Des producteurs à la recherche d’autonomie et à la pointe de l’innovation agronomique en bio en Indre-et-Loire

Publié le : 8 février 2017

Yvonne, Jean-Luc et Frédéric Barbot sont installés à la Celle-Guenand et Chaumussay (37) sur 315 ha en grandes cultures en biodynamie, à la pointe des techniques de travail réduit du sol, couverts végétaux et semis direct. Ils valorisent au mieux leurs récoltes grâce au séchage, au tri et à la vente directe à des transformateurs, produisent quasiment toutes leurs semences et améliorent en permanence leur système pour une durabilité maximale.

Installés en 1984 en conventionnel sur 68 ha, ils s’agrandissent, réduisent leurs intrants, puis arrêtent progressivement le labour à partir de 1992 et vendent leur charrue en 1995. En 2000, ils introduisent les couverts végétaux. En 2010-2011, ils passent en bio puis en biodynamie.

Des cultures très variées, en association

En dehors du tournesol, toutes les cultures sont aujourd’hui conduites en association. De mélanges à 2 espèces (blé/féverole, ou triticale/pois, cf. graphique), ils sont passés aujourd’hui à des mélanges à 3 espèces (céréale/féverole/pois), avec l’objectif de remplacer les protéagineux fourragers par des légumineuses pour l’alimentation humaine (lentillon). Le millet est associé au sarrasin ou au soja.

Le blé (22 ha) est remplacé peu à peu par le petit épeautre (35 ha), plus rustique, plus facile à produire et à valoriser et par le seigle (44 ha).

Rendements moyens en céréales :

  • 20 qx/ha : blé tendre d’hiver (associé avec de la féverole)
  • 19 qx/ha : triticale (associé avec du pois fourrager)

Une quasi-autonomie en semences

Toutes les semences sont produites à la ferme, sauf le tournesol acheté à Biograin (en bio ou en « non traité »), la variété hybride Velox étant la seule qui pousse bien sur leurs terres et qui convient à l’huilier auquel ils vendent. Frédéric souligne le manque de recherche sur des variétés de tournesol bio adaptées. Le matériel de tri permet de trier toutes les récoltes notamment les semences, y compris les semences de couverts.

Un travail du sol réduit et des couverts végétaux

Le travail du sol est très léger, à 5 cm de profondeur maximum, avec couverts (et semis direct dans les couverts si possible). La consommation de fioul est passée de 100 à 65 litres par hectare et le temps de travail a baissé (environ 2 h de passages d’outils par hectare par an, moissons comprises).

Le choix des mélanges de couverts (semés dès la moisson) permet le développement d’espèces jusqu’aux gelées (pois, tournesol, niger, radis fourrager et trèfle d’Alexandrie) et la couverture du sol jusqu’au printemps (par exemple avec le trèfle incarnat, détruit à la floraison).

Matériel spécifique lié aux TCS

  • Déchaumeur Horsch Terrano (5 m), transformé pour scalper à faible

    Semoir adapté par F. Barbot ©F. Barbot

    profondeur

  • Fraise rotative avec semoir Horsch Sem exact (4 m)
  • Rouleau Faca (7 m 40) auto-construit
  • Semoir à disques Kuhn SD 6000 transformé (avec 3 cuves pour semer les cultures associées)
  • Trémie frontale DPA (5 m) auto-construite
  • Matériel de tri : trieur plan Lorin débit 40 t/h et trieur hélicoïdal (toboggan) débit 1 t/j
  • Séchoir mobile à gaz MECMAR 25 m3

Une fertilisation réfléchie

Les légumineuses, comme la luzerne et le trèfle sont de préférence broyées et incorporées au sol pour l’enrichir en matière organique et en azote. Elles sont parfois vendues à des éleveurs voisins (conventionnels) lorsque ceux-ci manquent de fourrage. Les Barbot n’apportent pas de fertilisation extérieure. Ils envisagent toutefois de s’associer avec un jeune éleveur de moutons pour pratiquer un pâturage tournant sur la ferme et ainsi fertiliser les sols.

Cette année, ils ont acheté du compost de déchet vert bio, à un prix abordable (voir encadré), qui sera épandu l’été prochain, puis tous les 3 ans sur un tiers de la sole. Le but est de stimuler la fertilité en relançant la dynamique de minéralisation de l’azote. En effet, dans le système pratiqué actuellement, tous les couverts – semés ou spontanés – mobilisent de l’azote pour se dégrader, entraînant un manque d’azote préjudiciable à certains moments du cycle des cultures (redémarrage du début de printemps notamment). L’azote apporté par ce compost ne sera pas assimilable tout de suite : c’est une minéralisation lente, « un amendement plutôt qu’une fertilisation » précise Frédéric Barbot.

Le compost de déchets verts

  • Prix : 7 €/t
  • Frais de port : 7 €/t      –>   Prix rendu :  14 €/t
  • Coût épandage : 4 €/t    –> Prix rendu racine : 18 €/t
  • Dosage C/N=13, Dosage en azote : 1,6 % de N
  • Quantité prévue : 10 t/ha
  • Apport d’azote prévu : 160 U/ha

tournesol et trèfle incarnat

Le choix de la bio et des « TCS » (Techniques Culturales Simplifiées)

Nous avions remis l’agronomie au cœur de nos réflexions sur la ferme pour réduire l’usage des produits phytosanitaires. La rencontre de producteurs bio et la formation en biodynamie nous ont décidés à franchir le cap.

Nous pensions qu’il était impossible de produire en bio sur de grandes surfaces et que les TCS n’étaient pas compatibles avec la bio.

Depuis la réduction du travail du sol, nous observons une forte limitation de l’érosion et de la battance lorsque les sols sont couverts (chaumes, couverts végétaux) et une meilleure portance des sols (verticalisation et agrégation de la structure). La vie du sol s’est intensifiée (micro-organismes, vers de terres, carabes).

Frédéric Barbot

Une valorisation très étudiée

Le séchage des récoltes et le tri des cultures associées permettent d’optimiser la valorisation.

Les produits sont vendus de préférence en direct à des transformateurs Demeter, en France, Suisse ou Allemagne : le tournesol à un huilier du sud de la France, une partie du millet en Suisse et en France où la filière se développe et parfois le sarrasin et les céréales. Le reste, notamment pois et féverole, est vendu à Biograin.

La luzerne sera sans doute vendue à un grossiste en fourrage, qui fournit des éleveurs en montagne où le fourrage manque. Les Barbot ont cependant pour projet de monter une unité de stockage adaptée à la bio, qui permettrait encore d’optimiser la valorisation.

Des pratiques innovantes… en évolution permanente

La pratique des TCS en bio a certains inconvénients sur les sols :

La structure du sol (très peu travaillé) est « naturelle » et le sol, peu aéré (par rapport aux sols labourés) manque d’oxygène. De plus, les sols froids se réchauffent difficilement.

Par ailleurs, les semis tardifs pratiqués en bio pour réduire le salissement limitent les possibilités d’intervention dans les champs en cas d’automne pluvieux. Les cultures souffrent alors d’un excès d’eau et se développent mal sur des terres hydromorphes à faible potentiel comme celles des Barbot, ce qui oblige à augmenter les densités de semis.

Deux changements sont testés sur la ferme pour pallier ces problèmes.

  • Le binage des céréales (début mars), introduit récemment, dans le but d’aérer les sols et de lancer la minéralisation. Jusque-là, Frédéric et Jean-Luc passaient la herse étrille mais ne binaient pas.
  • Le semis très précoce de céréales (fin juin début juillet) dans une culture avant moisson (millet par exemple). Il permet un développement de la céréale avant la période humide de l’automne : en début d’hiver, les plantes ont déjà beaucoup profité de la lumière, produit beaucoup de racines et sont assez avancées, avec un fort taux de tallage. Un essai sur 2 ha semé en seigle début juillet a donné 40 talles par pieds ! La densité de semis est faible, environ 50 kg/ha et les cultures sont plus propres. Cette pratique donne une grande flexibilité pour les semis sous couvert. Si le résultat est concluant, elle sera étendue à la moitié de l’assolement.

Les Barbot, toujours en recherche d’amélioration de leur système, sont ainsi en train de mettre au point et de perfectionner les techniques de semis direct en bio.

Dans ces techniques d’agriculture biologique de conservation des sols, toute intervention exige de très bonnes conditions (impératif de sols ressuyés…) pour éviter tout risque de détérioration de la structure (compaction, microsemelles…) puisqu’aucun rattrapage par le labour n’est possible.

Frédéric Barbot