Moutardier, sanve ou ravenelle ?

Publié le : 24 octobre 2017

Les sanves, les moutardiers et les ravenelles sont des adventices de la famille des Brassicacées, qu’on retrouve parfois nombreuses dans les cultures. On les confond parfois, alors comment les reconnaître et surtout, comment lutter contre ?

D’abord, connaître les plantes

Sanve

Pour bien lutter contre les adventices, on dit souvent qu’il faut commencer par connaître leur biologie.

Le Sanve – Sinapis arvensis –  est un synonyme de moutardier ou moutarde des champs. C’est une annuelle présente dans tous les types de sols et levant toute l’année avec une préférence pour le printemps. Elle gêne pourtant davantage dans les cultures de blé d’hiver que dans les maïs. En effet, le « zéro de végétation » des Brassicacées (Crucifères, reconnaissables à leurs 4 pétales en croix) serait inférieur à celui du blé. Celles-ci prennent donc le dessus sur la culture pendant l’hiver systématiquement.

Autre information importante : le TAD pour Taux annuel de dégénérescence. Il s’agit du pourcentage de semences de mauvaises herbes qui meurent ou sont mangées chaque année. Dans le cas de la moutarde des champs, il est estimé à 40%, ce qui signifie que le stock de semence d’une année sera détruit à 95% au bout de 6 ans (5% restant viable). On dit qu’il s’agit d’un TAD moyennement persistant. La moutarde des champs n’aime pas le gel, et peut disparaître dans les cultures d’hiver suite à des épisodes de froid intense.

La RavenelleRaphanus raphanistrum – est plus résistante au froid. Les différences notables entre les deux espèces sont visibles sur le tableau ci-dessous. A noter que la différence des pétales peut être parfois trompeuse chez certaines ravenelles assez colorées.

Ravenelle

Pour ce qui est du type de sol de prédilection, on retrouve des informations contradictoires. La Ravenelle est tantôt une indicatrice des terrains acides, tantôt d’un chaulage excessif ! Si elle pose problème dans des terres acides, chauler peut être une option à tester.

Autre point de biologie de cette famille d’adventices : le rapport au phosphore. Leurs propriétés acidifiantes pourraient leur permettre de mieux assimiler le phosphore du sol. Ces Brassicacées seraient favorisées dans des sols où cet élément est peu présent ou absent. La plupart des plantes terrestres captent le phosphore par l’intermédiaire d’association avec les champignons : les mycorhizes. La famille des Brassicacées en est dépourvue mais a semble t-il trouvé moyen de faire autrement. Ce serait les glucosinolates, les molécules soufrées qui piquent le nez dans la moutarde, qui inhiberaient la germination de spores fongiques. Si nous parlons ici de ces plantes comme d’adventices, les engrais verts de cette même famille pourraient avoir un rôle délétère sur les champignons responsables des maladies telluriques (blé, protéagineux, etc.).

Les différences notables entre les deux espèces

Une gestion préventive des adventices

La viabilité des graines de la famille des brassicacées dans le sol est assez longue. Aussi, tout comme pour l’immense majorité des adventices, l’important est d’abord d’éviter de se faire envahir. Les graines proches du colza préfèrent la terre fine et ne germent pas en profondeur (petite réserve). Pour des céréales d’hiver, il faudrait s’orienter vers des préparations grossières et éviter les passages trop nombreux ou une herse rotative trop rapide. A adapter en fonction du type de sol, évidemment.

Si ces plantes sont favorisées par un faible taux de phosphore disponible, bien gérer cet élément dans son système est important. Dans une ferme associée à de l’élevage dont on restitue les effluents, il n’y a pas de carence la plupart du temps, à condition que l’effluent soit bien géré et qu’on évite les pertes. Pour rappel, Yves Hérody a mesuré qu’une pluie sur un tas de fumier lessive environ 10% du phosphore et une saison de 1250 mm en lessive 30%. Il résume : « l’objectif de toute bonne gestion des matières organiques fermières est d’abord et avant tout : Ne rien perdre ».

Globalement, le phosphore étant un élément peu mobile, une bonne absorption par les plantes requiert une bonne structure pour une exploration racinaire et mycorhizienne optimale et toujours une activité biologique intense pour permette aux micro-organismes de le rendre assimilable.

Une autre manière de voir ce rapport des crucifères au phosphore est de jouer là-dessus en implantant des engrais verts composés de moutardes, radis et autres. Une fois broyés, ceux-ci restituent le phosphore et pourraient atténuer la carence induite.

Ceci va aussi dans le sens de l’idée répandue que si une adventice est présente en quantité spontanément, on peut y remédier en implantant une culture ou engrais verts de la même famille. Pour avoir une activité biologique intense qui va permettre aussi au sol de bien exprimer son phosphore, l’ajout d’une céréale sucrée comme l’avoine combinée à une crucifère peut être une option.

La rotation sera un levier pour articuler le labour, qui atténue tout de même ces adventices, avec le positionnement de cultures difficilement envahies. On rappelle que la durée de vie des semences fait qu’une seule culture concurrentielle ne suffira pas. D’autres préconisent de privilégier les associations en méteil, l’orge (effet port) ou le triticale (hauteur).

Une gestion curative quand c’est nécessaire

Quand ces adventices sont installées, que reste-t-il à faire ?

En interculture, les graines germant en surface sont sensibles aux faux semis. Attention, il est important pour cette technique d’être très superficiel (type herse étrille aveugle plutôt que vibro à 8-10cm) et de plus en plus superficiel, sinon on remonte les graines (cf. recommandations de Joseph Pousset, Agriculture sans herbicides, 2016).

La rotation peut aussi être un moyen curatif mais il faudra mettre en place une culture pluriannuelle d’au moins 3 ou 4 ans pour voir de réels effets.

Pour ce qui est des outils de désherbage mécanique, la herse étrille n’est efficace qu’à un stade très jeune de l’adventice : filament blanc dans le sol, tout juste germé, cotylédons et vraiment début 2 feuilles. Pour les cultures d’hiver, il faudra passer en pré-levée ou plus tard, mais avant l’hiver. A la sortie d’hiver, la plante est trop développée, et son zéro de végétation étant plus bas, elle aura tendance à s’être davantage développée que la culture. La herse étrille, dont le fonctionnement repose sur un différentiel d’enracinement entre la culture et l’adventice sera inefficace en désherbage.
Il reste donc la bineuse qui arrachera la plante mais seulement sur l’interrang. Pour finir, un outil comme l’écimeuse peut s’avérer utile. Attention, au stade où on la passe, la concurrence est déjà faite entre les cultures, on écime d’ailleurs car le moutardier domine le blé par exemple. Cependant, cela peut être judicieux en vue d’éviter de faire exploser le stock de semence, pour 6 ans !

 

Article rédigé par Thomas Queuniet (CIVAM Bio 53) et initialement paru dans le bulletin de la CAB Pays de la Loire de mars-avril 2017