Europe : Ré-approbation de la substance active cuivre, où en est-on ?

Publié le : 30 janvier 2018

Difficultés climatiques, recrudescence du mildiou, colloque ITAB-INRA en janvier, dossier de ré-approbation au niveau européen de la substance active, de nombreux événements mettent le cuivre au centre de l’actualité de ce début d’année 2018. Point sur le volet réglementaire pour démêler les enjeux.

Sporulation de mildiou, crédit Agrobio Perigord

Un peu de réglementation…

Le cuivre est un des seuls produits minéraux, avec le soufre, autorisé par le règlement européen de l’agriculture biologique pour lutter contre les bactéries et les champignons.  Actuellement limité par ce règlement AB à 6kg/ha/an de manière lissée sur 5 ans, le cuivre métal est une substance active présente dans différents produits de protection des plantes (PPP). Les usages sont homologués pour de très nombreuses productions, comme la vigne, les cultures arboricoles ou encore certaines cultures de légumes (voir la liste sur ephy). Le cuivre a pour avantage de n’amener aucune résistance connue des souches de mildiou.

Un produit de protection des plantes est composé d’une substance active et de co-formulants (mouillants, adjuvants etc). Ces produits sont soumis à une réglementation générale au niveau européen (rgt UE n°1107 / 2009). Les produits commercialisés en France le sont grâce à une AMM (autorisation de mise sur le marché) qui est délivrée au niveau national (ANSES), après approbation de la substance active au niveau européen (EFSA).

La substance active « cuivre », est soumise à réévaluation régulière par l’Europe tous les 7 ans. Cette procédure a démarré depuis mi 2015, la précédente autorisation expirant le 31 janvier 2018. Mais comme le dossier a pris du retard, cette date a été repoussée d’un an (voir le règlement européen). D’ici au 31 janvier 2019, la Commission Européenne devra trancher sur la ré-approbation de la substance active cuivre au niveau européen en tant que substance active dans les produits de protection des plantes.

Schéma des procédures de ré-évaluation du cuivre, source FNAB

Pour ce dossier, la Commission Européenne a désigné deux membres rapporteurs pour travailler sur le sujet : l’ANSES et l’UBA en Allemagne. Ces deux agences ont travaillé depuis 2015 sur les études fournies par les fabricants de produits cupriques et ont rendu leur rapport à l’EFSA en avril 2017 (voir le dossier RAR ici). Courant 2017, différentes réunions ont été organisées par l’EFSA avec des experts indépendants pour vérifier les données et demander des informations complémentaires aux fabricants.  Leur  rapport final vient d’être publié (sorti le 16 janvier 2018, voir la Peer Review).

La Commission Européenne a, dès lors, 6 mois pour travailler sur le texte de ré-approbation de la substance active et le proposer au vote des Etats Membres selon l’article 79 du règlement européen 1107/2009 et la comitologie européenne. Si le vote est favorable, les firmes auront 3 mois pour déposer des AMM dans chacun des pays, qui seront ensuite analysées par l’ANSES.

La question du cuivre est particulièrement importante en agriculture, notamment biologique. De nombreux producteurs bio et non bio l’utilisent et la recherche pour la diminution de son usage ou le déploiement d’alternatives est encore trop peu développée.

Peut-on se passer de cuivre en agriculture biologique aujourd’hui ?

Telle était la question à laquelle 11 experts scientifiques se sont penchés pendant près de 2 ans suite à la demande d’une expertise collective de la part de l’ITAB auprès de l’INRA.

Ce que retient la FNAB, c’est que, d’après l’INRA, des solutions existent, mais que les producteurs ne peuvent pas, à court terme, se passer du cuivre.

Avec l’analyse de près de 900 références bibliographiques, cet état des lieux  brosse de nombreuses pistes pour diminuer l’usage du cuivre…dont certaines sont déjà largement mises en œuvre par les producteurs bio depuis une vingtaine d’années. Ont été présentés des résultats sur des produits naturels à capacité biocide et/ou de stimulateur naturel de défense des plantes (comme certaines huiles essentielles, notamment d’orange ou la prêle), la mise en place de mesures prophylactiques reposant sur l’élimination de résidus de récolte contaminés, ou des solutions moins évidentes comme le déploiement de bâches anti-pluie pour  limiter la contamination par les spores pathogènes. Enfin le volet génétique a été très largement étudié et débattu, mais comme le précise l’INRA, l’usage de cépages ou variétés résistants « reste délicat en raison de la question de la durabilité des résistances (risque de contournement ou d’érosion des résistances variétales en particulier).»

Il n’y a donc aucune solution miracle de remplacement total du cuivre, chaque méthode n’ayant isolément que des effets partiels. L’INRA insiste sur le fait que c’est la combinaison de méthodes alternatives qui permettra aux agriculteurs de baisser les doses de cuivre employées.

Toutes les informations sur le colloque sont disponibles sur le site de l’INRA.

Et la suite ?

Ce rapport de l’INRA illustre la situation complexe dans laquelle se retrouvent les producteurs bio, désireux de diminuer leurs usages de produits à base de cuivre mais pouvant pas s’en  passer complètement à court terme.

Suite à la sortie du rapport EFSA et à ces données INRA, que vont voter les Etats Membres mi 2018 ? Trois possibilités :

  • soit la substance active cuivre n’est pas ré-approuvée et elle n’est plus autorisée à partir de février 2019,
  • soit elle est ré-approuvée sous conditions (mais lesquelles ?),
  • soit elle est re-approuvée en laissant aux États membres le soin d’en fixer les conditions.

Face à cet enjeu pour la profession, la FNAB avec ses partenaires comme l’ITAB, FranceVinBio mais aussi le MABD, Les Vignerons Indépendants, la CCVF, l’APCA ou la CNAOC, est mobilisée auprès des instances officielles afin de porter à connaissance les besoins et les difficultés des producteurs bio.

N’hésitez pas à vous tourner vers votre GAB ou GRAB local pour plus d’informations.