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Les techniques culturales simplifiées (TCS) et leur objectif ultime, le non-labour, ont le vent en poupe depuis une dizaine d’années. Ces techniques se sont progressivement invitées sur les fermes biologiques et ont donné lieu à de nombreuses expérimentations. Pour dépasser le débat du « pour ou contre le travail du sol », Agribiodrôme et la fédération des CUMA de la Drôme ont enquêté l’été dernier pour faire un point sur les pratiques mises en œuvre sur les fermes, identifier les obstacles spécifiques à l’agriculture biologique et imaginer des leviers pour avancer concrètement sur le sujet.
1er constat qui s’impose : le non-labour n’est pas la panacée en agriculture biologique. Si certains ont réussi à mettre en œuvre ces pratiques, notamment sur les cultures d’hiver, ils ne sont pas nombreux et c’est généralement grâce à une valorisation importante de la céréale sur la ferme (transformation) qui permet d’être moins affecté par les baisses de rendements dues au non-labour.
Le 2ème constat est que l’agriculture biologique reste fortement dépendante des aléas climatiques. Cette difficulté, qui est aussi sa force, oblige à piloter ces techniques culturales simplifiées et ces couverts végétaux avec beaucoup de souplesse et de flexibilité. Il n’y a pas de solution miracle prête à l’emploi mais, au contraire, une nécessité continue de s’adapter : convertir une culture sale en couvert et vice-versa, ressemer une culture ratée, profiter d’une pluie pour un semis dérobé, faire pâturer des couverts hivernaux épargnés par le gel…
Le 3ème et dernier constat : chaque ferme doit mettre en place une formule adaptée à ses moyens. Les matériels spécifiques aux TCS restent très coûteux malgré les dispositifs d’aide à l’investissement et ne peuvent s’envisager que lorsqu’ils ont fait leur preuve et si la trésorerie le permet. En attendant, il faut adapter les techniques au matériel disponible sur la ferme, chez les voisins ou en CUMA. De la même manière, les semences de couverts végétaux labellisées AB se vendent au prix fort, ce qui pousse à se questionner sur la production des semences à la ferme.
Les techniques culturales simplifiées s’avèrent un outil parmi d’autres pour répondre aux besoins des agriculteurs bio, qui peuvent être très variés. La 1ère étape est donc de connaître ses besoins.
La réponse « pas de labour car ça tue la vie du sol et détruit les champs » n’est pas recevable sous nos latitudes. Si le labour pose problème en milieu tropical, il peut se révéler en revanche salvateur pour un agriculteur bio sous nos climats mais à condition que 1) il ne soit pas systématique avant chaque implantation de cultures et 2) il soit réalisé à une profondeur limitée (15 cm) et dans de bonnes conditions.
Il faut revenir à des fondamentaux agronomiques pour bien distinguer la posture idéologique et les besoins réels imposés par le terrain, parmi lesquels :
La 2ème question est celle des paramètres environnementaux de la ferme : quelle est la structure de mes sols ? Quelles sont les conditions pédo-climatiques de la zone ? Comment s’organise ma rotation ? Y a-t-il des réglementations sur la couverture du sol ?
Des sols fortement érodés devront effectivement inciter à une réduction drastique du labour. A contrario, des sols argileux très lourds vont rendre difficiles la mise en place de TCS. Le climat jouera sur la panoplie des couverts disponibles, les modes d’implantation et de destruction. En cela, l’expérience des agriculteurs est irremplaçable et déterminante pour mettre en place des systèmes adaptés au contexte local et ne pas reproduire une technique hors-sol. Quant à la réglementation, elle peut apporter des contraintes supplémentaires qu’il faudra prendre en compte pour dessiner son plan d’action.
Enfin, dernière question : quels sont les moyens à ma disposition pour mettre en place des techniques innovantes ?
Il est question, ici, des moyens matériels (semoir, déchaumeur, rouleau crêpeur, trieur…) mais également de la disponibilité des semences de couverts végétaux, du temps de travail et sa répartition dans l’année, de la capacité de la ferme à absorber des diminutions de rendements, des débouchés pour les nouvelles cultures…
Il faut pouvoir identifier les modalités pratiques de mises en œuvre des TCS et des couverts végétaux pour se préparer tant sur le plan technique qu’organisationnel et commercial.
Parmi les personnes interrogées, 26% ont réussi à supprimer le labour régulièrement ou intégralement. Mais beaucoup testent différentes pistes : implantation plus régulière de couverts végétaux, travail superficiel du sol, semis de printemps sous couverts, implantation de céréales d’hiver dans des couverts vivants… Peu de pratiques se révèlent tout à fait satisfaisantes mais les agriculteurs continuent à les affiner. (Voir notamment le recueil d’expériences sur les couverts végétaux et TCS en bio)
Afin de répondre aux besoins variés des producteurs, il nous a paru opportun de regrouper les problématiques par système de culture biologique :
Ce système se retrouve beaucoup sur des terres riches et profondes. Ces rotations courtes, où il faut maximiser les rendements, se confrontent à des problèmes d’enherbement, particulièrement sur les cultures de printemps. Les fermes pratiquant cette rotation vont donc chercher dans les couverts végétaux et les semis sous couverts la possibilité de mieux contrôler les adventices estivaux. Par ailleurs, certaines de ces fermes ne disposent pas d’effluents d’élevage et essayent donc de favoriser la fertilité des sols par les engrais verts annuels à base de légumineuses. Elles disposent généralement de moyens d’irrigation importants.
Pistes de travail : semis direct sous couvert de printemps roulé, labour superficiel…
Cette rotation concerne les paysans qui sont aussi boulangers, pastiers, brasseurs… Ils valorisent des terres moins riches et moins profondes souvent situées sur des piémonts ou zones un peu plus vallonnées. Ces fermes disposent de peu ou de pas de système d’irrigation et ont souvent moins de temps pour bien gérer les cultures en raison de l’activité de transformation. Elles sont confrontées à la difficulté de maintenir les couverts estivaux lors de sécheresses estivales. En revanche, elles sont moins affectées par des rendements plus faibles en raison de la bonne valorisation de la céréale sur la ferme.
Pistes de travail : essai comparatif de couverts végétaux de type tropical, implantation de céréales d’hiver dans des couverts vivants (luzerne, trèfle…)
Les motivations des producteurs à introduire de nouvelles pratiques sont diverses : réduction du temps dédié au travail du sol, amélioration de l’autonomie alimentaire de la ferme, amélioration de la fertilité des sols… La difficulté de ce système se situe dans la nécessité de prioriser l’élevage par rapport aux cultures et donc de ne pas pouvoir toujours optimiser les fenêtres d’intervention par rapport aux conditions climatiques. En revanche, l’élevage apporte de la flexibilité : prairie qui allonge la rotation et diminue l’enherbement avec les fauches successives, possibilité de faire pâturer un couvert pour le détruire, choix entre récolter une culture qui a bien fonctionné ou la faire pâturer si elle a échoué…
Pistes de travail : essai comparatif sur différents mélanges
Les groupements d’agriculteurs bio de l’Ain puis de la Drôme ont entamé un travail sur la simplification du travail du sol et les couverts végétaux depuis quelques années. Dernièrement, Bio 63 a proposé un voyage d’étude sur cette thématique qui a rassemblé des paysans du Puy de Dôme et de la Haute-Loire. En décembre, Agribiodrôme, la Fédération des CUMA de la Drôme, l’ITAB et IRSTEA ont organisé un atelier en Drôme pour identifier plus précisément les besoins de chaque groupe et mettre en place des actions de 2018 à 2020 qui permettront d’y répondre : groupes d’échanges entre agriculteurs, essais sur les fermes, fiches techniques… Des chercheurs de l’ISARA-Lyon y ont présenté les résultats de leurs recherches et ont travaillé à élaborer avec les participants un programme complémentaire d’études.
Article rédigé par Samuel L’Orphelin, Agribiodrôme (FRAB AuRA)
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