Les parcours arborés en volailles

Publié le : 3 juillet 2017

L’exemple de la démarche des Fermiers de Loué

Pour Philippe Deslais, responsable des plantations des Fermiers de Loué, la présence d’arbres dans les parcours est une condition pour la bonne valorisation de ces espaces par les volailles. Les éleveurs bio de Loué plantent au sein de leur parcours au minimum les 30 arbres qu’impose le cahier des charges Label Rouge, mais aussi des haies autour de leur parcours ainsi que des haies buissonnantes à proximité des bâtiments qui servent à protéger des intempéries et à favoriser la sortie des volailles. Ce sont en moyenne 300 à 400 arbres et arbustes qui sont plantés par parcours. Une belle démarche en faveur du plein air, aussi bénéfique pour le bien-être des poules pondeuses et des poulets que pour la qualité des produits !

Philippe Deslais, technicien des Fermiers de Loué, est responsable des plantations et du boisement des parcs de Loué. Il est convaincu qu’en plus de l’intérêt qu’elle représente du point de vue paysager, la présence d’arbres dans les parcours est une condition à la bonne valorisation de ces espaces par les volailles. En effet, l’accès au plein air est une composante essentielle du bien-être des volailles, particulièrement importante en élevage bio, mais il ne peut se faire dans de bonnes conditions qu’avec des arbres ou des haies, dont la présence rassure ces animaux craintifs et les protège des intempéries (courants d’air, pluie ou fortes chaleurs…). Ainsi, l’implantation d’arbres et d’arbustes favorise le déplacement des volailles et leur exploration du parcours. Pour Loué, la qualité du produit, grâce à l’activité des animaux et à leur alimentation dans les parcours, s’en ressent également.

Un cahier des charges exigeant pour des parcours arborés et bien valorisés

Les parcours arborés des Fermiers de Loué

Cette démarche de plantation est inscrite depuis longtemps dans l’histoire des Fermiers de Loué. En effet, le cahier des charges de Loué a intégré, dès le début, l’obligation d’avoir des arbres dans les parcours des volailles. A l’origine, les bâtiments étaient installés dans des parcs arborés de type vergers, puis dans les années 70, des précisions ont été apportées quant au nombre d’arbres à planter. C’est ensuite devenu un véritable critère de qualité pour les Fermiers de Loué.

Le cahier des charges Label Rouge impose un minimum de 30 arbres au sein du parcours, obligation requise par le cahier des charges des Fermiers de Loué pour tous leurs éleveurs, qu’ils soient en Label Rouge ou en bio. En plus, deux types de plantations sont préconisés dans le cahier des charges de Loué : des haies champêtres en contour de parcours et à proximité des bâtiments des haies buissonnantes, autrement appelées haies brise-vent. « Avec les chemins, les parcours, les abords du bâtiment, on estime qu’il faut 300 à 400 arbres et arbustes en moyenne par projet, soit pour un bâtiment de 400 m². » estime Philippe Deslais.

Différents types de plantations

Par bâtiment de 400 m², le parcours représente une surface d’1ha 80 d’herbe au minimum pour des poulets élevés « en liberté ». Tous les bâtiments sont orientés de préférence vers le Sud ou le Sud-Est. Au moins deux faces du bâtiment, les plus froides, doivent être protégées par une haie, c’est-à-dire au Nord et généralement à l’Est ou à l’Ouest. « Les éleveurs implantent ainsi des haies en périmètre de parcours, des arbres isolés et/ou des bosquets en milieu de parcours, et des haies buissonnantes ou de petits bosquets devant les bâtiments… » précise le technicien de Loué, Philippe Deslais. Un bosquet est un ensemble de végétaux de différentes espèces, au développement hétérogène, qui s’étend sur une surface pouvant aller jusqu’à 75 m².

Des petits bosquets, constitués d’un ensemble de quatre arbres de la même essence, sur une surface de 4 m², peuvent être implantés devant les bâtiments, de manière à créer rapidement de l’ombrage à proximité des trappes de sortie. Philippe Deslais explique : « Dans la continuité du bâtiment, un trottoir bétonné d’une largeur d’1 à 1,20 mètre est situé devant les trappes de sortie (il s’agit d’une obligation du cahier des charges Label Rouge). A la suite de ce trottoir, une bande de 5 mètres est laissée vide de manière à pouvoir passer avec un tracteur et entretenir les abords du parcours. C’est au-delà de cette bande de 5 mètres, perpendiculairement au bâtiment, que des arbustes ou des arbres de taille intermédiaire sont implantés pour créer des haies brise-vent. Il s’agit de haies buissonnantes, dont l’épaisseur assure une protection aux bâtiments et aux volailles, ce qui leur permet ainsi de sortir facilement dans leur parcours. »

Plantation en année n
© CAFEL Loué

Plantation en année n+7
© CAFEL Loué

Plantation en année n+5
© CAFEL Loué

 

Des éleveurs formés et impliqués dans la démarche

Des essences variées

Parmi les arbres plantés, certains éleveurs privilégient des arbres fruitiers, des arbres de bois d’œuvre, ou bien des haies champêtres dont le bois peut être valorisé. Une quarantaine d’essences est utilisée. Les choix d’essence, de type d’implantations et de disposition des plants se font en fonction de la taille du parcours, de la topographie du terrain, des attentes et aspirations de l’éleveur, des vents dominants, ou encore du voisinage. En effet, l’aspect paysager de la démarche n’est pas négligé et la présence de haies peut également servir à réduire le bruit ou encore à protéger le bâtiment des phares des voitures, par exemple, lorsqu’une route est à proximité.

Formation et entraide

Lorsqu’un éleveur s’engage avec Loué, il lui est proposé 5 journées de formation technique, dont une journée complète sur les plantations et l’aménagement des parcours et des chemins, qui inclut une présentation des végétaux et des fournisseurs, et la visite d’un élevage. Tous les ans, une demi-journée de plantation est organisée chez un éleveur, ainsi que des demi-journées sur la taille des arbres, auxquelles les adhérents sont conviés. Les techniciens de Loué sont aussi formés à la plantation d’arbres.

En fonction des dates de stage, l’éleveur va tout d’abord en formation. Puis une visite est réalisée en binôme par le technicien de Loué et le conseiller forestier de la Chambre d’agriculture de la Sarthe pour faire l’état des lieux du terrain, discuter et définir les plantations. Un système de parrainage entre éleveurs permet au nouvel éleveur de rendre visite à un voisin pour voir comment il procède et pour participer à ses travaux (terrassement, réception d’un nouveau lot, organisation d’un chantier, préparation du terrain pour la plantation d’une haie…) de manière à « s’entrainer » avant de mettre en pratique chez lui les conseils reçus. De la même manière, l’éleveur parrain vient en aide au nouvel éleveur. Cette démarche d’entraide est très appréciée.

Des projets de plantation suivis dans la durée

Quand le projet est prêt, des plans et des séquences de plantation (distances à respecter entre les arbres, enchainement des essences etc.) sont réalisés. Le projet est ensuite chiffré : longueur de bâches, nombre d’arbres et arbustes… Philippe s’occupe de la commande et c’est l’éleveur qui prépare le terrain. Il peut gérer sa plantation soit seul, soit en faisant appel à une entreprise pour préparer le terrain et planter les arbres : ces travaux sont effectués du mois du novembre au mois de mars.

Les plants sont livrés à 2-3 ans d’âge, entre 45 et 50 cm pour les arbustes (et 60 cm à 1m 50 pour les arbres). L’année suivante, une taille de formation, qui consiste à « rabattre les plants », est réalisée, afin de faire croitre plus rapidement la haie et de l’épaissir. Philippe Deslais explique qu’il faut compter 4 à 5 ans pour avoir un véritable ombrage : « Plus la démarche est anticipée, mieux c’est ! ». Quand un éleveur démarre un atelier avec un parcours totalement vide, il est d’autant plus important qu’il mette en place des bosquets et des haies brise-vent, voire des haies doubles, devant le bâtiment, dont la pousse sera rapide. Les techniciens de Loué visitent les élevages régulièrement ce qui leur permet aussi de vérifier l’état et le développement des haies et de donner des conseils aux éleveurs.

Des références techniques

En adhérant aux Fermiers de Loué, les éleveurs s’engagent dans cette démarche de plantation. Quelle que soit leur motivation au départ, ils constatent rapidement les atouts des parcours arborés pour leur production de volailles. Le projet CASDAR « Parcours Volailles », mené de 2011 à 2014, a permis d’objectiver et de mettre en valeur les nombreux avantages de ces parcours arborés, tant pour les volailles que pour le travail de l’éleveur ou encore l’image de la production auprès des consommateurs. Il a débouché sur un ensemble de ressources mises à disposition des éleveurs et des techniciens pour l’aménagement de parcours adapté à chaque élevage de volailles.

« Le parcours dit « complet » reprend les principaux éléments favorisant la sortie des volailles et leur répartition la plus homogène possible sur le parcours : des aménagements de type arbustif quelques mètres après la sortie des trappes, soit en forme d’alignements (ou « peignes »), soit par micro bosquets. Ces éléments peuvent couper les vents tapant sur les trappes, apporter un guide visuel aux volailles et un peu d’ombrage, ils favorisent ainsi la sortie des volailles. Ensuite, pour favoriser l’exploration du parcours, le poulet a besoin d’alternance de tâches d’ombre et de lumière, et un espace vide de plus de 10 à 15 m entre deux éléments arborés sera un frein à ses déplacements. En ce sens, le pourcentage optimal d’ombrage sur le parcours pour une dispersion maximale est estimé de l’ordre de 30 à 40 % (Lubac et Guillet, communications personnelles), par alternance sur le parcours. Les arbres de haut jet jouent un rôle intéressant sur ce point et peuvent être implantés dès 15 mètres des trappes jusqu’au fond du parcours. Selon l’aménagement, des connexions arborées peuvent être nécessaires pour participer à ces effets. Enfin, la présence de haies périphériques, selon leur composition, peut permettre de réduire jusqu’à 60 % les effets des vents dominants. […]

Concernant les essences végétales présentes, la diversité est un plus pour entretenir la biodiversité végétale et animale, elle permet de plus de lutter contre l’apparition de maladies sur les arbres. L’adaptation sera plus facile dans la perspective du changement climatique, ce qui est un élément important à prendre en compte à l’échelle de la durée de vie d’un arbre. Certaines essences plantées sont parfois ornementales ou exotiques. Les essences locales paraissent plus pertinentes à privilégier : elles ont davantage de capacité d’adaptation au milieu, elles peuvent permettre une exploitation en bois d’œuvre et participent à une meilleure intégration paysagère de l’élevage au sein du territoire. »

Extrait de l’article de Sophie Lubac (ITAVI), dans TeMA n°31, de juillet-août-septembre 2014

Principales ressources sur les parcours

Interview de Philippe Deslais (les Fermiers de Loué)

Contacts du CASDAR Parcours Volailles 2011-2014

– Philippe Guillet (Chambre d’agriculture de la Sarthe) : philippe.guillet[at]sarthe.chambagri.fr
– Antoine Roinsard (ITAB) : antoine.roinsard[at]itab.asso.fr