaux ainsi que du débouché intéressant en production porcine biologique : la demande des consommateurs ne cesse d’augmenter. Le manque de naisseurs est une réalité. J’ai donc entrepris un Plan de Professionnalisation Personnalisé (PPP) de 6 mois au cours duquel j’ai réalisé 3 stages en élevages porcins, tous les 3 naisseurs en plein air et dont 2 en bio. La partie naissance m’intéresse particulièrement car elle est complète, très variée et plus technique. Ces expériences de terrain m’ont permis de faire le tour des différentes facettes du métier de naisseur : logement des animaux, alimentation, reproduction, mise bas, castration, sevrage, santé, matériel, organisation du travail…, ). J’ai rapidement accroché avec l’animal et ce mode de production et j’ai donc décidé de me spécialiser dans le naissage plein air, sachant que le marché était là (voir Perspectives de développement pour la filière porcs bio en Auvergne-Rhône-Alpes). Le choix d’être en bio relevait pour moi de l’évidence, de la conviction.
Suite à mon PPP, j’ai souhaité ne pas m’installer seule mais plutôt chercher une ferme avec une activité d’engraissement bio déjà existante et des terrains disponibles pour un nouvel atelier naisseur. Le réseau bio en Rhône-Alpes m’a permis de découvrir la Ferme du Pas de l’Aiguille, à Chichilianne, qui engraissait déjà et transformait des porcs en bio et qui avait besoin d’un salarié. J’ai donc commencé par une activité d’ouvrière agricole à temps partiel pendant 5 mois, pour me familiariser avec la ferme et échanger sur mon projet d’installation. La difficulté de s’approvisionner en porcelets bio, la disponibilité de terrains et la bonne entente nous ont permis de poursuivre avec un stage reprise de 15 mois au cours duquel j’ai initié l’activité naisseur : achats du matériel (cabanes, auges…), mise en place des parcs, acquisition de 10 truies et d’un verrat. La ferme est à 1000 mètres d’altitude, j’ai donc opté pour une génétique qui allie prolificité et rusticité (femelles Large White/Landrace et mâle Duroc pur). Je me suis officiellement installée début 2018 en tant que 3ème associée du GAEC.
J’envisage un cheptel de 40 truies et une production de 720 porcelets sevrés par an (9 porcelets par portée et 2 portées par an par truie). Nous avons gardé les femelles nées des 1ères mises bas afin constituer notre cheptel de mères (25 % Large White 25 % Landrace et 50 % Duroc). Ces cochettes seront ensuite saillies par des verrats Pietrain pour produire des porcs charcutiers. Nous aimerions continuer à produire nos propres cochettes en alternant la race des mâles en pur (Large White, Landrace puis à nouveau Duroc).
Je vais fonctionner par bande et de préférence en saillie naturelle. À terme, je prévois 4 bandes de 10 truies, ce qui correspond à 10 mises bas toutes les 6 semaines. Le plus difficile en bio, c’est de réussir à caler ses bandes pour avoir une production étalée et régulière et ainsi optimiser la conduite du troupeau. Il faut être rigoureux sur le suivi (dates de saillie, mise bas, castration et sevrage) pour éviter les surprises et donc les complications. Avant la mise bas, les truies sont isolées chacune dans leur parc avec leur cabane. Si nécessaire, on prévoit un système de chauffage pour les 1ers jours de vie des porcelets. A partir de 2-3 semaines, les porcelets commencent à manger un aliment spécifique à leurs besoins. Jusqu’à présent, le système n’étant pas encore bien calé, les porcelets sont sevrés à 6-7 semaines selon l’état des truies. Elles sont alors à nouveau regroupées dans les parcs, saillies avec différents verrats, puis gestantes jusqu’à la prochaine mise bas. Les porcelets suivent une transition alimentaire après le sevrage et jusqu’à la vente ou l’engraissement. Les aliments des truies et des porcelets sont achetés chez un fabricant bio car nous n’avons pas suffisamment de surfaces cultivables et que nous ne sommes pas suffisamment équipés pour fabriquer et distribuer notre propre aliment. Nous avons une petite fabrique de farine que nous utilisons l’hiver pour nos charcutiers (2/3 de farine de céréales mélangé à 1/3 de complémentaire du commerce). Durant l’été, ces derniers étant en plein air également, nous passons à un aliment complet pour plus de facilité mais aussi parce que nous n’aurions pas assez de céréales.
Il faut aimer être au contact des animaux et à l’extérieur toute l’année et par tous les temps ! C’est une activité accessible avec ses contraintes spécifiques. Le choix du plein air constitue une belle opportunité dès lors qu’on a les terres adaptées. Les investissements à réaliser sont raisonnables. Il est essentiel de se procurer des cabanes confortables pour les animaux et fonctionnelles pour l’éleveur. Il est également nécessaire de s’équiper de matériel spécifique pour faire face aux aléas climatiques (notamment pour l’abreuvement et le chauffage des cabanes quand les températures chutent sous 0°C). D’un point de vue sanitaire, l’élevage de truies en plein air est très adapté à condition que les truies disposent de suffisamment d’espace, qu’on pratique des vides sanitaires pour favoriser la repousse de l’herbe, qu’on déplace régulièrement les cabanes et qu’on les paille dès que nécessaire. Dans l’idéal, j’aimerais même faire une rotation des parcours avec une culture céréalière après 2 ans d’élevage pour remettre le terrain en état et profiter des déjections. Je pense que l’élevage de truies en plein air demande plus de main d’œuvre et de patience notamment pour déplacer les animaux, attraper les porcelets et réaliser un soin quand c’est nécessaire. Mais selon moi les animaux sont plus épanouis à l’extérieur, plus calmes et aussi plus vigoureux. Et pour moi c’est un vrai plaisir de les voir ainsi et de travailler dehors.
Une partie des porcelets (une centaine) est directement engraissée sur la ferme. Pour la commercialisation hors du GAEC (soit 600 porcelets), je vais mettre en place une planification avec des engraisseurs 6/8 mois avant la livraison effective des porcelets, pour avoir toujours une portée d’avance. C’est un bon système qui a fait ses preuves, plusieurs éleveurs naisseurs en Isère l’ont déjà adopté. Il est indispensable de disposer de visibilité et de garanties sur ses débouchés. Je demande donc un acompte à mes clients. L’idéal est d’avoir des clients réguliers qui prennent des porcelets au moins deux fois dans l’année et pas uniquement en hiver puisque les truies font 2 portées par an.
L’avantage d’avoir notre propre atelier de transformation, c’est aussi que nous pourrons valoriser les truies de réforme sur place.
Voilà pour la partie théorique. Je sais pertinemment que des adaptations seront nécessaires car nous travaillons sur du vivant. Je compte sur le dynamisme du collectif de naisseurs bio animé par l’ADABIO pour continuer à progresser.
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