Regards croisés sur les stratégies alternatives aux antiparasitaires

Publié le : 28 octobre 2020

Les chercheurs de l’INRAE qui travaillent sur l’utilisation des antiparasitaires de synthèse en élevage, notamment des anthelminthiques, et la recherche d’alternatives se sont réunis en 2019 pour partager leurs travaux et les croiser aux expérimentations de terrain réalisées en élevage biologique. Faisons le point sur les stratégies possibles en production bovin lait.

Un sujet qui préoccupe chercheurs et éleveurs

De nombreuses unités de recherches de l’INRAE travaillent sur le sujet de l’utilisation des antiparasitaires anthelminthiques sur l’ensemble du territoire et l’ensemble des productions animales. Aujourd’hui, ces unités s’ouvrent de plus en plus à une démarche de recherche participative avec les agriculteurs. Elles souhaitent compléter leurs essais par les retours d’expérience des agriculteurs pour construire avec eux des programmes de recherches en cohérence avec les besoins du terrain.

En cas d’infestation, l’impact économique sur un élevage peut s’avérer très élevé : frais de santé, perte de viande, saisie à l’abattoir… Par ailleurs, des répétitions abusives de traitement depuis plusieurs décennies ont de réelles conséquences sur l’immunité des animaux, sur la résistance de ces parasites, ainsi que sur la perte de biodiversité, avec un impact notable sur les insectes coprophages comme les bousiers. De ce fait, la fertilité des sols en subit également les répercutions, ce qui affecte ainsi la durabilité du système de production en Bio.

Faut-il pour autant proposer uniquement aux animaux d’élevage des plantes à vocation médicinale en permanence, à travers les parcours et les pâturages, ou des aliments complémentaires à base de phytothérapie, d’huiles essentielles, de probiotiques… ? Un juste équilibre peut être trouvé pour mettre en œuvre différents leviers dans une approche globale. Cette recherche d’équilibre dans les leviers d’actions est aujourd’hui au cœur des réflexions et préoccupations des producteurs et productrices bio en France et dans le monde. Dans les groupes d’échanges des GAB et des CIVAM Bio, nombreuses sont les journées dédiées à ce thème.

Les stratégies possibles pour la gestion du parasitisme en ruminants

Vaches laitières au pâturage

© GAB44

Chez les ruminants, des travaux ont déjà été entrepris depuis quelques années dans une approche « alternative » étant donné que des multi-résistances aux molécules chimiques sont apparues depuis déjà une vingtaine d’années. Le GAB 44 a réalisé dans ce sens une expérimentation sur le paramphistome en 2015 avec l’Unité Bio-Epar d’Oniris-Inra de Nantes. Les résultats ont été mitigés du fait entre autre d’une faible présence de ce parasite en Loire-Atlantique à cette époque alors que la douve, quant à elle, est bien présente sur ce territoire.

Dans le même temps, au sein du même service d’Oniris-Inra, d’autres travaux ont démontré qu’un traitement antiparasitaire chimique ciblé sur génisses (les plus parasitées après coprologies et pesées ou mesures thoraciques) contre les strongles digestifs avait les mêmes résultats de performances zootechniques que le traitement systématique sur l’ensemble du lot.

Aujourd’hui, les chercheurs et praticiens sur le terrain que sont les vétérinaires démontrent qu’il faut combiner plusieurs stratégies chez les ruminants. Voici quelques stratégies possibles à combiner :

  • Développer le pâturage tournant permettant des retours sur la même parcelle d’au moins 6 à 8 semaines.
  • Développer l’immunité des génisses pour les strongles digestifs avec un pâturage efficace sur les deux premières années.
  • Avoir une cartographie des parcelles à risque pour les douves et paramphistomes afin d’éviter le plus possible le pâturage au moment des contaminations (en fin d’été) ou mieux gérer dans le temps la récurrence des contaminations.
  • Faire des coprologies au printemps et en été en confirmation s’il y a un défaut de croissance, puis une analyse pepsinogène en fin de saison de pâturage, pour cibler si nécessaire des traitements de synthèse. Les interprétations des analyses doivent être réalisées avec l’appui d’un vétérinaire (et non d’un vendeur de produits).
  • Faire des décoctions pour stimuler l’immunité de l’animal ou renforcer sa vitalité, notamment par des mélanges phytothérapiques ou des renforcements homéopathiques.
  • Ne pas omettre une bonne gestion minérale selon les performances zootechniques souhaitées.
  • Améliorer au fil des années la génétique du troupeau vis-à-vis de sa résistance aux parasites. Les gènes de cette résistance vont potentiellement à l’opposé de performances zootechniques, ce qui explique la fragilité constatée pour toutes les espèces animales dans les schémas de sélection. Il faut donc mettre en place sur les fermes de nouveaux indicateurs de suivi et de sélection.

Des perspectives de travail

Certaines pratiques d’éleveurs qui se développent depuis quelques années pour la gestion du parasitisme demandent à être validées. C’est le cas de la « prairie pharmacie » : un mélange à base de 20 à 30 espèces végétales différentes peut permettre d’obtenir des prairies multi-espèces destinées au pâturage comme à la production de foin ou être intégré dans les semis des prairies classiques. Au-delà de la validation par des protocoles scientifiques qu’elle nécessite, cette approche, si elle prouve son efficacité, devra aussi trouver sa place dans les pratiques de pâturage, en termes de techniques, de gestion des refus… Comme l’avaient montré les résultats du projet Casdar OTOVEIL, qui visait à développer des outils de conseil pour la surveillance et la prévention sanitaire en élevage bio, les expérimentations sur ce sujet doivent encore se poursuivre.

Article rédigé par Olivier Linclau, GAB44

Pour en savoir plus

Clôturé en 2019, le projet Casdar Otoveil avait pour thème l’approche globale et l’équilibre en santé des ruminants bio. Il cherchait à mieux caractériser la notion d’équilibre sanitaire des troupeaux, à formaliser les démarches d’accompagnement sur les questions sanitaires et à mettre à disposition des outils d’aide à la décision pour la prévention.

Retrouvez l’ensemble des résultats de ce projet : diapos du colloque de restitution, vidéos et témoignages, bilan des données de sites expérimentaux pour caractériser l’équilibre sanitaire des troupeaux bio, grilles « Panse bêtes » pour aider à renforcer l’équilibre sanitaire de son troupeau (via des indicateurs de suivi et des questions à se poser), publications… >>> sur le site de l’ITAB : http://itab.asso.fr/programmes/otoveil.php

Consultez notamment le catalogue des publications utilisables sur la santé animale en AB.

L’outil d’aide à la décision « Panse bêtes » pour la prévention et la surveillance du troupeau est mis à disposition sous forme de grilles, mais aussi en ligne : https://www.panse-betes.fr/

En amont de ce projet Casdar, en Loire-Atlantique, le GAB 44 avait conduit une étude sur la gestion du paramphistome en élevage de bovins lait en partenariat avec l’école vétérinaire nationale de Nantes (ONIRIS), dans le but d’évaluer les animaux les plus exposés et l’efficacité des produits alternatifs. La synthèse de cette expé est disponible en téléchargement en cliquant ici.