« Ökotierzucht », un projet de sélection de races de volailles mixtes adaptées à l’AB

Publié le : 3 juillet 2017

Des producteurs bio allemands prennent en main la sélection de leurs volailles bio

Alors que la sélection génétique de volailles reste très concentrée et calquée sur le modèle conventionnel, Bioland et Demeter, deux organisations de producteurs bio allemands, ont décidé de se réapproprier la sélection de races plus adaptées à l’élevage biologique. C’est chose faite avec « l’Ökotierzucht » (ÖTZ), un projet de sélection de races de volailles mixtes lancé en 2015. L’objectif recherché est de ne plus avoir à trier les mâles issus de la production de pondeuses et de développer des races mieux adaptées à la bio.

Demeter et Bioland s’allient pour développer des races mixtes mieux adaptées à l’agriculture biologique

Au printemps 2015, les associations de producteurs bio Bioland et Demeter se sont associées pour créer la société à but non lucratif « Ökotierzucht » (traduction : sélection biologique), dont la vocation première est la sélection de races de volailles mixtes particulièrement adaptées aux conditions des élevages biologiques, indépendamment des grands groupes internationaux. En effet, à l’heure actuelle, la génétique des volailles au niveau mondial est extrêmement concentrée entre quatre groupes : Hendrix, Grimaud, Erich Wesjohann et Cobb. Le projet ÖTZ regroupe des éleveurs, des conseillers techniques, des chercheurs et spécialistes de la sélection, mais aussi la distribution et des financeurs.

Répondre à des enjeux forts liés la sélection génétique de volailles bio

Pourquoi utiliser des races mixtes ? Les races mixtes (aussi appelées races à double fin) ont l’avantage d’être destinées à la fois à la production d’œufs et de viande. Leur développement représente un enjeu majeur pour la filière biologique, en permettant notamment de ne plus éliminer les poussins mâles, comme c’est actuellement le cas avec les races de poules pondeuses.

Pourquoi sélectionner des races adaptées à la bio ? Les volailles de chair biologiques doivent être issues de souches à croissance lente. Si c’est le cas en France, d’autres pays comme l’Allemagne utilisent des races à croissance rapide mais élèvent les volailles jusqu’à 81 jours. D’où la volonté de développer des souches adaptées à la bio, donc à croissance lente.

Pourquoi élever des parentaux dans les conditions d’élevage biologiques ? A l’heure actuelle, l’élevage des parentaux des volailles de chair et poules pondeuses bio n’est pas différent du conventionnel. L’idée du projet est donc d’offrir aux parentaux une alimentation bio locale et des conditions d’élevage plus en lien avec la bio : cages interdites, pas d’insémination artificielle, élevage au sol et sur paille, avec une faible densité et un accès au climat extérieur (un pan du bâtiment est grillagé). Un accès au plein air n’est pour l’instant pas envisagé à cause de la pression sanitaire qui ferait peser un risque trop important pour toute la filière, dont l’approvisionnement en poussins repose sur très peu d’élevages de parentaux.

Élevage bio de reproducteurs : les animaux sont en groupe avec 1 mâle pour 10 femelles

© ÖTZ

La poule aux œufs d’or ?

L’objectif du projet est de sélectionner une race adaptée à la bio et qui présenterait toutes les qualités suivantes :

  • Animaux adaptés à des aliments produits localement, pour assurer un lien au sol alimentaire très fort.
  • Des animaux bio et productifs : environ 240 œufs/an pour les pondeuses et environ 2,5 Kg/poulet (16 semaines, environ 22,5 g/j de GMQ).
  • La robustesse, la résistance aux maladies et la durée de vie des animaux.

Réglementation du GMQ

Le règlement bio européen prévoit l’utilisation de volailles de chair issues de souches avicoles à croissance lente. Lorsque les éleveurs n’utilisent pas de souche à croissance lente, le règlement définit un âge minimum d’abattage à 81 jours pour les poulets de chair.

Cette règle européenne est une base que les Etats membres sont libres d’interpréter, notamment quant à la définition de « souche à croissance lente ». La France présente la définition la plus exigeante, basée sur un Gain Moyen Quotidien (GMQ) maximum de 27 g/j, permettant de préserver au mieux le caractère extensif de l’élevage biologique, de la même manière qu’en Label rouge.

L’élevage ÖTZ est situé dans la ferme de la famille Bodden (déjà éleveurs de poulettes bio cf. LF viande N°4) dans l’Ouest de l’Allemagne, près de Clèves. Il compte 1500 reproducteurs répartis en 5 lots de croisement. L’élevage emploie 5 personnes, chargées de nourrir et surveiller le poids des bêtes, de ramasser et analyser les œufs. Sont ainsi calculés et contrôlés :

  • En vue de l’élevage des pondeuses : poids vif, nombre d’œufs, poids de l’œuf, épaisseur et couleur de la coquille, etc.
  • En vue de l’élevage des poulets de chair : poids vif, éclosion facile, etc.

La sélection se fait à partir de trois souches, dont deux développées en bio depuis 20 ans grâce au travail de l’université de Halle (près de Leipzig) et du domaine Mechtildshausen (ferme Bioland près de Francfort) : La White Rock et la New Hampshire. La troisième est la Bresse Gauloise, très appréciée en Allemagne pour ses caractéristiques rustiques.

Les croisements issus de la White Rock et de la New Hampshire donnent 2 races mixtes bio étudiées dans l’élevage ÖTZ :

  • White Rock mâle + New Hampshire femelle : Domaine Argent
  • New Hampshire mâle + White Rock femelle: Domaine Or

L’autre croisement, entre New Hampshire mâle et Bresse Gauloise femelle, est étudié dans un autre élevage expérimental, la ferme Rengoldshausen.

Infographie @ ÖTZ

Un financement collaboratif entre amont et aval, soutenu par les pouvoir publics

Le financement d’une initiative telle que l’ÖTZ est plutôt lourd, surtout pour une petite structure créée par des organisations de producteurs. Le financement s’effectue en partie grâce à des dons de fondations et des projets financés par les régions, mais la majeure partie est financée par le « fonds poussins » mis en place par Bioland et Demeter. Ce « fonds poussin » est alimenté par la distribution bio spécialisée qui a volontairement été impliquée dans le projet : contribution à hauteur de 1 cent/œuf Bioland ou Demeter vendu en magasins spécialisés (soit environ 15 millions d’œufs/an).

Arrière des pondoirs individuels où les œufs sont ramassés et analysés

© ÖTZ

Résultats et perspectives

Depuis 2015, un petit cheptel de parentaux issus des races mixtes sélectionnées par l’ÖTZ est élevé à la ferme des Bodden et certains éleveurs Bioland et Demeter ont souhaité tester l’élevage d’animaux issus des races mixtes Domaine Or et Domaine Argent. La plupart d’entre eux a préféré ne pas poursuivre l’expérience : ces nouvelles souches sont trop récentes et présentent donc trop d’approximations pour pouvoir être mises sur le marché. Les œufs n’ont pas encore une taille régulière (taux de déclassement important) et il en va de même pour le poids des poulets. Pour ces raisons, ainsi que pour des questions d’organisation des acteurs de l’accouvage, ces souches à double fin ne pourraient être utilisées, à court terme, qu’en filières courtes (bien que des sélectionneurs soient déjà en mesure d’en commercialiser, y compris en France).

Cependant, es éleveurs associés au projet ÖTZ restent optimistes : ces approximations sont dues à un manque de recul, le temps de la sélection est un temps long et le projet n’a débuté qu’en 2015. Le projet a donc beaucoup d’avenir et les producteurs bio allemands en attendent beaucoup.

Bioland / Demeter / Naturland :

Les producteurs bio européens s’organisent de manière différente. Tous n’ont pas comme nous en France, une fédération nationale. En Allemagne, les producteurs se regroupent autour de marques privées collectives et de cahiers des charges différenciés complémentaires au règlement bio européen ; Bioland, Naturland et Demeter sont les plus connues. Les deux premières regroupent des producteurs bio, Demeter des producteurs en biodynamie.