Luc Calvez – Maraichage – Finistère

Si j'avais su, je me serais directement installé en bio

Luc Calvez a 42 ans. Il a toujours voulu être agriculteur: plus qu’un métier, c’est une vocation. Il s’est installé en 1992, dans le cadre d’un GAEC familial avec sa mère. Puis 2000 a 2008, c’est avec un collègue qu’il s’installe, toujours sous forme de GAEC. C’est finalement en 2008, qu’il quitte le GAEC pour franchir le pas de la bio. Son exploitation est certifiée depuis février 2010. Il revient pour nous sur sa trajectoire.

 

La ferme en quelques mots

EARL du Kernic, à Plounevez-Lochrist (29)

  • 4 UHT
  • 17,5 hectares de SAU dont
    • 9300 m2 de tunnel,
    • 5 hectares de céréales et
    • 8 hectares de plein champ
  • Commercialisation en filière longue et magasin à la ferme
  • Une vingtaine de variétés de légumes dont
    • tomates, choux-fleurs, artichauts, salades, oignons de roscoff, échalotes, betteraves, etc.

Pourquoi avoir fait le choix de la conversion ?

Il y a quelques années, nous avions pris un virage vers l’intensification des cultures. Nous faisions de plus en plus de choux-fleurs et seulement 5 variétées de légumes. Cela ne me satisfaisait pas vraiment. Il y avait aussi une question de qualité de vie. J’ai vécu un empoisonnement à l’occasion d’un traitement et je ne supportais plus l’ambiance confinée des tunnels et la présence de pesticides. En 2003, nous avons fait un contrat territorial d’exploitation (CTE) et nous binions les choux-fleurs, sans désherber derrière. Nous n’utilisions plus de phyto dans les tunnels et fertilisions avec de la matière organique. Je me suis dit que le pas à franchir pour passer en bio n’était peut-être pas si grand. Je savais que j’étais bon techniquement, alors je me suis dit, pourquoi pas moi! Mon collègue était effrayé par le surcroit de travail. Nous avons cassé le GAEC et je suis entré en conversion en 2008. Aujourd’hui, je m’éclate dans ce que je fais. C’est un challenge et je suis fier de savoir cultiver des légumes sans utiliser de produits chimiques. Si j’avais su, j’aurais démarré en bio dès mon installation.

 

Êtes-vous satisfait de l’évolution de vos résultats techniques et économiques ?

Je suis très satisfait de mes résultats techniques et économiques. Si nous avions continué avec l’ancien système, je ne sais pas ce que cela aurait donné. Il y a eu des années difficiles sur l’échalote et les choux-fleurs, deux de nos principales cultures. Même si je travaillais bien avec mon ancien grossiste, j’étais tributaire des fluctuations du marche. Évidemment, c’est dur de devoir s’adapter techniquement à de nouvelles cultures mais elles sont aussi plus faciles à écouler. Le navet primeur, les carottes primeur ou les betteraves, par exemple. Deux ans après la conversion, nous sommes déjà sur un rythme de croisière, notamment grâce a la valorisation en C2 (deuxième année de conversion). Nous avons un bon niveau de trésorerie et nous serons capables, si besoin, de surmonter un petit moment de flottement. C’est aussi très agréable d’avoir créé un magasin à la ferme car nous sommes fiers de vendre des légumes que nous avons produits sans pesticides.

 

 Un conseil pour les candidats à la conversion ?

Il faut commencer à désintensifier dès la première année de conversion pour maitriser le binage et ne pas se mettre en retard sur le travail du sol. Il faut aussi beaucoup observer. La première année, je n’y suis pas allé à fond car je voulais voir où j’allais. Il vaut mieux utiliser des légumes locaux qui poussent bien dans la région. Chez nous, le chou-fleur et l’artichaut sont cultivés depuis longtemps et, avant les années 1960, ils n’étaient pas traites. Ils sont donc bien adaptés. Avant de me lancer, j’ai également fait une étude de faisabilité. Si l’on est dans une situation financière difficile, il ne faut pas se lancer. Il est aussi important d’apprendre les techniques que la profession a oubliées. J’ai suivi une formation de trois jours au groupement des agriculteurs bio du Finistère. J’ai fait des visites de fermes pour échanger sur des techniques avec des collègues en bio. La conversion doit rester un choix personnel. Elle ne doit pas être imposée par une unique logique économique.

 

Comment vous êtes-vous armé pour la maitrise des adventices ?

J’ai suivi des formations. On a essayé pas mal de machines et comme je suis bricoleur, j’ai adapté des bineuses. En plus, nous connaissions déjà les adventices puisque nous désherbions, quelques temps avant la conversion, à la main. Aujourd’hui, je ne laboure plus mes champs pour le chou-fleur. La vie microbienne est donc meilleure et la structure du sol aussi. Ca aide.

 

« Il faut commencer à désintensifier dès la première année de conversion »

Luc Calvez, maraîcher bio depuis 2008 dans le Finistère

Adapter son système

Il y a plusieurs points techniques à maitriser avant de passer en bio. Pour faciliter la conduite des cultures et pour pouvoir biner, avoir des allées propres, j’ai dû standardiser les méthodes de culture en plein champ et sous tunnels. Aujourd’hui, je bine 1 hectare en 1 heure. J’ai aussi dû m’améliorer sur l’irrigation. J’utilise davantage le goutte à goutte sur les cultures d’hiver. Je fais une irrigation sous le plastique pour ne pas mouiller les feuilles et nous avons moins de soucis. Nous avons également réduit nos densités pour que l’air circule davantage et sèche mieux les feuilles. Pour harmoniser mon système, j’ai introduit des espèces supplémentaires. Je fais un assolement plus long et je respecte les 3-4 ans entre deux cultures d’oignons. Économiquement, j’aurais pu ne pas diversifier, mais j’ai préféré le faire pour jouer la carte préventive. Il a aussi fallu être plus efficace sur le sarclage. Il faut intervenir tôt sur les mauvaises herbes et être à cheval sur le calendrier car la concurrence se met très vite en place.

Témoignage extrait du cahier « Itinéraires de conversion en Agriculture Biologique » édité en 2010, une publication du réseau FRAB et GAB de Bretagne