Lutte biologique en légumes bio sous abris

Publié le : 22 mai 2017

La culture des légumes bio sous abris demande une attention particulière. Cette production nécessite avant  tout, comme le reste de l’agriculture biologique, une approche globale qui vise à obtenir un écosystème équilibré afin de permettre une croissance des plantes dans des conditions les plus optimales. Un ensemble de mesures préventives (aménagement de la parcelle, gestion du climat, diversité des cultures, fertilité…) interviennent donc pour atteindre cet objectif. Cet article propose un focus sur le volet auxiliaire. Comment équilibrer son milieu ou influer pour maintenir un équilibre dans la faune de la serre ? De même, certains auxiliaires peuvent être introduits pour favoriser la pollinisation. Avec le printemps compliqué de 2017, passage en revue des solutions possibles en légumes bio sous abris.

Quand et comment agir ?

L’observation de ses cultures est primordiale. En dehors du puceron vert, la plupart des insectes se plaisent en conditions plutôt chaudes et mal ventilées, surveillez donc les têtes de plants au milieu des tunnels afin d’évaluer la situation dans vos serres.

Si l’on détecte rapidement des ravageurs (adulte, larve, mue) ou les symptômes, on peut mettre une stratégie efficace en place, en fonction des températures qui doivent être suffisamment douces. Pas d’apport tant qu’il ne fait pas 15°C, c’est inutile. Une fois la lutte bio introduite, privilégiez l’arrosage par gaines, et évitez tout apport de soufre.

Dernière info, il n’existe pas véritablement de seuil de nuisibilité sous abri froid, tant la température joue sur le développement de la faune. Dès qu’on relève la présence d’auxiliaires en action  (momies, larves, parasitisme…), faites un état des lieux et vérifiez la progression de ceux-ci sur quelques feuilles.

Voici quelques conseils pour rééquilibrer le milieu de votre serre. Les doses indiquées sont à titre indicatif mais, selon vos situations, n’hésitez pas à demander conseil aux fournisseurs.

La gestion des acariens tisserands (Tetranychus urticae) :

Tetranyques oeufs larves adultes; credit INRA

 

Ces acariens attaquent fréquemment sur concombres, fraises et melons. Détectez rapidement les foyers dès qu’il y a une décoloration du feuillage et, au pire, l’apparition de toile. Pour limiter leur propagation il faut ventiler les tunnels car, plus il fait chaud plus ils se développent.

 

 

 

Auxiliaires utiles :

Ambyseius californicus
Acariens jaunes prédateurs

T°C≥ à 8°c
Fiche ephytia 
Préventif si présence de pollen

2 à 3/m2

Curatif : 4/m2
3 fois à 7 jours d’intervalle

Amblyseius californicus, credit Koppert

 

Macrolophus caliginosus
Punaise verte prédatrice
T° C≥ à 15°c
Attention au prix !!!
Voir fiche ephytia
Préventif :

1 à 2 m2
2 apports à 1 semaine d’intervalle

Curatif :

250 à 500 ind/foyers
2 apports à 1 semaine d’intervalle

Macrolophus caliginosus, credit Koppert

Phytoseiulus persimilis
Acarien prédateur rouge  T°C≥10°c
Fiche ephytia
  Curatif : 4 à 6/m2
3 apports sur foyer à 7 jours d’intervalle en association avec Feltiella acarisuga

Phytoseiulus persimilis, credit Koppert

Feltiella acarisuga
Larve jaune marron (cécidomyie) prédatriceHumidité élevée pour une bonne émergence des larves
Fiche ephytia
Curatif

Sur foyer, apports réguliers

Feltiella acarisuga, credit Koppert

La gestion des Aleurodes (Trialeurodes vaporariorum) :

Trialeurodes, credit Koppert

Présence sur tomate, concombre, aubergine et fraise. Si gros foyers, présence de miellat et de fumagine (champignon noirs) qui limite la photosynthèse.

 

Auxiliaires utiles :

Encarsia formosa
Microhyménoptère parasitoïde strict
T°C de 18 °C à 28°C
Fiche ephytia
Préventif :
1 à 2/m2
Apport tous les 15 jours
Curatif :
4 à 6/m2
Toutes les semaines
 

Encarsia formosa, credit Koppert

Eretmocerus eremicus
Microhyménoptère parasitoïde
T°C ≥ 24°C
Fiche ephytia
Idem idem

Eretmocerus eremicus, credit Koppert

Macrolophus caliginosus
Punaises prédatrices
T°C ≥à 15°C nuit et 18°C jour
Voir fiche ephytia
Préventif

Adultes en lâcher

Curatif

Larves sur foyers

 

Macrolophus caliginosus, credit Koppert

 

On peut utiliser des plaques jaunes engluées pour piéger les Aleurodes adultes, mais attention car les Syrphes et parfois les abeilles se font piéger aussi. Face à l’Aleurode qui n’a pas de prédateur naturel, l’avantage de l’Encarsia est son caractère de parasite strict sur Aleurode. Les punaises de Macrolophus sont efficaces à température douce, ses introductions avant fin mai sont en pure perte.

 

La gestion des Thrips (Frankliniella occidentalis) :

Frankliniella occidentalis, thrips, credit INRA

Le dégât principal des thrips est la déformation du fruit, ils sont vecteurs de virus. Présents sur fraises, concombre, aubergines, poivrons et tomates, ils sont peu visibles. En secouant les fleurs dans le creux de la main, on peut repérer aisément les larves de thrips qui sont très mobiles. Des plaques bleues engluées peuvent être intéressantes en cas de grosses attaques.

Auxiliaires  utiles :

Amblyseius cucumeris acarien prédateur de couleur ocre
T°C≥ à 16°C et humidité ≥65%
Fiche ephytia
Préventif

50/m2 un apport en début de culture

Curatif

100 à 200/m2

2 apports tous les 10 jours

 

Amblyseius cucumeris, credit Koppert

Amblyseius degenerans acarien prédateur noir pas d’exigence Préventif

0.2/m2 si présence de pollen

Curatif

1/m2 en un seul apport

Amblyseius swirski  acarien polyphage prédateur d’aleurodes, thrips et acarien tisserand
T°C≥18°C optimale 25°c
Fiche ephytia
Préventif

1 sachet toutes les 2 à 3 plants

A renouveler toutes les 5 à 6 semaines

 

Amblyseius swirski, credit Koppert

Orius laevigatus et Orius majusculus punaises prédatrices très voraces
Peu d’exigences
Utilisation en combinaison avec les Amblyseius. S’attaque à de nombreuses proies.
Fiche ephytia
Préventif

Si pollen 1 à 2 ind/m2 en début de floraison

Curatif

4 à 10 ind/m2 sur foyer en 3 apports tous les 7 jours.

Orius laevigatus, credit koppert

La gestion des pucerons :

Puceron Myzus persicae, credit INRA

Il existe une quantité importante d’espèces de pucerons. En maraîchage les principaux sont :

  • Myzus persicae (puceron vert)
  • Aulacorthum solani 
  • Aphis gossypii et Aphis fabae (puceron noir)
  • Macrosiphum euphorbiae

Le puceron apparaît très tôt en saison sous tunnel d’où la difficulté de lutte avec des températures basses. Comme l’aleurode, il secrète du miellat et est vecteur de virus. Avant d’utiliser les auxiliaires, il est recommandé de faire des lavages au savon noir et jus de citron (ou vinaigre) apporté à l’atomiseur sur et sous les feuilles ; l’effet n’est pas des plus efficaces mais cela limite les foyers. Attention aux températures élevées, les pucerons adorent ça.

 

Les auxiliaires utiles sur puceron :

Aphelinus  abdominalis parasitoïde
Fiche ephytia
Puceron parasité devient une momie noire Préventif

0.25/m2

Curatif : 4/m2

4 apports toute les semaines

Aphelinus-abdominalis-, adulte, credit INRA

Aphidius colemani
parasitoïde (puceron vert, puceron noir) T°C ≥ 15°C
fiche ephytia
Puceron parasité devient une momie cuivrée, dorée Préventif

0.15/m2 sur plants relais

Curatif :0.5 à 1/m2
4 apports à 1 semaine d’intervalle en association avec Aphidoletes sur foyer

Aphidius-colemani, adulte, credit INRA

Coccinelle larve prédatrice
Fiche ephytia
Auxiliaire naturel    

larve de coccinelle, credit nature22.com

Aphidius ervi parasitoïde (puceron rouge)
Fiche ephytia
Puceron parasité devient une momie dorée Préventif

0.25/m2 toutes les semaines

Curatif : 2/m2 toutes les semaines

Aphidius-ervi-adulte-A-pisum-credit INRA

Aphidoletes aphidimyza
Cécidomyie prédatrice orange
T°C de nuit≥15°C
Humidité ≥à 70%
Fiche ephytia
Prédation sur plus de 70 espèces de pucerons   Curatif : Charger sur foyer

 

Aphidoletes aphidimyza cecidomie prédatrice, credit INRA

Chrysoperla carnea larve prédatrice
T°C ≥ 12°C
Fiche ephytia
La larve est aveugle, à placer sur foyer

Elle s’attaque aussi aux thrips et acariens

Curatif :  10/m2

2 apports toutes les 2 semaines ou plus si besoin

Chrysopa-perla-larve-credit INRA

Syrphe larve prédatrice verte transparente
Fiche ephytia
Auxiliaire naturel    

larve de syrphe, credit INRA

Attention aussi aux fourmis, elles défendent les pucerons et empêchent l’installation des auxiliaires. Dans la mesure du possible, détruire les fourmilières à proximité des plants infestés par les pucerons (eau bouillante, levure, piégeage au spinosad).

Lutte bio et pyrèthre : quel usage ?

La dérogation actuelle

Avec l’appui de notre réseau, l’ITAB a déposé une demande de dérogation sur le Pyrévert, seul produit à base de pyrèthre végétal sur l’usage ‘pucerons des cultures légumières’ ; le dossier a été validé avec une utilisation 120 jours à partir du 13 avril 2017, sur les usages suivants :

  • dose maximale 1.92l/ha, 3 applications max, DAR 7 jours, sur haricots et pois écossés frais, laitues et autres salades, melons, pastèques, potirons et autres cucurbitacées à peau non comestibles, tomates et aubergines, poivrons et piments, choux à inflorescence, choux pommés et choux feuillus, concombres et courgettes, haricots non écossés frais, carottes et céleris-raves, artichauts, fraises, fenouils, asperge, oignons, ail, échalote, patate douce et pommes de terre.
  • dose maximale 1.6l/ha, 3 applications max, DAR 7 jours, sur épinards et feuilles de bette
  • dose maximale 1.6l/ha, 2 applications max, DAR 7 jours, sur fines herbes
  • dose maximale 1.6l/ha, 3 applications max, sur PPAM non alimentaires : lavandes et lavandins uniquement

Du bon usage du Pyrévert

Pour rappel, quelques informations sur ce produit dangereux:

  • Action par contact (poudrage et pulvérisation) sur système nerveux des pucerons
  • Produit non sélectif, non compatible avec la lutte biologique
  • Peu rémanent, photolabile, donc traiter le soir, à 48h d’intervalle
  • AMM permanente uniquement sur puceron vert du pêcher et puceron farineux du prunier

En cas d’attaque importante de pucerons, à cette période où les insectes auxiliaires sont également présents, un apport modéré de pyrèthre sur quelques foyers importants s’avère un bon compromis.

Sur des plantes à développement vertical, les auxiliaires colonisent la plante puis remontent les étages. Afin de les aider à prendre le dessus, appliquez du pyrèthre uniquement sur les têtes des plantes.

Favoriser la pollinisation

Pour une bonne nouaison, il est important de gérer sa pollinisation. Sur tomate, seul Bombus terrestris (bourdon terrestre) est capable de travailler efficacement. Pour les autres cultures maraîchères il est bon d’avoir des ruches d’abeilles, ou des plants mellifères à proximité des cultures. Si les températures sont basses et que les pollinisateurs naturels ne sortent pas, il ne faut pas hésiter à placer des ruches de bourdons, surtout sur des cultures précoces telles que la courgette. Selon la qualité, les ruches de bourdons sont actives environ 2 à 3 mois, il est important de les isoler du sol et de les couvrir (arrosage et chaleur).

Voir aussi :

La conférence « Maladies et prédateurs sous abris » au Salon La Terre est Notre Métier 2016 :

 

Les moyens de biocontrôle sont désormais  nombreux et de multiples auxiliaires sont disponibles sur le marché. Pour la lutte biologique et la pollinisation, il existe plusieurs fournisseurs : Koppert, Biobest… attention à l’origine de vos bébêtes, elles ont pu être élevées dans des conditions peu sociales, renseignez-vous ! De même, ces méthodes ne s’exonèrent pas d’une réflexion plus globale sur son système et des causes sous-jacentes de l’apparition de foyers de ravageurs. En bio, on ne peut fonctionner avec le seul modèle « un problème-une solution ».

Besoin de plus d’informations ? N’hésitez pas à contacter votre groupement local d’agriculture biologique

Article rédigé par Manu Bué du GAB29