GAEC La Chevrochère – Caprins – Chevrettes à la poudre de lait bio
La ferme en quelques mots
- SAU : 110 ha
- Ateliers : chèvres, vaches allaitantes (20) et quelques porcs
- Commercialisation mixte : 75 % du volume transformé en fromages à la ferme et 25 % vendu à La Lémance
- UMO : 6
- Volume produit : 160 000 litres
- Taille du troupeau : 250 chèvres (680 l/an) et 80 chevrettes
- Races présentes : Saanen
- Alimentation des chèvres : pâturage, céréales, complément azoté
Historique de la ferme
- 1985 : création de la ferme par Denis, le frère de Claude, directement en bio
- 1995 : Claude rejoint son frère sur la ferme et ils forment un GAEC
La conduite de l’élevage des jeunes : poudre de lait bio
Claude a tenu à mettre en place un système avec des mises-bas à l’automne afin, notamment, de permettre à ses chevrettes de sortir au printemps. Ainsi la plupart des mises-bas ont lieu en automne, et quelques-unes au printemps, et sont suivies par une phase colostrale au cours de laquelle les chevrettes et les chevreaux consomment le lait maternel, qui est désormais thermisé. En effet, Claude témoigne : « on doit avoir 80 % du troupeau positif au CAEV, car on a pendant longtemps valorisé le colostrum pendant 15 jours avec les chevrettes. Alors maintenant on thermise le colostrum et on le donne aux chevrettes seulement pendant 3 jours ». Cette phase colostrale dure donc 3 jours, au bout de laquelle les chevreaux et les chevrettes non destinées au renouvellement sont collectés par un engraisseur en conventionnel. Quant aux 80 chevrettes qui assureront le renouvellement du troupeau, forcément issues des mises-bas d’automne, elles commencent la phase lactée.
Après avoir travaillé pendant longtemps avec du lait entier de vache bio pour l’alimentation des chevrettes, Claude a dû arrêter à cause de la crise du lait bio, qui a contraint le producteur qui le fournissait à stopper son activité. Il a alors choisi d’utiliser de la poudre de lait entier de vaches bio, ce qui a représenté un surcoût majeur pour la ferme (autour de 5 000 € la tonne de poudre de lait) même si cela représente moins de temps de travail que d’utiliser du lait de vache. En effet, pour utiliser du lait de vache, il faut aller le chercher chez l’éleveur laitier tous les 3 jours, puis le faire réchauffer pour faciliter la digestion des chevrettes, tandis que pour utiliser du lait en poudre, « on allume la louve et c’est fini ».
La question de passer à l’allaitement sous les mères s’est aussi posée. Mais Claude estime que leur bâtiment n’est pas adapté : manque d’espace dans le bâtiment, absence de cornadis qui pourrait faciliter la tétée, absence de box où mettre les chevrettes après qu’elles aient tété. Pourtant, Claude repasserait au lait de vache, s’il le pourrait : il le juge beaucoup plus pratique, mais il faut pour cela trouver, dans son voisinage, un éleveur bovin laitier bio capable de fournir ce lait.
Le sevrage a lieu quand les chevrettes atteignent autour de 13-14 kg ce qui arrive vers le mois de décembre. Ensuite, elles sont nourries au foin, aux céréales (pois, triticale, orge env. 90 t/an), produites sur la ferme, et avec un complément azoté (17 t/an). Au printemps, vers le mois d’avril, les chevrettes rejoignent le reste du troupeau pour entamer le pâturage. Deux repas de céréales additionnels sont servis tous les jours, afin de complémenter les chevrettes. Suivra la période des saillies et les chevrettes mettront bas au mois de décembre essentiellement, et pour certaines au printemps, comme expliqué précédemment.
Synergies entre vaches et chèvres
Comme a pu nous en témoigner Claude, les élevages caprins et bovins lait peuvent être très complémentaires, notamment pour fournir le lait nécessaire à l’alimentation des chevrettes. Dans certaines fermes, comme chez Claude, ce sont d’autres éleveurs qui fournissent le lait de vache, mais parfois c’est le troupeau de vaches laitières de la ferme lui-même qui fournit le lait pour l’allaitement des chevrettes. Cependant, la complémentarité entre des ateliers bovin et caprin ne s’arrête pas là car même dans le cas des bovins viande, des synergies peuvent apparaître.
C’est le cas à la ferme La Chevrochère puisque « les vaches permettent de valoriser les refus des chèvres, et on peut les faire valoriser les pâtures plus longtemps que les chèvres ; quand les chèvres restent hors des prairies humides en octobre-novembre, les vaches peuvent toujours y aller ». On comprend ici que dans sa gestion du pâturage, Claude fait en sorte que les vaches suivent le troupeau caprin, au moins une partie de l’année, et se nourrissent des refus laissés par les chèvres. De plus, quand les chèvres ne peuvent plus pâturer les prairies par excès d’humidité à l’approche de l’hiver, étant donné la faible surface de leurs sabots, les vaches quant à elles peuvent continuer à les pâturer pendant 1 ou 2 mois supplémentaires, pour profiter des dernières pousses d’herbes fraiches.
La complémentarité apparaît ici clairement, d’autant plus que du point de vue sanitaire, chèvres et vaches ne partagent pas de parasites en commun. Il n’y a donc pas de risque à les faire se suivre sur les parcelles, cela permet même une meilleure gestion du parasitisme. En effet, partager une partie des parcelles entre les troupeaux caprins et bovins permet d’allonger la surface de retour sur une même prairie pour chacun des troupeaux par rapport à un système où chaque troupeau dispose de ses propres parcelles, donc chacun d’une surface moindre.
Claude explique qu’à la ferme La Chevrochère, « on travaille en pâturage tournant dynamique en ne faisant revenir les chèvres sur les parcelles qu’après un long moment. En plus, avec les vaches qui pâturent à la suite des chèvres, on a une bonne gestion des parasites dans nos prairies. On fait aussi régulièrement des copros ce qui nous a permis l’an dernier de n’avoir aucun traitement allopathique à faire ». Les résultats sont donc satisfaisants au niveau parasitaire, avec une place importante accordée à la prévention, par une bonne gestion du pâturage et le recours aux copros, permettant de réduire l’utilisation de traitements allopathiques.
Une filière peu rémunératrice
Sur les 160 000 litres produits chaque année par la ferme, 40 000 litres sont collectés par la laiterie La Lémance pour être vendus en filière longue, achetés à 1 €/l en moyenne sur l’année. Les 120 000 litres restants sont transformés en fromage à la ferme pour être commercialisés essentiellement en filière longue, notamment avec BioCoop, ce qui permet de valoriser autour de 2 € chaque litre de lait transformé.
Ces faibles valorisations du lait, que ce soit cru ou transformé, combinées à un coût relativement élevé de la poudre de lait bio, permet difficilement de trouver un équilibre financier pour la ferme. Cela renforce la volonté de l’éleveur de changer d’aliment d’allaitement et de repasser au lait de vache bio pour ses chevrettes. Mais en attendant de trouver un éleveur de vaches intéressé, il faut trouver des solutions pour garder une bonne santé économique.
De plus, voir partir bon nombre de chevreaux à 3 jours n’est pas toujours chose aisée. Malheureusement, l’engraissement des chevreaux pose plusieurs soucis car il ne dispose pas d’un marché pour la viande de chevreaux à proximité de sa ferme. La viande est plutôt chère, particulièrement en comparaison avec la faible demande des consommateurs, liée surtout au manque d’habitude.
C’est pourquoi Claude regarde avec attention les avancées des expérimentations sur les lactations longues. Il aimerait beaucoup pouvoir garder ses chèvres pendant 2-3 ans en lactation avant qu’elles mettent à nouveau bas. Cela permettrait peut-être de garder des chèvres plus longtemps, et assurément de valoriser du lait toute l’année en fromages, tout en réduisant le nombre de chevreaux nés chaque année.