Réussir ses engrais verts en maraîchage biologique diversifié

Publié le : 16 juillet 2018

Les services rendus par les engrais verts sont depuis plusieurs années bien connus : réduction du lessivage et de l’érosion, augmentation de la vie microbienne, maintien de la structure du sol, lutte contre les adventices… Cependant, dans les fermes en maraîchage biologique, ils ne sont pas toujours très utilisés. En effet, les maraîchers rencontrent de nombreux freins : manque de surface, absence de planification, outillages limités pour leur implantation et leur destruction…

Deux maraîchers isérois nous font part de leurs réussites et questionnements en la matière.

Ferme du Trian – Antony Fouqueau – Tullins (38)

Installé depuis 2011 dans la plaine de l’Isère sur 4,5 ha de terrains anciennement cultivés en grandes-cultures conventionnelles, Antony a identifié assez vite que ses sols limoneux devraient être soignés plus que d’autres. C’est pourquoi il opte dès le démarrage pour le travail du sol en planches permanentes et l’utilisation massive d’engrais verts.

Son objectif principal : couvrir le sol et ainsi se prémunir de l’entretien des surfaces non-occupées par des légumes et limiter l’érosion des sols et la battance. N’ayant pas identifié d’autres sources de matière-organique, il espère aussi entretenir son taux de MO. Enfin, il estime important le rôle que jouent les engrais verts dans l’amélioration de la structure du sol.

Au démarrage, n’ayant pas besoin de beaucoup de volume de légumes, les engrais verts occupaient toute l’année près de 50 % de la surface. Aujourd’hui, ce sont encore un tiers des surfaces qui sont concernées.

Sur un créneau estival, il implante du sorgho (variété pipper) qui pousse très vite et ne craint ni le chaud ni le sec.

Sous abri, il sème dès qu’une planche se libère sans travail du sol en doublant la densité préconisée et en arrosant et a observé une amélioration de la structure devenue grumeleuse.

En plein champ derrière un poireau hiverné ou une culture de printemps, il sème de mai à juillet un sorgho soit détruit tôt pour des cultures d’automnes soit maintenu pour des cultures de printemps de l’année suivante. Pour ce dernier usage, il doit passer souvent 2 fois le broyeur pour l’entretenir, avec un dernier passage réalisé fin aout pour permettre au sorgho de couvrir le sol tout l’hiver. Le sorgho est gélif donc intéressant pour faciliter sa destruction en fin d’hiver. Mais pour les cultures très précoces comme les oignons, il broie une dernière fois le sorgho à la fin de l’automne pour réduire les pailles restantes au printemps et ainsi faciliter la reprise de sols.

Broyage intermédiaire d’un sorgho

Il a observé depuis quelques années une augmentation des taupins favorisés par la présence de graminée en période estivale. Pour réduire les populations de taupins, il teste de nouveaux itinéraires comme retarder l’implantation à fin juillet pour travailler en surface le sol afin détruire pontes et larves. Ce travail du sol estival permettrait aussi de réduire la présence de liseron.

Attention tout de même à ne pas trop retarder le semis, passé fin juillet : Antony a observé une levée du sorgho trop lente par rapport au développement d’adventices comme les renouée, chénopodes et mourrons.

Pour un créneau d’implantation à l’automne (septembre à mi-novembre), Antony sème sur les parcelles libérées un mélange de graminée et légumineuse, respectivement du seigle (forestier, 60 kg/ha) et de la vesce (commune, 30 kg/ha). Il sera détruit au printemps (au moment de l’épiaison du seigle pour les cultures implantées à partir de juin.

Semis

Disque du semoir International Havester

Il utilise un ancien semoir à céréales équipés de disques (marque International Harvester) qui permet notamment d’implanter le sorgho sous-abri sans travail de sol. Muni de 11 rangs et de trappes de fermeture des cannes, il peut choisir ou non d’implanter le couvert dans les allées. La forme de la planche est épousée parfaitement par la présence de ressorts sur chacun des éléments.

Destruction

Pour un sorgho gélif pas trop pailleux, il utilise directement le cultibutte pour enfouir les résidus. Dans le cas de la présence d’un volume important de résidus de sorgho, un passage de rotovator en surface permet la 1ère incorporation, puis suit la reprise au cultibutte. En ce qui concerne la destruction du seigle vesce, il combine des passages successifs de broyeur et rotovator puis la butteuse 15 jours après et enfin le cultibutte.

Pour remplacer le rotovator, il testera un nouvel outil autoconstruit avec l’Atelier Paysan. Il s’agit d’un train équipé de bêches roulantes, moins traumatisant pour le sol et qui évite la multiplication du liseron.

Outil Bêches roulantes à tester pour incorporer les engrais verts

GAEC La Amapola – Pierrick Revel et Laurent Colas – Moirans (38)

Après avoir réduit voire stoppé les engrais vert par faute de place, Pierrick et Laurent augmentent progressivement la part d’engrais verts depuis qu’ils ont récupéré de la surface supplémentaire, afin d’entretenir la structure du sol et pour un apport léger de matière organique.

Leur principale difficulté : a gestion de la destruction dans leur sol qui reste humide très longtemps au printemps en présence d’un couvert végétal. Ils aimeraient trouver un engrais vert gélif semé après le 15 août qui couvre le sol rapidement et qui ne graine pas, avec un broyage possible à l’automne pour un mulch suffisant pour l’hiver. Dans cette optique, ils ont testé le sarrasin semé en août mais il a grainé trop rapidement. La moutarde a aussi été testée avec un résultat très intéressant mais elle héberge des maladies et ravageurs des choux, déjà très fortement présents dans la rotation.

Semis

Classiquement ils sèment un seigle-vesce à l’automne sur le créneau septembre-octobre. Il arrive parfois que le mouron et le pâturin prennent le dessus. En associant la phacélie, semée à la main avant le mélange graminée/légumineuse, ils ont réduit le problème puisqu’elle couvre très vite le sol.

Destruction

N’ayant pas de rotovator, ils observent une plus grande difficulté à détruire l’engrais vert sur leur itinéraire en planche permanente (broyage, cultibutte léger, cultirateau plusieurs passages) qu’en itinéraire classique (broyage puis 2 passages de cover-crop).

Broyage d’un seigle-vesce au printemps

Pierrick et Laurent remarquent que la semence d’engrais vert coûte cher : ils réduisent un peu le coût en achetant du grain de seigle à un éleveur bio voisin.

Propos rapportés et rédaction, Rémi COLOMB (Adabio). Article initialement paru dans la Luciole n°19 – mars-avril 2018, le bulletin des pratiques bio en Auvergne-Rhône-Alpes