Ferme de Blanot – Caprins – Chevrettes à la poudre de lait bio et engraissement de chevreaux à la ferme

Blanot (21)

La ferme en quelques mots

  • SAU : 60 ha
  • Ateliers : fromage de chèvres et viande de chevreaux, vaches allaitantes et laitières
  • Commercialisation : vente directe à la ferme
  • UMO : 2 associés + 2 salariés
  • Volume produit : 45 000 litres/an (monotraite)
  • Taille du troupeau : 80 chèvres (560 l/an) et 25 chevrettes et chevreaux par an (lactation longue)
  • Races présentes : Alpines initialement, croisées avec des Saanen et des Poitevines
  • Alimentation des chèvres : pâturage d’avril à décembre, complément céréales et son de blé

Historique de la ferme

  • 1940 : Premières chèvres élevées par la grand-mère
  • 1980 : Construction du premier bâtiment et agrandissement du troupeau par le père
  • 2018 : Reprise de la ferme par les deux frères et lancement de la conversion en bio
  • 2020 : Passage de la ferme en bio

La conduite de l’élevage des jeunes : la poudre de lait bio

Au mois de mars, les chèvres du troupeau qui ne sont pas en lactation longue mettent bas : autour de 25 chevrettes et chevreaux naissent chaque année. S’ensuit une phase colostrale au cours de laquelle les chevreaux consommeront le colostrum thermisé des mères et les chevrettes celui des vaches qui a été préalablement congelé. Les chevrettes viendront renouveler le troupeau et les chevreaux, quant à eux, seront engraissés pour leur viande.

Pour la phase lactée, les éleveurs ont essayé d’allaiter les jeunes avec le lait de leurs vaches, mais ils n’en ont pas assez pour assurer à la fois l’allaitement des chevrettes et chevreaux et la vente d’une quantité suffisamment importante de lait de vache. C’est pourquoi après avoir rencontré quelques difficultés, ils ont opté pour la poudre de lait bio, en s’approvisionnant auprès de la coopérative Coop Bourgogne du Sud, à qui ils achètent la poudre Laitine Bio Nature à 5000 € environ par tonne (soit le litre à 0,5 € env.).

Or, à titre indicatif, après transformation en fromage, les éleveurs valorisent le lait de leurs chèvres à 2 €/l. Ainsi, sans intégrer les charges liées à la transformation fromagère, il semble ici plus avantageux financièrement d’utiliser la poudre de lait bio que le lait des chèvres pour l’allaitement des jeunes. Par ailleurs, les éleveurs estiment qu’il y a beaucoup moins de risques parasitaires à utiliser cet aliment, c’est aussi ce qui a motivé leur choix.

Le sevrage des chevrettes et des chevreaux a lieu lorsqu’ils arrivent autour de 15 Kg. Cependant, en fonction de la demande et de la volonté ou du temps disponible des éleveurs, une partie des chevreaux n’atteindront pas le sevrage et seront abattus autour de 12 Kg. Une autre part sera abattue juste après le sevrage, à 15 Kg, et les chevreaux restants iront au pâturage avec les chevrettes jusqu’à ce qu’ils aient atteint 20 Kg. Ces derniers seront alors abattus, découpés et vendus à la ferme.

Les chevrettes, quant à elles, resteront au pâturage jusqu’au mois de décembre environ, sur des parcelles dédiées afin de réduire le risque parasitaire qu’une intégration au troupeau de chèvres pourrait entrainer. Ce n’est qu’après qu’elles aient mis bas, l’année suivante, qu’elles seront pleinement intégrées au troupeau.

La lactation longue pour réduire les naissances et arrêter la vente de chevreaux à un collecteur

Si aujourd’hui le nombre de mises-bas à la ferme de Blanot est si faible, cela n’a pas toujours été le cas. En effet, avant de mettre en place la lactation longue sur leur troupeau, les chèvres mettaient bas environ 150 chevrettes et chevreaux chaque année, dont la grande majorité était collectée par des engraisseurs en conventionnel.

C’est pour cela qu’en 2019, quand Alex et Rémi ont entendu l’histoire de Jean-Yves Ruelloux dans le désormais fameux épisode de l’émission Les Pieds sur Terre, sur France Culture, qui racontait comment cet éleveur breton élevait ces chèvres en lactation longue, ils ont tout de suite été séduits par l’idée et ont commencé à la mettre en œuvre sur leur troupeau. Selon leurs dires, ce témoignage a motivé beaucoup d’éleveurs proches de chez eux à franchir le pas. Cela permet de bien mieux maîtriser le nombre de mises-bas, de sélectionner les chèvres qui seront mises à la reproduction et celles qui seront en lactation longue, et ainsi de réduire le nombre de chevreaux collectés voire même d’être en capacité d’engraisser tous ses cabris.

C’est le cas désormais pour Alex et Rémi qui parviennent à faire abattre leurs chevreaux à 3 périodes différentes, en fonction de la demande et de leur disponibilité donc, mais aussi pour pouvoir offrir de la viande présentant des qualités organoleptiques différentes à leurs clients. Pour l’abattage, par contre, chaque année est différente. Comme le témoigne Alex : « Chaque année on est baladé d’abattoir en abattoir à cause de fermetures, de problèmes avec les services vétérinaires ou car les abattoirs arrêtent d’accepter les chevreaux ; on en est à 5 différents depuis 2018, et à chaque fois c’est à une heure de route minimum ».

Leur exemple illustre l’un des principaux problèmes que rencontrent les fermes qui engraissent des chevreaux : la difficulté à trouver un abattoir qui les accepte. Le faible nombre d’animaux, le manque de praticité ou encore les difficultés émotionnelles créées par l’abattage de chevreaux font partie des raisons évoquées par certains abattoirs refusant d’abattre ce type d’animaux. Ainsi, Alex estime que « si on pouvait faire en sorte que l’abattage des cabris doive répondre au même cahier des charges que les volailles, ça aiderait beaucoup, car on pourrait avoir des abattoirs beaucoup plus petits, donc plus proches des fermes, comme c’était le cas avant ».

Après l’abattage, il faut découper la viande et la conditionner pour la vente, qui a lieu directement à la ferme. Ce sont Alex et Rémi qui s’occupent de cette partie-là. Après l’abattage, ils font livrer les carcasses à un atelier de découpe loué en conséquence, où ils réalisent eux-mêmes le travail afin notamment de réduire leurs charges et d’être en capacité de proposer un prix de 17,5 €/Kg à leurs clients, peu importe l’âge des chevreaux. Ce prix leur permet seulement d’être à l’équilibre financièrement mais il permet tout de même de rendre viable l’engraissement des chevreaux, donc d’éviter de vendre ces animaux à un collecteur en conventionnel.

Associer chèvres et vaches : des synergies intéressantes

Nous l’avons vu, Alex et Rémi ont été contraints d’arrêter d’allaiter leurs chevrettes et chevreaux avec le lait de leurs vaches, mais cela montre tout de même l’ambition qu’ils ont sur leur ferme, en essayant de mettre en place le système le plus cohérent possible agronomiquement.

Ainsi, ils travaillent beaucoup pour renforcer les synergies entre leurs différents ateliers et notamment leurs troupeaux bovins et caprins, et se servir de ce qu’ils peuvent mutuellement s’apporter. Alex explique : « Il y a une vraie complémentarité entre nos vaches et nos chèvres, tous nos prés sont pâturés par les deux troupeaux et ça fait beaucoup de bien au niveau du parasitisme. Et pour la phase colostrale, on utilise le colostrum congelé de nos vaches ». En effet, vaches et chèvres consomment des végétaux différents, et les refus de l’un serviront à alimenter l’autre si les troupeaux se suivent sur les parcelles.

Alors que faire suivre caprins et ovins sur une même parcelle renforce le risque parasitaire car ces espèces partagent des parasites communs, ce n’est pas le cas des caprins et des bovins. Il n’y a donc pas de risque supplémentaire d’infection parasitaire à les faire se suivre. Cela permet au contraire d’allonger la durée de retour sur une même parcelle : vaches et chèvres se partagent la totalité de la SAU de la ferme au lieu de devoir faire leur rotation sur une partie de la surface réservée à chaque espèce. Or, nous savons qu’allonger la durée de retour sur une même parcelle permet de réduire le risque parasitaire, d’autant plus si cette durée est supérieure au cycle de vie des parasites qui affectent les caprins. Cela facilite également la rupture des cycles, de sortir des schémas très réguliers de pâturage, ce qui est aussi une des méthodes les plus efficaces pour gérer la pression parasitaire de façon préventive, via la gestion du pâturage.

Alex et Rémi peuvent également mettre à profit leur double-expérience de fromagers, à la fois avec du lait de vache et de chèvre, et partager leurs compétences à d’autres éleveurs-fromagers mais également à des éleveurs laitiers qui aimeraient diversifier leur activité et récupérer une partie de la valeur ajoutée en se lançant dans la transformation fromagère. Alex nous explique d’ailleurs : « On aimerait développer le statut de paysan-fromager et on a créé un groupe pour cela entre membres du GAB et de la Conf’. L’idée, c’est d’organiser des rencontres informelles entre éleveurs pour pouvoir échanger sur nos pratiques. C’est ce qui fonctionne le mieux pour progresser ensemble ». Comme pour la lactation longue, les témoignages d’autres éleveurs peuvent être inspirants et permettre d’améliorer certaines pratiques, voire même de repenser son système, d’où l’importance de créer des lieux d’échange et de coopération… affaire à suivre !