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En Auvergne-Rhône-Alpes, la demande en viande de porc biologique ne cesse d’augmenter. Les salaisonniers bio, notamment, sont à la recherche de matières premières locales. Face à cette dynamique, l’association Bioconvergence, la FRAB AuRA et les différents groupements d’agriculteurs bio d’AURA, ont réalisé une enquête auprès des éleveurs bio de la région (producteurs de porcs et éleveurs intéressés par la mise en place d’un atelier porcs) pour sonder leur intérêt pour ce type de débouchés.
Les consommateurs sont de plus en plus attentifs à ce qu’ils mangent. D’après une étude du National Marketing Institute, 71 % des français accordent aujourd’hui autant d’importance au bio qu’au local. Cette demande a inspiré diverses entreprises de la région qui cherchent un approvisionnement en porc biologique produit localement pour développer une offre en magasins spécialisés ou en grandes surfaces.
La production régionale de porc bio trouvant son débouché essentiellement en vente directe, les salaisonniers rencontrent des difficultés à s’approvisionner localement. Cela les amène à se fournir hors de la région, voire hors de France. Comme l’indique une entreprise de salaison du Rhône interrogée, qui travaille actuellement des porcs bio en provenance d’Allemagne ou d’Espagne : « Nous avons entamé une réflexion sur la relocalisation de nos approvisionnements afin de proposer un produit bio de qualité et local. Cette démarche nous permettrait de répondre à la demande du consommateur tout en gardant une rentabilité pour l’entreprise. » Dans une optique de co-construction de son approvisionnement, cette entreprise souhaiterait « rencontrer les éleveurs afin d’échanger sur les attentes et les contraintes de chacun et arriver à contractualiser ».
Le produit de salaison n’est pas un produit de première nécessité mais plutôt un produit « plaisir », favorisant des prix rémunérateurs. De plus, la réduction du temps de transport permet d’améliorer la qualité de la viande. Le circuit de distribution de la charcuterie s’orienterait sur les magasins spécialisés et les grandes et moyennes surfaces.
Sur le territoire régional, la production de porcs charcutiers biologiques se concentre dans une centaine de fermes, essentiellement dans les départements de l’Allier, du Puy de Dôme, de l’Isère, de la Loire, de l’Ardèche et de l’Ain. Au sein des fermes, elle représente souvent une activité complémentaire à d’autres ateliers d’élevage biologique.
Avec 562 truies mères biologiques en 2016, Auvergne-Rhône-Alpes était alors la sixième région française, loin derrière la Nouvelle-Aquitaine et les Pays-de-la-Loire. Cependant, avec 58 élevages naisseurs, le territoire se place au 4ème rang français. Le territoire se démarque donc par des élevages de taille moyenne plus petite que la moyenne nationale, assurant bien souvent leur propre transformation et commercialisation via la vente directe.
Plus de la moitié des éleveurs de porcs bio sont seulement engraisseurs et ont des difficultés à trouver des porcelets bio dans la région ou à constituer des lots homogènes. Les vendeurs de porcelets bio sont rares en Auvergne-Rhône-Alpes.
Parmi les éleveurs enquêtés dans le Rhône et la Loire, deux profils se dégagent : ceux qui transforment à la ferme et ceux qui font transformer ailleurs. La grande majorité des éleveurs bio déjà en place valorise cependant sa production en circuits courts, essentiellement en vente directe via des magasins de producteurs, des marchés, des AMAP. Attachés au contact avec le client et à la valorisation du métier inhérente aux circuits courts, ils se disent peu intéressés par une valorisation en circuits longs. Il faudra donc se tourner vers d’autres profils d’éleveurs pour répondre à la demande des salaisonniers.
Intéressé par la mise en place d’un atelier porc bio sur sa ferme, l’un des éleveurs rencontré témoigne : « Le bio, c’est que du bon sens ! Après la conversion de notre atelier lait, on a envie d’aller plus loin. On a du petit lait alors pourquoi ne pas mettre en place un atelier porcs bio mais sans se soucier de la commercialisation ? ». Un autre souhaiterait, quant à lui, convertir en bio son atelier de porcs conventionnel existant : « Il ne faut pas être à contre-courant, le consommateur veut du bio. Si ça permet de mieux valoriser son travail et de se positionner sur un marché plus stable, pourquoi pas ? ». L’enjeu reste de parvenir à se fournir en porcelets bio.
Le marché de la viande porcine bio est un marché porteur. Mais pour le satisfaire, la mise en place de nouveaux ateliers est indispensable, qu’ils soient naisseurs ou engraisseurs. Des ateliers d’engraissement, petits ou grands, peuvent être avantageusement créés dans des fermes laitières avec transformation, valorisant ainsi le petit lait. Le développement de la filière nécessite un dialogue entre naisseurs, engraisseurs et salaisonniers, ainsi qu’une contractualisation avec tous les acteurs qui le demandent afin de gagner en visibilité.
Selon Martin Perrot, technicien en polyculture-élevage à l’ADABio, élever des porcelets bio n’est pas donné à tout le monde. « Côté technique, c’est avant tout le renouvellement des truies -limité à 20 % si on achète les cochettes en conventionnel-, la gestion de la reproduction et les choix de races qui sont les principaux facteurs de réussite. C’est un élevage très particulier, qui exige d’être rigoureux et observateur sur de nombreux paramètres… A cela se rajoute le besoin de vendre les porcelets à un prix juste et rémunérateur. »
Pour autant, des dynamiques se développent sur le terrain, poussées par quelques éleveurs expérimentés. C’est notamment le cas en Isère, où plusieurs projets d’installation ou de création d’ateliers naisseurs ont vu le jour dernièrement. Martin Perrot témoigne : « Cela faisait très longtemps que nous n’avions pas vu de jeunes voulant s’installer en porcs. Mais la tendance est en train de changer, grâce notamment à Hugues Moly, un éleveur expérimenté et coopératif qui prend le temps d’échanger avec les porteurs de projet et de les rassurer ». Une première réunion d’échanges a ainsi été organisée le 26 avril dernier par l’ADABio entre naisseurs et futurs naisseurs autour de la mise en place d’une filière locale d’approvisionnement. Suite à cette dernière, un collectif s’est monté , « particulièrement moteur et autonome » selon Nicolas Ghiotto (ADABIO). Qu’ils soient éleveurs ou porteurs de projet d’installation, tous les membres s’intéressent à l’élevage de porcelets en plein air, et sont liés par une même volonté d’entraide et d’échanges, tant sur la technique que sur la commercialisation.
Pour Hugues Moly, éleveur de bovins et de porcins en plein air à Saint-Baudille-de-la-Tour et membre de ce collectif, l’enjeu est de taille. « Cela fait 10 ans que nous produisons des porcelets bio, environ 500 par an. Techniquement, nous savons faire. Le problème, c’est au niveau de la vente qu’il se trouve. Les ¾ des éleveurs engraisseurs à la recherche de porcelets ne veulent pas s’engager et achètent au fur et à mesure de leurs besoins. Cette irrégularité tire les prix vers le bas. Or pour produire, nous avons besoin de sécuriser nos débouchés, et pour cela d’anticiper au moins 6 mois avant la vente. Il nous faut produire sur commande. Sinon le risque est trop grand de vendre à perte. » Pour lui, c’est là que réside tout l’intérêt de ce collectif de naisseurs. « On reste sur une science qui n’est pas exacte. D’où le besoin de s’entraider, de pouvoir se compléter les uns les autres, et de travailler sur la question du juste prix du porcelet et sur les commandes. »
Marie Scherrier, en stage de reprise à la Ferme du Pas de l’Aiguille (Chichilianne, Trièves) qualifie le collectif de véritable appui. « Quand on commence, ça rassure beaucoup. Ce groupe est très riche en échanges d’informations, essentiellement sur le profil des différents acheteurs et sur les modalités de vente. » Son installation est prévue pour janvier 2018, mais elle a d’ores et déjà lancé un atelier naisseur durant son stage. Avec 100 porcelets produits cette année, elle n’a rencontré aucun problème pour trouver des clients. « Ils viennent d’Ardèche, du Rhône, d’Isère. J’ai même eu des demandes des Hautes-Alpes que j’ai dû refuser. Il y a vraiment de la demande, on n’est finalement pas obligé de brader le produit. » Dès l’année prochaine, elle projette de monter à 40 mères, soit 720 porcelets par an, dont environ 600 pour la vente à des engraisseurs bio.
Article rédigé par Agathe Vassy (FRAB AuRA)
Article du réseau FRAB AuRA, piloté par Marianne PHILIT (ARDAB)
Pour aller plus loin, vous trouverez :
http://forum.adabio.com/ -> rubrique « Elevages » -> article « Les naisseurs bio (porcelets) sur la zone ADABio »
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