Comment piloter au mieux l’irrigation en maraîchage bio ?

Publié le : 26 mars 2018

Après une année difficile d’un point de vue climatique, notamment à cause de la sécheresse, comment piloter au mieux son irrigation ? L’objectif est de présenter ici différents « trucs et astuces » permettant d’économiser de l’eau tout en irriguant suffisamment pour permettre un bon développement des cultures. Retour d’expériences du groupe de travail Grand Ouest maraîchage du réseau FNAB.

Comment travailler le sol en amont ?

Un travail du sol avant la mise en place de la culture permettra une exploration optimale du sol par les racines, et ainsi un meilleur développement des plantes et un rendement optimisé. Lors de printemps secs, le fait de travailler le sol au dernier moment permet de garder la terre fraiche. Cette technique est contradictoire avec la technique des faux-semis et est donc à réserver plutôt pour les cultures faciles à biner.

La couverture du sol avec des paillages (plastiques ou naturels) ou la couverture des cultures avec des voiles permettent de garder de la fraîcheur dans le sol car ils limitent l’évaporation directe. Privilégier l’utilisation de filets non thermiques au printemps (utiliser des filets microclimats plutôt que des P17 par exemple) afin de limiter les montées en température sous le voile.

Les pratiques d’occultation des terres en hiver permettent d’avoir un sol frais au moment du débâchage au printemps.« Un binage vaut deux arrosages ». Ce  dicton mérite bien une petite explication. En émiettant la terre, le binage referme les fissures du sol, limite la remontée d’eau par capillarité et donc l’évaporation de l’humidité contenue dans le sol. Le binage aère également le sol. Lors des arrosages, l’eau s’infiltre mieux sans ruisseler.

A quel stade de la culture irriguer ?

L’irrigation est souvent importante pour permettre une bonne levée d’un semis direct ou une bonne reprise de plantation en période sèche et sur beaucoup de cultures (carotte, céleri rave, pomme de terre….) en fin de cycle pour permettre le grossissement. Dans le cas de la pomme de terre, un manque d’eau au moment de la multiplication des tubercules va limiter leur nombre.

Toutes les plantes n’ont pas les mêmes besoins en eau et les besoins en eau d’une plante évoluent au fil de sa croissance. Les besoins en eau d’une culture sont définis par ses coefficients culturaux (Kc). Par exemple, dans le cas de la tomate :

  • De la reprise à la floraison du 4ème bouquet: Kc = 0.5 à 0.9
  • De la floraison du 4ème bouquet jusqu’aux ¾ de la récolte: Kc = 1
  • Dernier quart de la récolte, Kc = 0.7 à 0.8

Les coefficients culturaux sont disponibles sur le site de l’ardepi. Le Kc étant lié à la physiologie du végétal et non aux conditions climatiques d’une région, ces valeurs sont valables partout.

A quelles fréquences et avec quels volumes arroser ?

  • En sol sableux, l’eau percole rapidement, des apports à dose modérée et fréquence élevée sont nécessaires. Au-delà d’un certain volume, l’eau n’est plus retenue par le sol, elle est directement lessivée et conduit à des pertes de minéraux.
  • En sol argileux, on peut réaliser des apports assez importants au départ et pendant un temps suffisant pour bien humidifier le sol. Si on apporte peu d’eau avec des apports fréquents l’eau reste en surface. Le plein en eau de ce type de sol est atteint plus lentement qu’en sol sableux. Les cultures à  enracinement superficiel comme la salade ou le radis sont sensibles au manque d’eau. Ils nécessitent des apports fractionnés et plus fréquents.

A quel moment arroser ?

Pour limiter les maladies cryptogamiques, il est conseillé d’arroser le matin, après le séchage de la rosée pour limiter le temps d’humectation des feuilles et permettre un séchage rapide de celles-ci. Les cultures peu sensibles aux maladies cryptogamiques peuvent être arrosées le soir ou la nuit (quand l’évaporation est la plus faible). L’arrosage la nuit par enrouleur nécessite d’avoir un matériel fiable dont on est certain de l’arrêt en bout de ligne ou de se lever la nuit pour l’arrêter. L’irrigation avec asperseurs ou au goutte-à-goutte la nuit nécessite l’utilisation de programmateur.

Quel type de matériel utiliser ?

Type d’irrigation préférentielle en fonction des cultures, d’après Bio d’Aquitaine

Si on étudie la question du matériel en se focalisant sur les économies d’eau,  l’irrigation au goutte-à goutte est plus économe en eau que l’irrigation par aspersion (que celle-ci se fasse à l’enrouleur ou à l’asperseur). Toutefois, l’utilisation de goutte à goutte est à réserver aux cultures paillées car ils compliquent les binages.

L’aspersion est sensible au vent et donc moins précise et les pertes en eau par évaporation peuvent être importantes. Elle permet une meilleure répartition de l’eau dans le sol, notamment en sol sableux où l’eau diffuse en profondeur et peu latéralement. Le débit des asperseurs est fonction de la pression de l’installation et du diamètre de débit des asperseurs. Plus ces deux points sont élevés, plus le débit est important.

Enrouleur, crédit M. Peden, GAB56

Les enrouleurs fonctionnant à pression basse avec des petites buses permettent une pluie fine et consomment moins d’eau. Les apports réalisés sont moins importants. Attention sur des sols secs, dont la RFU est vide, un arrosage léger pénètre peu dans le sol et l’eau s’évapore rapidement.

Il est possible de débuter une culture au goutte-à-goutte puis lorsque les plantes commencent à montrer des signes de fatigue (en milieu/fin de culture) à prévoir un arrosage par aspersion afin de donner un coup de fouet » aux plantations.

L’aspersion augmente la zone d’exploration possible du sol par les racines et apporte ainsi plus d’eau et d’éléments minéraux utiles à la croissance des plantes. Cette technique peut être utilisée sur culture de courgette par
exemple.

Comment contrôler les apports réalisés ?

L’utilisation de deux tensiomètres positionnés pour le premier en surface, à la base de l’horizon facilement exploité par les racines, et le second en profondeur, 15-20cm plus bas, permet de suivre la progression du front d’humectation après une irrigation et d’évaluer le moment où la plante aura consommé une partie des réserves. Les valeurs mesurées par les deux tensiomètres doivent évoluer en parallèle. Si la pression du tensiomètre de surface augmente alors que la pression de profondeur varie peu, cela peut signifier que la plante a un problème d’enracinement, l’eau étant uniquement pompée en surface.

Irrigation, crédit Sud et bio, 2016

Sans tensiomètres, deux outils simples permettent de suivre contrôler facilement ses pratiques en termes d’irrigation. Le pluviomètre permet de connaître les doses d’eau apportées par aspersion. La réalisation de mini profils de sol à l’aide d’une tarière permet de visualiser l’humidité du sol  sur l’horizon de terre exploré par les racines et vérifier les manques d’eau en surface. L’objectif est d’obtenir un sol humide sur toute la zone de développement des racines. Un programmateur, couplé à une électrovanne par unité d’arrosage permet de apports d’eau précis, bien répartis dans le temps et sans risque d’oubli. Ce système est d’autant plus intéressant sur sol sableux ou lorsque des goutte-à-goutte sont utilisés car ils permettent de fractionner les apports.

Pour plus d’informations, consulter deux premiers articles sur l’irrigation dans les bulletins du Grand Ouest, les Taupins numéros 7 et 11, qui présentent la technique du bilan hydrique et les méthodes de contrôle du système d’irrigation.

Sources :

Article rédigé par Maela Peden, Agrobio Bretagne, Taupin n°14