En Bretagne, des producteurs bio organisés pour sélectionner et produire leurs semences potagères

Publié le : 19 décembre 2016

En Bretagne, des producteurs bio se sont organisés en association pour préserver, produire et améliorer les semences paysannes potagères adaptées aux besoins des producteurs bio de la région, en créant la structure Koal Khoz, membre du Réseau Semences Paysannes (RSP). René Léa, producteur de légumes depuis plus de 40 ans à Plouescat, en bordure de mer au Nord du Finistère, en bio depuis 1990, produit et sélectionne lui-même des semences potagères bio avec Koal Khoz. Il nous présente son parcours dans la semence, et l’origine et le fonctionnement de ce collectif.

René Léa produit des légumes de plein champ, notamment des légumes d’hiver : carottes, pommes de terre, oignon rosé de Roscoff, rhubarbe et toutes sortes de courges. Il vend la plus grosse partie à des grossistes via l’APFLBB (Association des Producteurs de Fruits et Légumes Bio de Bretagne) (dont il a été vice-président) et une partie à des consommateurs locaux via les paniers bio de l’association Les voisins bio, qui regroupe quatre fermes.

L’APFLBB, créée en 1997 par des producteurs de fruits et légumes bio, est une structure 100 % bio et représentative face aux acteurs de la filière (grossistes, industriels, administrations, consommateurs, …), reconnue en 1998 en tant qu’Organisation de Producteurs (OP). Depuis plus de 15 ans, ce groupe travaille à la structuration d’une filière totalement bio et vend les légumes sous la marque Biobreizh, en lien avec le réseau Biocoop.

Produire et sélectionner des semences adaptées à la bio

René Léa a commencé à produire des semences quand il s’est rendu compte que les semences des semenciers étaient produites par CMS, donc génétiquement modifiées. L’idée de Kaol Kozh a germé dans les années 2000. « J’étais adhérent de l’APFLBB née en 1997. A cette époque, on nous a proposé de cultiver une variété de chou-fleur bio, mais dont le noyau de la semence provenait du radis. Pour nous, cela n’était pas envisageable. Cette démarche nous faisait penser à celle des OGM ». L’idée est venue de faire perdurer les pratiques anciennes : garder les graines des fruits ou des légumes les plus résistants pour les planter l’année suivante, afin de de ne plus dépendre des semenciers et de préserver des variétés en voie de disparition.

L’association Koal Kozh a donc été créée en 2007, avec des paysans et jardiniers. Basée à Lorient, l’association rassemble aujourd’hui 70 producteurs (voir plaquette de présentation) et agit pour recenser, préserver, améliorer les populations végétales (potagères, céréalières, fourragères…) adaptées ou adaptables aux terroirs bretons et à la production biologique.

L’association a créé son cahier des charges (sans variétés OGM ou CMS) et s’est donné les moyens de produire des variétés adaptées aux besoins des membres.

 

KOAL KHOZ :

Association ouverte aux paysans, jardiniers, consommateurs et associations, elle couvre les 4 départements bretons et la LoireAtlantique. KAOL KOZH signifie « vieux chou » en breton, et « Bien commun » en russe. Pour les initiateurs de Kaol Kozh, les semences doivent être accessibles à tous ceux qui ont la volonté de les faire vivre.

COMMENT FONCTIONNE KOAL KHOZ ?

Kaol Kozh considère que « la semence est la propriété de tous les adhérents ». L’association recense les variétés des différents terroirs bretons pour conserver le patrimoine génétique.

Une partie des adhérents produisent des semences, sélectionnent ou améliorent des variétés pour l’association, puis les proposent aux autres adhérents intéressés. Kaol Kozh s’occupe de la planification, du criblage, des différents contrôles et de l’ensachage. Les producteurs de semences (jardiniers ou paysans) sont indemnisés pour le travail de multiplication et la mise à disposition de leurs terres et de leurs outils. L’association distribue les semences produites entre les adhérents demandeurs. La graine n’est pas facturée, seul le service l’entourant est soumis à cotisation.

Kaol Kozh défend aussi le droit ancestral des paysans à produire leur propre semence auprès des instances nationales ou européennes, avec les associations qui poursuivent le même but.

Sauver des variétés anciennes de légumes

« En compagnie de chercheurs de l’INRA, nous avons démarré les expériences et avons réussi à produire un brocoli violet, originaire de Cornouaille Britannique, qui était cultivé autrefois en Bretagne. »

« Aujourd’hui, de nombreuses espèces ou variétés de légumes sont en passe de disparaître. Mais il existe encore des choux de Lorient, des oignons d’Erdeven, des haricots coco de Pont L’Abbé ou de Belle-Ile. Avec le temps, les travaux menés en sélection participative ont permis de sauver de nombreuses variétés de choux-fleurs dans la zone littorale Nord. Pour les fameux oignons rosés de Roscoff, la supériorité de la sélection en bio a par exemple été démontrée. Parce que les paysans choisissent des plantes résistantes comme portegraine, les variétés fermières sélectionnées en bio se défendent naturellement.

De nombreuses variétés sont à présent tombées dans le domaine public. Que nous soyons paysans, jardiniers, ou consommateurs, cette diversité nous appartient à tous car il s’agit du résultat du travail de nos ancêtres au sens large. » Extrait de la plaquette Koal Khoz

La production et sélection de semences : un savoir-faire précieux

René Léa produit des semences potagères pour sa ferme, pour certains petits semenciers (Agrosemens, Germinance), ou pour d’autres paysans ou jardiniers de Koal Kozh.

René Léa tire en grande partie son savoir de la transmission de son grand-père et de son père, qu’il a toujours vu faire leur propre semence. « On n’enseigne malheureusement pas aux jeunes dans les écoles d’agriculture à faire leur propre semence ! Les anciens avaient un savoir important en matière de semences et de production de semences. »

Une diversité de variétés de légumes est nécessaire pour les producteurs, notamment bio : ils produisent du chou-fleur de novembre à mai, avec chaque mois 1 ou 2 variétés adaptées. Pour la production de semences, cela implique de produire de nombreuses variétés différentes, et nécessite un gros travail de sélection. En effet lorsqu’on produit de la semence, il faut toujours être vigilant, et choisir de bons parents, car « cela risque de dériver si on arrête de faire de la sélection. »

 

Moi, j’ai toujours vu mes grands-parents et mes parents garder leurs graines et produire leurs semences. Cela me paraît tout à fait naturel de continuer dans ce sens.

Produire des graines, ça ne s’improvise pas ! Il y a tout un protocole à respecter et une méthode à adopter pour que les graines soient acceptables.

Le fait que des paysans aient commencé (ou recommencé) à produire de la semence va permettre aux jeunes générations de profiter de ce savoir.

 

René Léa