Sativa, sélectionneur et multiplicateur de semences bio en Suisse

Publié le : 28 juillet 2017

L’entreprise semencière Sativa, basée à Rheinau, en Suisse, sélectionne, produit et commercialise des semences bio et biodynamiques, potagères essentiellement, mais aussi des semences d’aromates, florales et d’engrais verts. Sativa travaille notamment sur la création variétale de variétés population à partir de croisement entre variétés, dont des variétés hybrides. Elle propose ainsi des variétés alternatives aux hybrides pour répondre à la demande des maraîchers pour un marché de « qualité ». Sativa travaille également avec des producteurs bio multiplicateurs en France.

Conservation de variétés anciennes

Alors que de plus en plus de variétés anciennes disparaissent des catalogues, Sativa s’engage, avec la fondation « ProSpecieRara » pour la conservation de la biodiversité végétale. Cette sélection faite en milieu naturel et biologique est un gage pour que ces variétés anciennes s’acclimatent aux conditions climatiques au fil des ans et restent productives.

Une démarche de création de variétés alternatives aux hybrides

En plus de la conservation de variétés anciennes, Sativa développe de nouvelles variétés qui répondent aux besoins de l’agriculture biologique.

Sativa ne serait pas là aujourd’hui sans les travaux préliminaires des sélectionneurs et pionniers de la culture de semence bio-dynamique Ilmar Randuja pour le maraîchage et Peter Kunz pour les céréales, qui ont débuté dès 1974. 

Sativa développe uniquement des variétés non hybrides qui peuvent être resemées chaque année. Ces variétés ont le label « Bioverita », association pour la promotion de la sélection biologique, dont sont membres entre autres Bio Suisse, Demeter Suisse, Sativa, et l’association du sélectionneur Peter Künz (Getreidezüchtung Peter Küntz).

Cultures en plein champ @ Sativa

Une structure en développement

Au fur et à mesure que la demande augmente, Sativa fait évoluer sa structure et intensifie sa production.

Au début des années 2000, Amadeus Zschunke, sélectionneur, reprend le travail de Ilmar Randuja à Sativa. (Il est aujourd’hui directeur de Sativa). Puis Friedemann Ebner (ancien sélectionneur de la maison HILD), le rejoint. Ils développent de nouvelles variétés en sélectionnant et en réalisant des croisements entre variétés dont certaines variétés hybrides F1. L’objectif est de proposer une alternative crédible avec de la semence fixée, reproductible.

Le local de nettoyage rénové @Eléonor Germain

Aujourd’hui, 30 équivalents temps plein travaillent sur le site dont 4 sélectionneurs.

Sativa cultive 2 ha sur leur site. Les 2/3 de la surface cultivée sont consacrés à la sélection de nouvelles variétés, 1/4 de la surface au maintien de variétés et le reste est dédié aux cultures plus marginales (fleurs, cerfeuil tubéreux…).

Pour faire face à la demande croissante, aux volumes croissant de semences à nettoyer venant des producteurs multiplicateurs, et diversifier la présentation des semences (calibrage, enrobage etc), Sativa a modernisé ses locaux de nettoyage et ses équipements en 2016.

 

Des producteurs multiplicateurs en France

Sativa travaille en partenariat avec 60 maraîchers multiplicateurs français (secteurs d’Angers, Nantes, Bretagne, sud Beauce, Alsace), suisses, allemands et italiens. En Alsace ce sont plus d’1 ha qui sont cultivés en carotte semence, ainsi que du persil frisé, du cerfeuil tubéreux, du persil racine, du panais, des salades. En Bretagne, Sativa assure la production de céleri, en Beauce celle des courges, des bettes.

Un long travail de sélection et de création variétale

Serre accueillant les programmes de sélection de nouvelles variétés @Eléonor Germain

Actuellement le travail de recherche concerne environ 40 variétés (brocolis, choux kale en jeunes pousses, oignons, salades, carottes primeur et industrie, haricots rame, fenouil, oignons, courgettes, choux rave, …).

La création variétale commence par une première phase sur le site de Sativa. Un exemple : la carotte.
Au départ plusieurs variétés de population et d’hybride F1 sont croisées. Au fil des ans la sélection se fait en fonction d’un objectif à atteindre : une carotte de type nantais, productive, robuste et saine, de conservation et goûteuse. Cultivée en plein champ, la carotte est récoltée et triée en vue d’un stockage de conservation en frigo. Au printemps, elle est retriée selon son aspect visuel et gustatif : un test pour mesurer son taux de sucre est réalisé  en coupant le bout de la carotte. Les carottes retenues sont plantées sous abri anti-insectes, et produiront la semence dite élite, ou aussi appelée semences de base. Elle servira à poursuivre les expérimentations en pleine terre. Au fil des ans, l’homogénéisation se dessine. Sativa fait appel à son réseau de maraîchers partenaires pour des essais dans différentes conditions pour affiner sa recherche.

carotte pour semence élite plantation

Ensuite Sativa engagera des contrats de multiplication. La semence élite est fournie pour un semis en novembre. La carotte, à la sortie de l’hiver, va monter rapidement et fleurir. La semence récoltée (généralement à la moissonneuse-batteuse) sera uniquement destinée à la vente. A Sativa, le travail continue chaque année pour bonifier la semence de base destinée à la multiplication. Pour certains légumes, la culture en conditions climatiques défavorables permet aussi de faire des sélections sur des résistances aux maladies : septoriose sur le céleri, oïdium sur l’oignon par ex.

Il faut entre 8 à 20 ans pour créer une variété, ce qui implique une rigueur dans le suivi et les croisements. Par la suite, ces variétés nouvelles sont inscrites (au catalogue). Cela se fait par le biais d’une association qui regroupe des sélectionneurs suisses et allemands, entre autres. La dernière inscription en date est la carotte Dolciva. D’autres variétés encore en travail apparaissent dans la gamme avec des « numéros de travail » comme l’oignon Sat 25, le céleri Sat 340 les choux-raves Sat 21 et Sat 22.

Un marché pour les variétés non hybrides, pour des légumes qui ont du goût

Il existe un marché de niche à prendre pour les variétés anciennes. De plus, on continue à les sélectionner pour ne pas perdre leurs caractéristiques spécifiques. Et on peut mettre au point de nouvelles variétés qui allient goût, rendement, et capacité de conservation.

Croisement entre souches de céleri

Le programme de recherche variétale de Sativa est ciblé sur des variétés population « fixées » qui aujourd’hui ne sont plus prisées par les professionnels, jugées trop peu productives, hétérogènes et fragiles. Dans le secteur des choux, toutes les créations modernes sont depuis près de 50 ans proposées en hybride F1, et à y regarder de près, beaucoup d’entre elles sont des CMS (stériles).

Pour ces variétés, Sativa cherche à proposer des variétés homogènes, adaptées aux cultures biologiques, saines et productives, en prenant particulièrement en compte le facteur du goût (un témoin de la qualité nutritive).

Dans cette optique, Sativa est à l’écoute des maraichers pour développer des variétés qui répondent à leurs besoins. Sativa participe à des programmes de test variétal conduits par des stations expérimentales dans différentes régions de France, ou par des groupements de maraîchers bio (au sein des GAB): le GRAB d’Avignon fait des essais comparatifs entre variétés populations Sativa et variétés hybrides par exemple pour le chou rave, l’ADABIO des essais de variétés de carottes.

La clientèle est aussi sollicité pour des essais, afin d’avoir des retours du terrain sur le comportement d’une variété dans des conditions climatiques variées. C’est une condition pour faire évoluer la variété et répondre au plus près aux exigences du marché bio.

 

« Je remarque que de plus en plus de maraichers, qui utilisaient des variétés hybrides, se tournent vers des variétés anciennes ou population (« fixées ») : ils sacrifient volontiers l’aspect quantitatif au profit de variétés souvent plus robustes en conditions climatiques difficiles et d’une meilleure qualité visuelle et gustative. De nombreux hybrides F1 proposés sont produits par CMS (stérilité mâle cytoplasmique), ce qui interpelle plus d’un maraîcher sur la logique de production de ces semences. Et les variétés « alternatives » leur permettent de proposer des légumes de meilleure qualité (goût, …) et de se différencier en répondant à une demande des consommateurs. »

Jean-Louis Keller, collaborateur technique et commercial pour la France, ancien multiplicateur de semences pour Sativa