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EARL DU BAS BOIS – Eric et Roseline GRUOT, associés
Eric GRUOT : « Nous sommes sur la ferme familiale depuis 3 siècles environ. Je me suis installé en 1983 en GAEC avec mes parents. En 1992, au départ à la retraite de mes parents, ma femme Roseline s’est installée et nous avons créé l’EARL. En 1999, nous avons ouvert des chambres d’hôtes et l’observatoire d’astronomie.
Jusqu’en 2003, la ferme était principalement axée sur la production laitière avec un atelier de fromages fermiers. C’est à cette période que nous réfléchissions à passer en bio mais il n’y avait pas vraiment de débouchés pour le lait. Alors nous avons arrêté la production laitière et commencé à développer les techniques culturales simplifiées sur la ferme. En 2009, nous nous sommes engagés en bio sur 40 hectares pour commencer. Maintenant toute la ferme est bio. »
EG : « Pour notre santé et pour celles des générations futures car j’ai pris conscience de l’effet néfaste des produits. J’ai fait ce choix également pour être plus autonome vis-à-vis des organismes stockeurs, des coopératives et des industriels. Depuis plusieurs années, je remettais en cause le système intensif pour lequel, j’avais été formé et qui est prôné par tout autour de nous. En résumé, j’avais l’impression de travailler surtout pour les « firmes ». Après notre passage en bio, beaucoup moins de commerciaux sont venus nous rendre visite ! Enfin, curieux de nature, et m’intéressant à la géopolitique, je me suis rendu compte que notre système agricole à vocation exportatrice ne rendait pas service à nos collègues paysans des pays émergents. »
EG : « C’est assez simple. Partant du constat que nous n’avons pas beaucoup d’élevage, nous avons développé la production de luzerne fourrage (environ 50 hectares) pour apporter l’azote et nettoyer les parcelles.
Nous avons investi dans une chaîne de récolte et depuis 2016, le séchage des bottes est rendu possible par l’intermédiaire d’un collègue équipé d’un bâtiment de séchage sur caillebottis pour des portes graines. L’avantage du séchage est de permettre une meilleure qualité du foin de luzerne. Ce critère est d’autant plus important qu’il nous permet d’approvisionner pour le marché de la Suisse. Les cultures suivantes sont le blé tendre d’hiver suivi d’un blé tendre de printemps, ensuite ce sont les lentilles vertes et après, c’est en fonction de la parcelle et des opportunités de marché.
Les cultures aussitôt moissonnées, sont nettoyées et triées avant d’être stockées. Nous avons fait le choix de l’autoconstruction pour notre stockage à plat et nous l’avons adapté au bâtiment existant. Il y a certains inconvénients mais tout est mécanisé pour un coût total d’investissement d’environ 120€/T. A l’avenir, il est prévu d’améliorer le nettoyage et d’augmenter le nombre de cases.
Nous sommes à 80% en non labour et, tout le travail du sol est effectué avec du matériel de CUMA. Les productions sont vendues soit sous contrat ou en prix ferme à plusieurs organismes stockeurs et industriels. »
EG : « Nous travaillons en filières longues car la main d’œuvre est limitée. Et les journées sont déjà trop longues! Mais la commercialisation des productions en bio n’est pas aussi évidente qu’on pourrait le penser. Ça peut être simple : il suffit de s’engager auprès d’un organisme stockeur en prix de campagne et le laisser seul décider de la valorisation de vos produits, ce qui ne correspond pas à mon état d’esprit. Je souhaite maîtriser la commercialisation et vendre au mieux nos productions, sinon, j’ai l’impression de ne pas faire le travail jusqu’au bout.
Certes, établir de nouvelles relations commerciales avec de nouveaux partenaires, et mettre en place de nouvelles productions prend énormément de temps et d’énergie. Mais en contrepartie, il y a beaucoup de satisfaction quand on obtient un bon contrat et que tout le travail fait en amont est valorisé.’
EG : « Pour nous, s’engager dans le réseau a été une évidence. J’y ai vu la possibilité de créer un autre environnement autour de nos fermes, d’être des acteurs d’un changement et de ne plus subir le système imposé dont j’ai parlé. C’est aussi un moyen d’être solidaire des élus du réseau, qui dépensent beaucoup d’énergie pour défendre et promouvoir la bio. Enfin, les rencontres et les échanges avec les collègues et les salariés du réseau sont très constructifs. »
EG : « Tout d’abord, je tiens à remercier les pionniers de la bio, qui ont créé ce réseau, pour leur implication, leur ténacité et cette volonté d’aller parfois à contre-courant des idées reçues. Maintenant, la bio évolue, les producteurs aussi. De nouveau, le réseau doit s’adapter. Aujourd’hui, avec le changement d’organisation de la grande région, nous avons une opportunité de lancer une nouvelle dynamique surtout au niveau local. Cela demande beaucoup de travail mais nous devons faire évoluer le réseau bio pour qu’il réponde à l’attente de tous ou du moins à la majorité.
A mon sens, les GAB doivent tout faire pour être visibles et attirer plus d’adhérents. Ils doivent rencontrer les nouveaux producteurs et bien les accueillir. Cela demande de la disponibilité, de la volonté de la part des producteurs qui s’impliquent mais avons-nous le choix ? C’est indispensable pour être crédibles et entendus. »
EG : « Nous avons toujours des projets ou plutôt des idées. C’est indispensable. Être en AB, n’est pas une fin en soi : il y a toujours de nouvelles pistes à explorer ou à créer. Chez nous, l’amélioration du tri, du séchage, du stockage, des modes de commercialisation sont toujours des thèmes récurrents dans nos discussions.
Il y aussi la volonté de tout faire pour diminuer davantage notre empreinte carbone. Nous étudions de nouvelles cultures et des techniques culturales différentes, plus adaptées à notre ferme. »
Témoignage initialement paru dans l’Abrégé n° 75 du printemps 2017, le magazine de la FRAB Champagne-Ardenne.
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