Gaëtan Dupuit – Grandes cultures – Ardennes

Vue des terres de Gaëtan Dupuit - crédit FRAB Champagne-Ardenne

Gaëtan DUPUIT

  • Productions bio : Luzerne, blé meunier, pois, triticale et maïs.
  • Débouchés : Cercabio, Luzeal et éleveurs en direct.
  • SAU : 90 ha
  • Installation : 2014
  • Ferme bio depuis 2000
  • UTH : 1

Peux-tu présenter ton parcours en quelques mots ?

Je me suis installé en juillet 2014. J’ai travaillé 11 ans dans l’industrie automobile, j’ai un diplôme d’ingénieur en génie mécanique. Mes parents n’étaient pas agriculteurs mais j’ai des oncles qui le sont. Il y a 5 ans, mon beau-père Annick MORTIER m’a proposé de reprendre sa ferme. Alors, je n’ai pas hésité à me lancer : j’ai suivi une formation parallèlement à mon ancien travail en alternance pendant 2 ans au Comité Régional de Formation et de Promotion Sociale de Reims. Mon beau-père m’a également bien accompagné.

Qu’est-ce qui te motive dans l’AB ?

D’abord le respect de la nature car ça me passionne. Puis ça fait 15 ans que je côtoie mon beau père, qui était très convaincu de ce qu’il faisait, il a été notamment président du GAB des Ardennes. Il m’a montré beaucoup de choses : les alternatives aux phytos, l’importance du facteur humain sur tous les aspects du travail (semis, désherbages, amendements,…), la maîtrise des maladies avec le choix des variétés et j’ai trouvé toute la démarche enrichissante techniquement. Ce qui m’intéresse aussi, c’est le travail de proximité. Je me suis engagé en tant qu’administrateur à CERCABIO, une coopérative de producteurs 100% bio. Aujourd’hui, tous mes blés meuniers partent dans cette coopérative. C’est valorisant car tous les blés vont en­suite sur des moulins à proximité. Et ces moulins travaillent avec des boulangeries qui font du pain bio comme à Charleville ou à Rethel où je prends mon pain. Ainsi, je me dis que le pain que je consomme est fait avec mon blé.

L’autre exemple de proximité, c’est mon partenariat avec les éleveurs (essentiellement des laitiers). Il y a une vraie relation de confiance et de respect. Et l’autre avantage, nous n’avons pas d’intermédiaire ainsi tout le monde y gagne.

Comment fonctionne ta ferme ?

Gaëtan Dupuit sur sa ferme – crédit FRAB Champagne-Ardenne

Je poursuis l’assolement qui avait été mis en place : 1 tiers de luzerne, 1 tiers de blé meunier et 1 tiers de céréales pour de l’alimentation pour l’élevage (triticale, maïs, protéagineux).

Pour l’instant, je me développe sur l’alimentation animale, car il y a beaucoup de conversion en ce moment. Dès cette année, j’ai quelques éleveurs qui démarrent en bio, avec qui je travaille. Actuellement je ne peux pas tout produire alors ils se font livrer (pois, granulés de luzerne) chez moi. Je mélange alors avec ce que je peux leur fournir. A partir de l’année prochaine, je serai capable de les fournir au niveau de leur demande suite à la priorisation de mon assolement pour eux et à l’agrandissement de ma surface.

J’optimise le matériel en fonction de mes besoins : j’ai revendu un petit tracteur, j’en ai équipé un autre avec une cabine, je l’ai modifié pour biner et herser en même temps. La vente de matériel m’a apporté de la trésorerie. J’ai fait ce choix aussi car je gère toute ma comptabilité.

Enfin, j’ai monté une installation de triage et d’aplatissage l’hiver dernier, c’est un peu artisanal mais c’est très efficace. Je peux tout trier sans travail à la main et c’est précieux dans mon travail avec les éleveurs. Je prépare 10 tonnes d’alimentation en une journée. Elle me permet de trier parfaite ment et d’aplatir car aujourd’hui les éleveurs recherchent plus de l’aliment aplati que broyé. Cette année, je vais aplatir 150 tonnes en tout pour mes éleveurs.

Tu as participé à des essais sur tes parcelles, tu peux nous en dire plus ?

J’ai fait des essais qui ont intéressé beaucoup de monde. J’ai eu de nombreux contacts par la suite qui venaient pour avoir des conseils.

J’aime ce travail de recherche. Je ne me vois pas suivre sans réfléchir ce que me dit un technicien. Parfois, je sème sur 1 hectare une variété pour observer son comportement vis-à-vis des maladies. Ensuite, je fais des associations de variétés comme pour mes blés avec des variétés qui ont de bons rendements, de bons niveaux de protéine, et d’autres plus résistantes aux maladies pour équilibrer. On observe que ces mélanges variétaux forment une synergie. On parle beaucoup de mélange triticale, avoine, pois mais moins de mélanges variétaux pour les blés. En plus, ces mélanges ne posent aucun problème aux meuneries. Parfois, les miens correspondent directement aux qualités meunières avant les mélanges avec les autres blés.

J’ai expérimenté aussi sur les amendements organiques. Je n’ai pas assez de compost bovin, alors en complément j’ai intégré des fientes de poules pondeuses bio. On me livre près de 100 tonnes tous les ans que je mélange au compost de bovin. J’ai réalisé des essais sur des bandes pour la même variété mais en modifiant l’amendement (plus ou moins de quantité, avec ou sans apport de compost bovin,…). J’ai comparé les rendements, j’ai étudié les impacts selon les apports d’automne, de printemps. J’ai passé beaucoup de temps sur ces essais et les résultats en terme de rendements sont très satisfaisants, j’ai fait une bonne récolte. Ces essais sont un bon investissement car maintenant je sais vers quoi m’orienter pour les années à venir, même si une année n’est pas forcément le reflet de la suivante.

Comment ressens-tu l’avenir des grandes cultures bio et de l’AB en général?

J’ai le sentiment que l’AB commence à rentrer dans les «mœurs» en région, ça attire de plus en plus de monde. Certaines personnes seraient prêtes à se lancer, le problème souvent c’est qu’ils ont de la betterave ou ils pensent ne pas y arriver économiquement. Moi, j’ai vendu tous mes quotas betteraviers, ça ne m’intéressait pas. Je voulais tout faire en bio, je suis convaincu que tout le monde peut le faire : en faisant les bons choix de variétés, de bonnes associations et de bons désherbages, on peut se passer des herbicides, des fongicides et des raccourcisseurs.

Le bio c’est l’avenir. On sent également cette tendance avec la hausse de la consommation. Même si parfois, les consommateurs confondent produits bio et produits du terroir, au final ce qu’ils cherchent c’est de la qualité.

Quels sont tes projets ?

Dans les prochaines années, je vais récupérer encore quelques hectares (que je vais convertir) sachant que je vais perdre des parcelles certifiées. Au final dans 3 à 4 ans, je vais cultiver à peu près 100 hectares 100% bio. J’aurai aussi des travaux d’agrandissement pour le stockage par rapport à cette surface. Je voudrais aussi trouver un associé, qui soit 100% bio avec une structure équivalente à la mienne dans un rayon de 10 km.

Enfin, j’ai changé de métier aussi pour profiter de ma famille. Pour l’instant, ma femme ne voit pas la différence car vu que je démarre, je travaille davantage. Mais j’ai bon espoir qu’avec l’expérience, j’arriverai à me dégager plus de temps à consacrer à elle et à nos 3 enfants.

 

Témoignage initialement paru dans l’Abrégé n° 70 de l’hiver 2015, le magazine de la FRAB Champagne-Ardenne.