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Respect du sol et équilibre des écosystèmes sont des valeurs fortes pour le Gaec de Luisandre, basé dans l’Ain. Rencontre avec l’un des deux associés : Cyril Lorréard, fervent défenseur du respect de l’environnement.
Au bout d’une allée, les serres du Gaec Terres de Luisandre apparaissent… À quelques pas de là, le magasin de l’exploitation expose ses beaux légumes aux couleurs chatoyantes. Cyril Lorréard et son associé Mathieu Bianchetti, produisent ici, à Saint-Denis-les-Bourg, en Bresse, une gamme variée de légumes bio, qui a rendu fidèle une clientèle avide de produits frais aux saveurs authentiques.
« Pour moi, s’installer en bio, c’est une logique, la logique de prendre soin de sa planète. Avec la possibilité de faire aussi bien que les conventionnels, voire mieux. Il suffit d’avoir la capacité technique et l’esprit d’adaptation. Il faut que l’homme ait le moins d’impact possible sur l’environnement », explique Cyril. À 36 ans, Cyril Lorréard est plus que jamais convaincu d’avoir choisi la bonne voie, ajoutant sa pierre à la construction d’un monde meilleur pour les générations futures. Rien ne le prédestinait pourtant à être agriculteur, sa famille n’ayant aucun lien avec le milieu agricole… Après un DEUG de géologie, puis une école d’ingénierie d’espace rural à Annecy, il part un an à Madagascar pour assurer, en lien avec ses études, des missions associatives. De retour en France, entre 2000 et 2004, il « fait des saisons » chez des maraîchers bio, aux Jardins du Temple en Isère. C’est alors qu’il rencontre sa femme. « Elle avait fait des études de lettres, mais elle a aussi préparé un BPREA polyculture élevage car elle était attirée par l’élevage de chèvres. En attendant de trouver une ferme, j’ai continué aux Jardins du Temple. Puis mon fils est né en 2006 et on s’est posé des questions sur le métier d’éleveur caprin. Je me suis finalement tourné de plus en plus vers le maraîchage… », raconte Cyril.
Après deux ans de recherche, en 2009, année de naissance de sa fille, Cyril trouve finalement un site pour exploiter, via la Safer, sur la commune de Saint-Denis-les-Bourg dans l’Ain. Un an après, l’exploitation est créée.
Pourquoi en bio ? Il confie : « J’ai toujours été sensible à la nature étant jeune. J’aimais prendre des photos de nature, me balader… Et puis je n’ai jamais fait de conventionnel non plus… Aujourd’hui si je fais ce métier, c’est surtout pour mes enfants, car c’est difficile psychologiquement et physiquement. Il y a toujours un décalage entre la réalité de notre métier et la perception des gens. On ne demande pas de la reconnaissance. Ce que je veux, c’est changer les mentalités ». Cyril et son associé disposent aujourd’hui d’une SAU de 5 ha et de 4 000 m2 de tunnels. Les légumes sont vendus à 95 % à la ferme, au marché de Bourg-en-Bresse et en paniers en mode associatif (association Les paniers de Luisandre). La vente en Amap (association pour le maintien d’une agriculture paysanne) représente 10 % du chiffre d’affaires. « C’est en forte progression chaque année. L’avenir, ce sont les petites fermes, les fermes vivantes, à taille humaine, ajoute Cyril. Il faut que les gens, à force de venir, comprennent que le légume a un prix. Ils mangent un légume sain, produit dans un environnement sain. »
La clientèle est très variée, de tous âges, tous milieux sociaux. Elle vient acheter ses légumes au détail ou repart avec son panier. « Avec un panier, les gens ont leurs légumes pour la semaine. Le mardi nous en vendons une trentaine. »
L’agriculteur porte un regard bien personnel sur la pratique de l’agriculture bio. « Le monde peut vivre de la bio, mais il faudrait que la production devienne beaucoup plus technique. Il y a deux sortes d’agriculteurs bio : ceux qui se convertissent car ils y croient, et ceux qui font du bio « industriel », c’est la dérive du bio.
Notre éthique, c’est de faire de l’éducation à l’environnement. Il faut arrêter d’avoir un point de vue égoïste. L’idée à faire passer est de dire : « je soutiens ce producteur bio car il ne pollue pas et parce que mes enfants auront une jolie terre pour leur avenir ».
L’objectif étant de produire des légumes qui attirent les gens, c’est par ce biais-là que l’on peut avoir un impact pour les sensibiliser. Manger bio, c’est éthique, c’est une priorité dans un budget. Chaque décision doit être réfléchie pour donner le meilleur à nos enfants ». La technique, Cyril l’a apprise aux Jardins du Temple, mais aussi lors des nombreuses visites de fermes bio. « Quand je me suis installé, je n’étais pas sûr de moi. Mais j’étais bien encadré par des techniciens de l’Adabio (association pour le développement de l’agriculture biologique). Je me suis également beaucoup entraîné avec un maraîcher d’Hautecourt-Romanèche. Lorsqu’on s’installe, il ne faut pas s’enfermer », conseille-t-il. Son investissement de départ a été de 260 000 euros, avec une aide de 15 000 euros (DJA). Aujourd’hui, l’investissement global (avec son associé) s’élève à 300 000 euros. « Nos objectifs sont de gagner en temps de travail et d’avoir un salaire décent. Je travaille en moyenne 52 heures par semaine, pour un salaire d’environ
1 500 euros par mois. L’an passé j’ai pu prendre six semaines de vacances, et un week-end sur deux ». La rencontre avec son futur associé s’est faite entre 2007 et 2009. « Il travaillait alors dans l’horticulture. Il venait aider bénévolement. En 2011, j’ai commencé par lui proposer d’être salarié tout en lui demandant de réfléchir à une association. Mathieu a fait son stage de pré-installation en 2011, et m’a ensuite rejoint en tant qu’associé ». Cette année le Gaec emploie deux salariés de mai à octobre, soit un total de 45 heures par semaine de salariat, plus 20 heures par semaine sur les autres périodes. Les deux associés ont mis en place un système de planning efficace. « Nous tenons un registre complet des cultures, car on fonctionne en planches permanentes. C’est très important pour les rotations. Nous avons divisé la ferme en neuf lots d’une même surface, ce qui permet de faire une rotation de neuf ans. Dans ces neuf années, il y a deux ans complets d’engrais verts. On améliore ainsi nos rendements et la structure du sol. D’année en année on sent bien que c’est toujours mieux ».
Lors de son installation, Cyril Lorréard achète ses premiers outils. Mais à l’époque, les outils adaptés aux planches permanentes sont rares ! « On a insisté auprès de l’Adabio pour qu’un stage soit organisé afin que l’on puisse nous-mêmes construire nos outils. Mon ancien patron, Joseph Templier, a encadré les premières formations. En 2010, l’association Adabio auto-construction s’est créée ; devenue depuis l’Atelier Paysan (Société coopérative d’intérêt collectif).
Au départ, on a auto-construit huit machines en cinq jours, à dix personnes. Joseph Templier avait créé les outils de base des planches permanentes : la butteuse, le cultibutte, et le vibroplanche ».
Le Gaec dispose aujourd’hui d’une quinzaine d’outils, chacun permettant de s’adapter aux conditions du sol. Et Cyril d’ajouter : « beaucoup ont été bricolés, certains achetés d’occasion, et on a installé des triangles d’attelage sur le tracteur avec à la clé un gros gain de temps. Les stages nous permettent aussi de beaucoup évoluer en agronomie, et d’utiliser les bons engrais verts qui vont structurer le sol en profondeur.
Les stages durent de trois à cinq jours. J’en suis à mon quatrième depuis mon installation, et on va en refaire un cet hiver ». Un état d’esprit qu’il développe à tous les niveaux : l’éducation, l’écologie, et l’énergie (Cyril est impliqué dans le collectif Centrales Villageoises, des sociétés locales ayant pour but de développer les énergies renouvelables sur un territoire en associant citoyens, collectivités, et entreprises locales). Il a aussi auto-construit sa maison en paille, avec des matériaux écologiques. Les associés du Gaec accueillent également régulièrement des classes, en juin et septembre – octobre pour sensibiliser les plus jeunes à leurs valeurs
Baptisé cultibutte du fait que ses principaux organes sont des dents de cultivateur, complétées par une paire de disques, cet outil est idéal pour le travail en butte et en planches permanentes, pour la reprise d’un labour ou d’une fin de culture. Conçu pour façonner ou entretenir les buttes, c’est l’outil de prédilection du Gaec Terres de Luisandre. « Equipé d’une herse derrière, il permet de reprendre les terrains, remonter les buttes, et « presque » de faire une finition de sol en enlevant la herse et en ajoutant un rouleau. C’est un outil très polyvalent. Deux passages sont suffisants ». Le système de fixation des dents ou des socs le rend aisément et rapidement réglable, adaptable. Après un coup de bêche dans le sol pour visualiser son état, et en connaissant la culture à venir grâce à un bon planning, il est facile de moduler l’outil pour intervenir le plus judicieusement possible.
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