A la recherche d’autonomie, dans le Puy-de-Dôme

Publié le : 16 juillet 2016

Chantal et Jean-Sébastien GASCUEL sont installés à Gerzat en polyculture avec élevage. Ils produisent leur propre semence, fabriquent leurs aliments, font de la vente directe de mélanges céréales/protéagineux à des éleveurs, cultivent du mélange  pour engrais vert… et font de l’agroforesterie. Une recherche d’autonomie à tous les niveaux !

Présentation de la ferme

• 80 hectares dans le Puy-de-Dôme
• Elevage de volailles en vente directe à la ferme :  poulets, pintades, canettes et oies, environ par an
• Agroforesterie : bois d’œuvre, haie restaurée, haie plantée

Un système de culture diversifié, des légumineuses et un mélange pour l’engrais vert

Installés depuis 1984, ils passent en bio en 2004. Les terres qui appartenaient à un GFA familial ont été rachetées en 2014 par l’association Terre de Liens, avec un financement participatif.

Sur les 80 ha de terres noires de Limagne, dont 60 ha irrigués, la rotation est : luzerne /luzerne / luzerne / maïs / blé / soja / avoine / orge-pois / tournesol / triticale-fèverole /orge. Avec la stratégie suivante :

  • La luzerne en tête de rotation (nettoyage de la parcelle)
  • L’alternance de cultures d’hiver et de printemps
  • En interculture entre cultures d’hiver et de printemps : un mélange moutarde radis-avoine-seigle-tournesol, semé après moisson sur chaumes de blé, avoine ou triticale, puis broyé et incorporé au sol comme engrais vert.

Des semences produites sur la ferme

Les GASCUEL produisaient déjà une bonne partie de leurs semences en conventionnel et ont continué pour une autonomie maximale sur la ferme. Ils utilisent 80 % de semences de ferme et 20 % de semences certifiées. Ils produisent plus précisement :

  • Semences de blé, orge, avoine, triticale, soja, féverole, luzerne : une partie de la parcelle est moissonnée à part et triée pour la semence ; ou bien la semence est prélevée sur la récolte globale dans la cellule si la qualité des grains est très bonne. Pour la sélection participative du blé, ils sont en lien avec le groupe blé du Réseau Semences Paysannes (RSP).
  • Semence de maïs population : sélection du maïs sur épis dans le champ selon certains critères
  • Semence de pois protéagineux si la qualité est bonne (culture souvent la moins « réussie »)
  • Semence de radis fourrager pour la première année (en cours)

Les seules semences achetées actuellement sont le tournesol et le mélange pour engrais vert, et parfois le pois protéagineux.

Stockage et tri à la ferme

Ils ont 6 cellules de stockage sous un hangar : 3 cellules de 90 tonnes chacune et 3 autres plus petites. Les cellules de 90 t, qu’ils avaient avant de passer en bio, sont trop grandes pour le système bio plus diversifié et sont en général pleines au tiers. D’où le projet d’adapter leur stockage au bio, avec des cellules plus petites mais plus nombreuses (3040 tonnes par cellule).

Autre amélioration en projet : un système de séchage ou de ventilation séchante permettrait de passer de 18-19 % d’humidité dans les certaines récoltes, à 15 % d’humidité pour une meilleure conservation.

Pour le tri, plusieurs trieurs : un gros trieur rotatif pour la mise en cellules, plusieurs petits trieurs ainsi qu’une table densimétrique pour trier la semence.

Fabrication d’aliments pour les volailles

Avec un mélange de leur récolte de triticale, orge, pois et féverole, passé au broyeur, ils fabriquent l’aliment pour nourrir les volailles. Mais le taux de protéines dépasse difficilement 19 %. Cela convient aux canards et aux oies, mais pour les poulets et les pintades, il faut 20-21 % de protéines pour avoir une bonne croissance. Ils font des essais pour torréfier du soja pour cela. Les années où il y a assez de pois, féverole et soja, leur mélange convient. Sinon ils doivent acheter un aliment complémentaire. Ils achètent aussi un aliment pour démarrer les poussins.

Des circuits de commercialisation variés

La luzerne est vendue sur pied à un voisin. La part des récoltes d’orge, triticale, féverole et pois protéagineux qu’ils n’utilisent pas pour les volailles est vendue en partie en direct à des éleveurs sous forme de mélanges, en partie à Bio Agri (pour l’alimentation animale). Le maïs et le tournesol sont intégralement vendus à Axéréal bio (dès la moisson car la ferme n’est pas équipée de séchoir pour le stocker). L’avoine blanche et le soja sont vendus à CELNAT et le blé au moulin de GRIBORI, pour les deux sur échantillon à la récolte en raison des exigences de qualité.

Des haies plantées à l’agroforesterie de bois d’œuvre

Ils ont démarré l’agroforesterie par la plantation de haies en 1989. Sur la période 1989-2003, 3.5 km de haie ont été plantées ou rénovées autour des parcelles avec le plus souvent une bande herbeuse au pied de la haie. Puis ils se sont mis à l’agroforesterie de bois d’œuvre, avec plantation d’une parcelle de 6 ha en en 2011, puis à nouveau en 2013 et en 2014. Ils ont aujourd’hui 18 ha d’agroforesterie de bois d’œuvre, et un projet de 32 ha supplémentaires.

Agroforesterie les Raux© Jean-Sébastien Gascuel

L’arbre et l’agriculture biologique
« A notre installation, il n’y avait plus un arbre en plaine. Dans les années 80, nous avons replanté des arbres pour des aspects paysagers avant de prendre conscience qu’ils étaient indispensables à la production agricole (protection des vents, refuges pour les auxiliaires, …). L’arbre est indispensable. J’aurais dû en planter plus tôt. »

Comment bien démarrer l’agroforesterie ?
« Il faut se déplacer, aller voir plusieurs plantations pour bien définir ses objectifs et partager ses expériences. »

Jean-Sébastien Gascuel

Une haie brise vent comprenant des arbres fruitiers

Sur 400 mètres et sur 2 lignes, une haie comprend de nombreuses espèces plantées, par exemple :

  • 16 essences de haut jet (frêne, noyer, peuplier, tilleul, merisier, chêne,…)
  • 14 essences intermédiaires (aulnes, bouleau, noisetier, saule, pommier, poirier…)
  • 10 essences d’arbustes (cornouiller, prunus, sureau, viorne, …)

La plantation sur 2 lignes donne un bon effet brise-vent. Avec l’espacement de 2 m entre les rangs et la plantation tous les 2 m en quinconce, on a une densité qui permet une sélection naturelle des plants.

Après la préparation du sol à la sous-soleuse, déchaumage puis pose de film plastique, viennent les travaux post-implantation : passage de tondeuse entre les rangs d’arbres, puis élagage des arbres.

L’avantage est la production de fruits au bout de quatre à cinq ans, essentiellement pour les guêpes et les hérissons, et le bois de chauffe : en plus de la protection contre le vent, les haies permettent de maintenir la biodiversité (faune et flore) et donnent du bois de chauffage pour le poêle à bois.

Une parcelle de bois d’œuvre … qui produira dans 40 ans

Après une phase de formation, de visite de fermes et domaines expérimentaux, et d’échanges entre producteurs en 2010, Jean-Sébastien et Chantal se sont lancés dans la plantation de bois d’œuvre sur 6,70 ha fin 2011, accompagnés par la Mission Haie Auvergne et Frédéric SANTI de l’INRA d’Orléans. Ils ont planté plusieurs espèces : merisier, orme, alisier-torminal, févier d’Amérique, cormier. Pour la production du bois d’œuvre, il faudra attendre 40 à 50 ans minimum.

Les arbres sont plantés en double tous les 9 m pour effectuer une sélection des arbres dans 6 à 10 ans. La densité est de 50 arbres/ha avant sélection et 25 arbres/ha après sélection. Les rangs sont espacés de 25 m (24 m : multiple des outils agricoles et 1 m de bande enherbée).

La préparation du sol se fait à la sous-soleuse puis déchaumage. Viennent ensuite les travaux post implantation : Bois Raméal Fragmenté (BRF) au pied de chaque arbre, suivi manuel plan par plan pour la première année, taille chaque année, broyage sur le rang au coupe fil, sous solage au ras des arbres chaque année. La couverture du sol par les branches broyées (BRF) apporte de la lignine au sol et limite la concurrence des herbes de vis-à-vis de la croissance des arbres. Jean-Sébastien envisage de semer une bande herbeuse en pré-implantation afin de limiter l’enherbement sauvage.

Un financement et une aide technique pour l’agroforesterie

La plantation de la haie et la parcelle d’agroforesterie ont été financée à 80% par le Conseil Général du Puy-de-Dôme (coût : 836 € pour la haie comprenant plants et protection, 1 613 € pour l’agroforesterie de bois d’œuvre). Tout le travail a été réalisé par Jean-Sébastien et sa famille.

Jean-Sébastien et Chantal ont bénéficié de la sélection participative des arbres avec l’INRA d’Orléans pour la plantation de bois d’œuvre, ainsi que d’une sélection possible des arbres post implantation.

Pour en savoir plus :

Bio 63 http://auvergnebio.fr/par-departement/gab-63/

Recueil d’expériences d’Agroforesterie en Bio : « Arbre et agriculture biologique. Regards des paysans bio de France »