Porc bio : valoriser sa production par la transformation à la ferme
Faut-il investir dans un laboratoire à la ferme ou passer par un prestataire afin de valoriser ses porcs bio en circuits courts ? Pour mieux comprendre les avantages et limites d’internaliser la transformation, un groupe d’éleveurs est allé rencontrer Gaëtan, producteur et transformateur sur la ferme des Cochons d’Antan, en race Porc Blanc de l’Ouest, à Legé (44).

Se former
« Avant de m’installer, j’ai suivi une formation de 4 semaines au CFPPA des Sicaudières car je n’avais pas d’expérience ni en découpe ni en transformation » précise Gaëtan. « Cela a été indispensable pour acquérir les bases et pouvoir créer mes recettes ». Quand Gaëtan s’installe en 2019 hors cadre familial sur 33 ha, il fait le choix de la race Porc Blanc de l’Ouest (PBO) et de l’élevage plein-air. Aujourd’hui, il a 18 truies et 2 verrats, transforme 1 à 2 cochons par semaine, et vend tous ses produits via son magasin à la ferme.
S’équiper selon ses objectifs

Fabrication du pâté, étape de hachage avec une grille de 3 mm (Source : Symbiose)
A son installation, l’éleveur a investi dans un laboratoire de 60 m² pour 100 000 euros, « mais avec l’augmentation des matériaux, il faudrait compter 175 000 euros aujourd’hui pour un tel laboratoire », estime-t-il. « Selon vos objectifs et ce que souhaitent vos clients, il faut adapter vos recettes et donc votre investissement en matériel. Le nombre de cochons transformés par an va aussi aider à dimensionner le laboratoire ».
« Je suis équipé avec plusieurs chambres froides, un groupe froid pour la température de ma salle de découpe et de préparation, une cuisine, une salle de plonge, un congélateur et un séchoir. » Parmi les équipements incontournables, Gaëtan en cite 3 dont il est particulièrement satisfait : « le hachoir, d’un débit de 200 kg/h et équipé de plusieurs grilles de 3 à 8 mm pour s’adapter au client, le Cutter qui permet de mixer tous les ingrédients, et le four, qui dispose de plusieurs options comme l’auto-lavage, le fumage et l’étuvage. » Ce four polyvalent, d’un coût de 6000 €, est particulièrement aidant pour Gaëtan puisqu’il a pu le programmer avec ses propres recettes. Pour la découpe, Gaëtan utilise « un couteau désosseur, un couteau éplucheur, un couteau trancheur, une scie manuelle et un gant de mailles. »
S’organiser et planifier
Lorsqu’on est seul à assurer la production, la transformation et la commercialisation, il faut être prêt à jongler entre les différentes tâches. « Un lundi sur deux, j’emmène 2 ou 3 cochons à l’abattoir, ce qui me permet de transformer 1,5 cochon par semaine. Je compte une demi-journée de travail pour la découpe d’une carcasse et 1 journée entière pour la transformation. Je réceptionne les carcasses le mercredi matin et procède au désossage, ce qui prend environ une heure et demie par cochon. L’après-midi est consacrée aux produits cuits. Le jeudi, c’est la grosse journée de transformation. Grâce à un tableur, les quantités de matières premières de chaque recette sont calculées automatiquement en fonction de la quantité de produits finis qui ont été commandés. Le vendredi matin je fais la mise sous-vide et le magasin est ensuite ouvert de 16 h à 19 h et le samedi de 10 h à 12 h. »
La mise en valeur du gras

Source : Symbiose
Si la vente de viande fraîche avec des découpes incluant de l’os et du gras permet de maximiser le rendement carcasse, Gaëtan a choisi de développer une gamme de recettes variées pour satisfaire ses clients, y compris en charcuteries et produits séchés. « Pour mes recettes, il me faut du gras, car c’est le gras qui va donner du goût. Mon objectif est d’avoir des carcasses avec un TMP (taux de muscle des pièces) de 45 à 50 » précise Gaëtan, ce que la race Porc Blanc de l’Ouest lui permet. Cette race est reconnue pour son gras riche en acides gras polyinsaturés, meilleurs pour la santé que les acides gras saturés. Le persillé de la viande, c’est à-dire le gras intra-musculaire, va jouer un rôle essentiel dans la saveur de la viande.
« Avec une carcasse de 100 kg, je peux valoriser jusque 65 kg de saucisses. Mais le PBO se sèche aussi très bien : je fais de la coppa, du bacon, de la ventrèche… Pour savoir si une viande va pouvoir aller au séchoir, il faut dans l’idéal mesurer le pH à réception de la carcasse et vérifier qu’elle n’est pas ‘pisseuse’. Avant séchage, je réalise un salage sous-vide en chambre froide en comptant 1 jour de salaison pour la pénétration du sel sur 1 cm d’épaisseur. »
Garantir ses débouchés par la commande en ligne
« A l’installation, nous avons créé un site de commande en ligne des produits. Aujourd’hui, chaque semaine 90% des produits sont déjà précommandés en ligne par les clients qui viennent ensuite les récupérer et payer au magasin. Il ne reste que 10% qui seront vendus au magasin pour les personnes qui passent à l’improviste. C’était l’inverse il y a 5 ans ! » Si le bouche-à-oreille a permis à Gaëtan de se faire connaître, il organise aussi annuellement des événements festifs à la ferme, comme « le banquet Gaulois », qui permet à chaque fois de fidéliser quelques clients supplémentaires.
Assurer la qualité sanitaire
Pour son laboratoire, Gaëtan n’a pas eu besoin d’agrément sanitaire : « comme je vends dans un rayon de moins de 80km et directement au consommateur. Par contre, j’ai déclaré mon activité à la DDPP et je me suis assuré de mes bonnes pratiques d’hygiène. »
Au niveau réglementaire, l’Europe fixe plusieurs principes dans le « Paquet Hygiène » (2006) : le principe de traçabilité, le principe de transparence et le principe de précaution. Tout cela s’applique via la méthode HACCP qui consiste en l’analyse des dangers et maîtrise des « points critiques », comme le refroidissement après cuisson. Pour mettre en place son Plan de Maîtrise Sanitaire on peut s’appuyer sur les « guides de bonnes pratiques d’hygiène » officiels disponibles sur le site du gouvernement ou celui adapté à la transformation à la ferme disponible sur le site de l’IFIP.
En bref
Avoir son laboratoire à la ferme implique une montée en compétence et des investissements, mais aussi la prise en compte du cadre réglementaire. In fine, internaliser la transformation permet une plus grande souplesse et une plus grande créativité en recettes, ce qui permet de créer des produits uniques et de les mettre en valeur auprès des consommateurs. D’ailleurs, selon les sondages de l’Agence Bio 2023, les consommateurs jugent que le « bien manger » correspond avant tout au « au plaisir des sens et à un moment de convivialité », ainsi qu’une « alimentation équilibrée ». Ainsi, pour ces deux arguments, la viande porcine bio peut trouver sa place dans l’assiette de consommateurs…avertis.