Des listes de variétés pour se prémunir des semences CMS en bio

Publié le : 24 octobre 2017

Les organisations bio à travers l’Europe se mobilisent pour identifier les semences CMS et informer les producteurs

Les variétés hybrides, notamment de crucifères, obtenues par la technique de la stérilité mâle cytoplasmique (CMS, pour Cytoplasmic Male Sterility en anglais) par fusion cellulaire fleurissent chez les sélectionneurs. Cette technique est cependant remise en question par les producteurs biologiques puisqu’elle touche à l’intégrité de la cellule ainsi qu’à la fertilité de la semence. En Europe, comme partout ailleurs, les producteurs cherchent des solutions pour se prémunir contre ces semences CMS, difficilement identifiables faute d’étiquetage. Zoom sur les initiatives d’organisations bio européennes qui prennent le problème à bras le corps.

Les CMS par fusion cellulaire et la bio

Les standards du mouvement bio international – IFOAM – placent le respect de l’intégrité des cellules au rang de principe fondateur de l’agriculture biologique (AB) et confirment que la fusion cellulaire n’est pas compatible avec les principes de l’AB. Ce refus explicite de l’usage des techniques CMS par fusion cellulaire en bio n’est cependant pas encadré par le règlement bio européen, qui tout en considérant cette technique comme OGM, n’interdit pas aux semenciers d’y avoir recours.

Face à ce vide juridique, difficile pour les producteurs bio de savoir si les semences qu’ils utilisent sont issues ou non de cette technique, puisque les obtenteurs n’ont pas l’obligation d’en faire mention.

Ce flou réglementaire n’est cependant pas une fatalité et à travers l’Europe, des organisations bio s’organisent pour apporter aux producteurs la transparence sur les méthodes de sélection des semences sur le marché.

 

Les marques privées collectives de producteurs s’organisent

Si l’inertie est de mise au niveau du règlement bio européen, les démarches privées d’organisations de producteurs bio se multiplient en Europe. Ces cahiers des charges privés définis par les producteurs sont le seul moyen pour aller plus loin que les exigences du règlement bio européen et interdire explicitement l’usage de semences issues de CMS par fusion cellulaire en AB.

A l’heure actuelle, respecter cette interdiction n’est pas toujours chose aisée pour les producteurs bio, faute d’étiquetage et d’information obligatoire sur les méthodes de sélection utilisées par les semenciers. Pour répondre à ce besoin d’information de leurs adhérents, les marques privées aux quatre coins de l’Europe se lancent dans des recensements des variétés et de leur méthode d’obtention. Des listes positives des semences certifiées non-CMS ou des listes négatives des semences obtenues par CMS par fusion cellulaire sont mises à disposition des producteurs, pour les orienter dans leurs achats.

 

Le recensement : un travail long mais nécessaire

Afin d’établir ces listes, les organisations de producteurs disposent de différentes méthodes de détection de l’utilisation de la fusion cellulaire lors de la sélection des variétés :

  • Les variétés à pollinisation ouverte ne sont, par définition, pas des hybrides : la technique de fusion cellulaire n’a donc pas été employée pour les obtenir. Ces variétés population sont donc naturellement compatibles avec la bio.
  • Les obtenteurs confirment plus ou moins facilement l’utilisation de la CMS par fusion cellulaire (voir paragraphe suivant). Dans tous les cas, des attestations écrites officielles sont exigées par les organisations de producteurs.
  • Plus rarement, principalement lorsque des doutes subsistent ou que les sélectionneurs ne jouent pas le jeu de la transparence, des analyses quantitatives et qualitatives peuvent être réalisées sur des échantillons de semences afin de détecter la présence de CMS par fusion cellulaire. Le principal problème lié à cette méthode de détection reste le coût relativement élevé des analyses en laboratoires.

 

Les semenciers, plus ou moins transparents sur leurs méthodes de sélection

Dans l’état actuel des choses, le catalogue fait seulement mention du caractère hybride de la variété. Il est impossible de connaître le système d’hybridation employé par les obtenteurs. Parmi les semenciers conventionnels, certains jouent cependant le jeu de la transparence et affirment ne pas employer la CMS par fusion cellulaire pour leurs gammes bio exclusivement. C’est le cas de Bejo, Hild et Rijk Zwaan. Les plus petits semenciers spécialisés en bio, comme Agrosemens, Germinance, Sativa, Vitalis, Reinsaat ou Bingenheim Saatgut AG respectent les principes IFOAM et proposent des variétés 100% non-hybrides CMS par fusion cellulaire.

 

Tour d’Europe des listes destinées à informer les producteurs

En Suisse, l’institut de recherche FiBL et l’association de producteurs Bio Suisse publient chaque année une liste positive des variétés certifiées sans CMS par fusion cellulaire utilisables par les agriculteurs bio. C’est Martin KOLLER, conseiller maraîchage au FiBL, qui est en charge de ce recensement.

BioAustria, l’organisation de producteurs bio autrichienne établit elle aussi une liste, mais celle-ci n’est pas publique et reste réservée aux producteurs adhérents à sa marque privée.

En Allemagne, les principales organisations de producteurs bio (Bioland, Naturland, Demeter et Gäa) se sont regroupées pour publier une liste commune. Cette liste négative répertorie de manière non-exhaustive les variétés de semences identifiées comme issues de fusion cellulaire. Les dernières versions mises en ligne par Bioland et Gäa datent de 2013.

Les antennes nationales de l’organisation Demeter aux Pays-Bas, en Allemagne et en France travaillent de concert pour identifier les variétés non issues de fusion cellulaire et établissent une liste positive adaptée à l’offre nationale de semences dans leur pays respectif. Ainsi les dernières listes mises en ligne par Demeter Allemagne et Demeter France datent de 2015.

En France, l’Association des Producteurs de Fruits et Légumes Bio Bretons (APFLBB) publie chaque année à destination des ses adhérents, une liste positive des variétés non issues de fusion cellulaire, donc compatibles avec le cahier des charges BioBreizh. Pour plus d’information sur cette liste, contactez le GAB 29

 

Pour faire la synthèse des différentes listes positives ou négatives propres à chaque organisation de producteurs bio et mutualiser le travail chronophage de recensement, le FiBL a lancé la base de données publique en ligne www.iqseeds.eu. Bien que disponible dans 5 langues, cette plateforme reste confidentielle et peine à être complétée ou mise à jour par les semenciers. A quand une réelle coordination des organisations de producteurs bio européens sur ce sujet ?