GAEC Des balcons de la Drôme – Caprins – Chevrettes et chevreaux sous les mères

Aubenasson (26)

La ferme en quelques mots

  • SAU : 65 ha
  • Ateliers : caprin et vignes
  • Commercialisation : vente directe (85 % marchés et 15 % à la ferme) et dans magasins spécialisés
  • UMO : 2
  • Volume produit : entre 18 000 et 20 000 litres/an (monotraite)
  • Taille du troupeau : 35 chèvres (515 l/an) et 70 chevrettes et chevreaux par an
  • Races présentes : Alpines initialement, croisées avec des Roves, des Lorraines et des Poitevines

Historique de la ferme

  • 1999 : installation en EI de Marie-Pascale, elle lance directement la conversion en AB
  • 2001 : la conversion en bio est finalisée
  • 2011 : elle est rejointe par son conjoint (qui était jusqu’alors conjoint collaborateur) avec la formation d’un GAEC

La conduite de l’élevage des jeunes : sous les mères intégral

Les chevrettes et chevreaux naissent vers fin février-début mars, et sont élevés sous les mères directement (chaque chevreau consomme environ 1 L/jour, ce qui fait un manque à gagner par rapport à l’utilisation du lait pour la transformation fromagère de 220€ sur l’ensemble de la phase lactée).

Dès 10-15 jours, les jeunes ont un accès à l’extérieur et 2 repas de 150 g d’orge/jour leur sont servis, tout comme du foin est à disposition en permanence. Au bout d’un mois, on passe à 2 repas de 300 g d’orge/jour. Le sevrage a lieu au bout de 75 jours environ, alors que les animaux ont atteint un poids approximatif de 20 Kg.

Après le sevrage, 5 chevrettes viendront renouveler les chèvres de réforme du troupeau et rejoignent donc le troupeau en permanence, sauf la nuit afin de préserver la traite du matin (seule et unique traite) à ce moment démarre aussi la transformation fromagère, notamment du Picodon, car la ferme fait partie de l’AOP Picodon. Le reste des chevreaux et chevrettes seront soit abattus pour leur viande, soit destinés à compléter d’autres troupeaux. L’abattage concerne jusqu’à 50 animaux/an et se fait à l’abattoir de Die où la viande est aussi préparée dans la salle de découpe de l’abattoir avec l’aide du tâcheron, dont les services sont loués pour l’occasion.

Élever tous ses chevreaux et chevrettes sous les mères : un choix éthique plus qu’économique…

Ce choix éthique provient entre autre d’expériences choquantes qu’a pu vivre Marie-Pascale au cours de sa formation : « je suis allée visiter plusieurs systèmes d’engraisseurs et c’était l’horreur, donc on est passé à l’engraissement de tous nos chevreaux ». Ainsi, depuis 7 ans ils engraissent tous leurs chevreaux à la ferme pour éviter de devoir les faire collecter par un engraisseur.

Cependant, les deux associés sont conscients que si l’engraissement leur est permis, c’est en grande partie parce que la ferme jouit d’une relative ancienneté avec une certaine stabilité financière. Maire-Pascale témoigne « Ça fait 25 ans qu’on est installé, on n’a plus d’emprunt sur le dos, on ne parlerait pas comme ça il y a 15 ans ». Marie-Pascale insiste sur la liberté qu’elle a dans ses choix de systèmes et dans ses prises de décisions, elle est très heureuse de pouvoir en profiter désormais mais témoigne aussi du poids que représentaient leurs emprunts qui, obligatoirement, contraignaient leurs choix et ne permettaient pas « aussi facilement » de s’offrir la liberté d’engraisser des chevreaux à la ferme.

En effet, l’engraissement à la ferme n’est pas rentable dans leur cas :

  • L’alimentation en phase lactée des chevreaux requiert 60 j avec 1 L de lait/chevreau/j, avec un litre de lait valorisé à 3,6 € en fromage
    • ce qui fait : 60 j x 1 L x 3,6 € = 220 € de manque à gagner
  • Or, la vente d’un chevreau de 10 Kg carcasse (en moyenne) vendu à 17 €/Kg carcasse (en moyenne) rapporte environ 170€/chevreau.

Pour pouvoir comparer efficacement il faudrait connaître la différence de temps de travail entre la transformation fromagère de ces 60 L de lait et l’élevage d’un chevreau (plus important pour le fromage) et déduire ce montant du manque à gagner de la non-transformation du lait en fromage. Cela étant, on peut imaginer que les montants tendraient à s’équilibrer, donc que l’atelier d’engraissement de chevreaux se rapproche de l’équilibre du point de vue financier. Il y a donc d’autres raisons qui entrent en jeu pour expliquer pourquoi Marie-Pascale et Pascal engraissent l’ensemble de leurs chevreaux et c’est ce dont ils témoignent : « Financièrement on ne s’y retrouve pas trop, mais humainement on s’y retrouve, on n’a plus une chèvre qui pleure alors que quand ils partaient à 8 jours, c’était l’horreur ».

 

La chèvre est follivore

Pascal à la fromagerie

… mais qui facilite l’élevage ainsi que l’abattage

Humainement, élever les chevreaux sur la ferme est bien plus agréable, mais cela a aussi beaucoup d’avantages au niveau du troupeau. Les associés témoignent d’une meilleure relation avec le troupeau : « depuis que je fais ça, je suis beaucoup plus à l’aise avec mes chèvres ». Marie-Pascale raconte que les chèvres sont moins stressées et qu’elles se montrent beaucoup plus amicales avec elle quand elle entre dans la bergerie.

Elle observe aussi une meilleure cohésion au sein du troupeau : « depuis que tous les chevreaux sont dessous, c’est beaucoup mieux au niveau du troupeau, en termes de hiérarchie. Avant j’avais des mères qui n’avaient pas de chevrettes, d’autres qui en avaient, et certaines voulaient voler les petits aux autres. C’était très dur ». Les animaux paraissent également plus heureux et à leur aise : « Ça m’a vraiment apaisé le troupeau » et « au niveau bien-être animal c’est vraiment un plus » car les tensions entre les chèvres se sont réduites, il n’y a plus de compétition entre les chèvres qui gardaient leurs chevreaux et les autres.

De même, la période d’abattage est désormais beaucoup plus facile à vivre pour Marie-Pascale : « Avant j’avais un gros stress avant d’aller à l’abattoir, maintenant ça va beaucoup mieux et je sais que ça a du sens ». « J’attends que mes animaux soient tous passés pour m’en aller ». Elle ajoute que ça réduit le stress de ses animaux, tout en donnant du sens à son métier. Que du positif donc !