Découvrez les pratiques et techniques par filière
La Norvège, la Suède et la Suisse ont interdit il y a plusieurs années les cages de mises bas avec confinement continu. Depuis 2017, la loi autrichienne impose à son tour la mise bas en liberté des truies dans tous les bâtiments nouvellement construits (pour les bâtiments déjà en place, les éleveurs ont jusqu’à 2033 pour se mettre aux normes). Ces mesures témoignent de la préoccupation sociétale croissante pour le bien-être des animaux d’élevages.
En quête de solutions techniques viables à proposer aux éleveurs belges, le Centre wallon de Recherches Agronomiques (CRA-W) s’est rendu en Autriche pour visiter une station expérimentale de production porcine bio. Retour sur ce voyage d’étude.
48 % des élevages bio français avec truies organisent la mise bas des truies en bâtiment, la quasi-totalité sur litière (source : ITAB d’après Agence Bio, 2018). Dans ce système, la truie dispose d’un espace enrichi pour autoriser l’expression de certains comportements naturels mais est contrainte avant et après la mise bas par un dispositif de contention.
Jusqu’à présent, elle ne disposait pas d’accès à l’extérieur. Une récente évolution réglementaire rend désormais obligatoire cet accès à l’extérieur (le Comité national d’agriculture biologique du 12 avril 2018 a entériné la nécessité de prévoir l’accès à l’extérieur pour les phases de maternité et de post-sevrage).
À ce jour, le risque de pertes sous la mère, liées à des écrasements, est le principal frein technico-économique à la généralisation de la mise bas en liberté. Or la viabilité des ateliers avec truies est indissociable de la maîtrise technique du naissage, dont l’un des indicateurs de réussite est le nombre de porcelets sevrés par truie.
En outre, l’investissement dans des cases spécialement conçues pour la mise bas en liberté constitue un surcoût en équipement, quelquefois doublé d’une augmentation de temps de travail pour l’éleveur (surveillance).
La liberté de mouvement des truies en maternité fait l’objet de recherches actives au Danemark, au Pays-Bas et au Royaume-Uni, bien que les réglementations nationales de ces pays ne rendent pas cette pratique obligatoire. Au Royaume-Uni, sous la pression des organisations de protection du bien-être animal, un distributeur important a décidé de ne s’approvisionner qu’en viande de porcs issue d’élevages de truies en liberté. Le gouvernement britannique a annoncé la mise en place de subventions pour soutenir la construction de bâtiments adaptés. Au Danemark, cela fait dix ans que les élevages, notamment ceux qui approvisionnent le marché britannique, ont commencé à utiliser des systèmes de truies libres à la mise bas. Les solutions techniques identifiées sont le fruit d’un travail conjoint entre organisations professionnelles, équipementiers et associations « welfaristes » (associations de défense du bien-être des animaux d’élevage). En France, la filière porcine reste sceptique quant à la viabilité technico-économique des modèles de cases de mise bas en liberté testées en stations d’expérimentation (1).
Une récente étude finlandaise montre pourtant que les mises bas en liberté diminuent le stress des truies et favorisent l’expulsion des porcelets. Selon Claudio Oliviero, enseignant-chercheur à l’Université d’Helsinki, « L’acte de nidification rendu possible par la non-contention de la truie est associé à une augmentation de prolactine induite par une diminution de la progestérone et une augmentation des prostaglandines. » Il « agit contre le stress de l’animal » (2) et est susceptible d’en améliorer la santé. En effet, un faible taux de progestérone est corrélé à une production plus abondante de colostrum et d’immunoglobulines (Ig ; Poilvet D ., 2017). De même, la liberté des truies lors de leur mise bas est associée à une augmentation du taux d’ocytocine, donc à une diminution de la durée de la mise bas. L’intervalle entre les naissances de porcelets est plus court pour les truies qui mettent bas dans des loges permettant une liberté de mouvement (13 à 19 minutes) comparé à celles qui mettent bas dans des cages de contention (18 à 30 minutes ; Johnson A., Marchant-Forde J., 2009 (3)).
Le règlement européen qui encadre l’élevage biologique précise que « les pratiques d’élevage, y compris l’alimentation des animaux, la conception des installations, la densité d’élevage et la qualité de l’eau, permettent de répondre aux besoins de développement, ainsi qu’aux besoins physiologiques et comportementaux des animaux ». Travailler à la généralisation de la liberté des truies en maternité s’inscrit donc dans la démarche de progrès inhérente à l’agriculture biologique.
En Autriche, le marché du porc bio représente 3 % du marché du porc. Les élevages qui l’approvisionnent sont de taille raisonnable, avec un bon équilibre entre taille du troupeau et surfaces cultivées (lien au sol). Pour répondre aux attentes sociétales en matière de bien-être animal, les filières animales autrichiennes s’organisent pour faire évoluer leurs pratiques.
Le Centre wallon de Recherches Agronomiques (CRA-W) s’est rendu en janvier 2018 à la station expérimentale bio de Thalheim bei Wels (au nord-ouest de l’Autriche). La station expérimentale bio, en lien avec l’équipementier Schauer, a ainsi mis au point deux modèles de loge de mise bas en liberté adaptés à l’élevage bio : les loges Welser et WelCon. Ces deux modèles sont largement similaires à la différence près que la loge Welser est adaptée pour des bâtiments non fermés, donc plus froids.
La loge est basée sur un principe : la séparation nette des domaines d’activité – « se coucher », « déféquer », « s’alimenter ». Elle comprend :
Toutes les cloisons sont en bois. La superficie totale de la loge (aires intérieures et extérieures) fait environ 12,5 m². La case réservée pour la mise bas, l’allaitement et le repos de la truie mesure 2 m x 2,20 m (la surface est ainsi supérieure de 2,5 m² aux 10 m² imposés par la réglementation).
Dans l’aire de mise bas et d’allaitement, la truie doit disposer de paille en brins longs (paille d’orge) qu’elle utilise comme matériau de nidification. La zone doit rester sèche et propre. Entre chaque bande, l’aire est débarrassée des litières et brossées, mais n’est lavée qu’une à deux fois par an. Cette procédure suffit à maîtriser le risque sanitaire.
La mise en place de « barre anti-écrasement » n’est pas nécessaire. Le risque d’accumulation de paille sous une barre est parfois plus préjudiciable que protecteur. De même, la mise à disposition d’un panneau incliné pour faciliter et orienter le couchage des truies ou encore d’un poteau au milieu de la zone (cf. loges Thierry Schweitzer en Alsace) n’est pas jugée nécessaire.
Le sol de la zone de mise bas et d’allaitement est isolé. Aucun caillebotis n’est présent. Il s’agit d’un sol plein en béton.
Dans la loge Wesler, la truie doit quitter l’aire de repos couverte pour rejoindre sa zone d’alimentation en passant par la zone extérieure arrière. Elle doit faire le chemin inverse pour retrouver ses porcelets. La porte pour rentrer dans la zone de mise bas et allaitement comprend une poignée d’ouverture actionnée avec le groin de la truie. Un bras de rappel permet la fermeture automatique.
Dans la loge WelCon, la zone d’allaitement est séparée de la zone d’alimentation par un dispositif de barrières amovibles. Ces barrières permettent le passage de l’éleveur. Dans cette conception, il est nettement plus simple d’évacuer les éventuelles fèces et litières sales de la zone de mise bas et d’allaitement.
La niche à porcelets est équipée d’un couvercle avec un radiant électrique infrarouge au plafond. Elle a une superficie de 1,1 m². Les porcelets peuvent être enfermés dans leur niche en actionnant un levier qui abaisse ou remonte une guillotine qui sépare les zones. Seule la niche à porcelets est chauffée. Il est préférable d’avoir une lumière dans les niches pour favoriser le comportement de replis des porcelets dans la niche.
La zone arrière extérieure fait office d’aire de déjections, d’exercice et d’abreuvement. Elle contient un abreuvoir et un râtelier pour du fourrage grossier. Les barrières séparant les courettes autorisent les contacts entre les truies voisines et sont relativement basses pour éviter le passage des porcelets.
La zone est raclée 2 fois par semaine par un engin motorisé. Le couloir de raclage est 5 à 12 cm sous le niveau du sol des zones intérieures pour éviter toute infiltration d’eau mais permettre le passage de la truie et des porcelets. Il ne peut pas être trop large au risque d’y découvrir des mises bas en été et de provoquer des comportements d’élimination à l’intérieur (inversion des zones).
Sur 13 porcelets nés vivants en moyenne, 10,4 sont sevrés au bout de 6 semaines d’âge à un poids moyen de 12 Kg. Les écrasements sont plutôt maîtrisés et ne représentent que la moitié du taux de mortalité. Les truies (Large White * Landrace) sont sélectionnées pour leur capacité nourricière (4).
Suite à la visite de la station expérimentale, le CRA-W s’est rendu dans un élevage naisseur bio autrichien ayant adopté le système WelCon. L’éleveur a chiffré à environ 8.000 € l’investissement complet par place de maternité. Le porcelet bio est commercialisé sous contrat autour de 140-150 € pour un poids de 30 Kg en Autriche, où la demande en porcelets bio, comme en France, est très forte. En France, le prix du porcelet bio est de 90 €.
Crédits pour les photos des figures 2 à 10 : CRA-W (Centre wallon de Recherches Agronomiques)
La partie technique de cet article s’appuie sur le rapport de mission du CRA-W
Autres sources :
(1) Cases de mise en base en « liberté » : ça bouge en Europe !, Tech PORC, Septembre-Octobre 2012 – n°7
(2) Des meilleures performances à la mise bas pour les truies en liberté, Réussir Porc, 21 août 2017
(3) JOHNSON A., MARCHANT-FORDE J., 2009, Welfare of Pigs in the Farrowing Environment
(4) Porc Magazine, Dossier Maternité en liberté, Mars 2014, n°485
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