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La maladie de la suie ou maladie de la pluie est souvent observée dans les vergers de pommes tardives situés en bas-fonds humides ou peu traités pendant l’été. Déjà visible à la récolte, elle s’intensifie en conservation. Il s’agit d’une altération superficielle de l’épiderme qui n’entraîne pas de pourriture. C’est la qualité visuelle qui est affectée. Les tâches sont incrustées dans l’épiderme du fruit et ne s’éliminent pas au brossage. Les qualités tant organoleptiques que sanitaires du fruit restent intactes. La maladie de la suie n’entraîne pas de pourritures humides favorables au développement de la patuline.
Toutes les fermes du réseau Dephy animé par l’ADABio (Ain, Isère et Savoie) ont des parcelles régulièrement atteintes par cette maladie avec une intensité variable selon la pluviométrie estivale ou les brouillards automnaux. Sur les douze fermes du réseau qui essaient déjà de mieux positionner les interventions fongicides, notamment contre la tavelure, deux arboriculteurs testent depuis 2 ans un modèle de prévision de l’évolution de la maladie de la suie (RIM pro) en fonction des températures, de la durée d’humectation du végétal et de la pluviométrie afin de diminuer le nombre d’interventions phytosanitaires estivales et automnales. L’un d’entre eux témoigne.
Christophe Raucaz est l’un des 2 arboriculteurs du réseau Dephy, testeurs du modèle de la maladie de la suie. Son exploitation est située à Verrens-Arvey en Savoie et compte, entre autres, 14 hectares de pommiers en AB.
« Il est certain que le choix variétal et la topographie du verger sont importants. Mais au départ de la conversion progressive de mon exploitation en bio, j’avais un panel de variétés pas toujours adapté à la production biologique et surtout la pression foncière dans la Combe de Savoie ne me permettait pas toujours de choisir des parcelles bien adaptées à la production fruitière. De plus, c’est depuis peu de temps, suite au développement de l’agriculture biologique, qu’on a des informations concernant la sensibilité des variétés de pommes aux autres bio-agresseurs que la tavelure ou l’oïdium. Il est encore difficile aujourd’hui de connaître le comportement de certaines variétés vis-à-vis de la maladie de la suie ou du puceron cendré, deux bio-agresseurs très présents dans les parcelles bio.
« J’observe chaque année la maladie de la suie notamment dans les parcelles de Jonagold ou de variétés à récolte très tardive »
En l’absence de recul sur le comportement des nouvelles variétés de pommes résistantes à la tavelure, lors du renouvellement des plantations, ans les zones sensibles à la maladie de la suie, je choisis des variétés à récolte précoce. Mais comme je ne peux pas refaire complètement mon verger, et que même en aérant les arbres lors de la taille, j’observe chaque année la maladie de la suie notamment dans les parcelles de Jonagold ou de variétés à récolte très tardive, j’ai choisi de tester le modèle RIM pro qui, outre la tavelure, permet de prévoir l’évolution d’autres maladies ou ravageurs.
D’après les scientifiques, la maladie de la suie se conserve sous forme de mycélium et de pycnides sur les rameaux infectés du pommier, mais également sur d’autres hôtes ligneux présents dans l’environnement du verger, notamment sur les ronces. La dispersion des conidies du champignon commence dès le printemps. Les contaminations précoces qui se développent sur les très jeunes fruits passent souvent inaperçues, ou sont confondues avec de la fumagine. La maladie ne s’extériorisant réellement qu’en fin d’été. Il est très difficile, en observant visuellement son verger, de positionner le premier traitement et la cadence des suivants.
Ainsi en 2016, année beaucoup plus favorable à la maladie de la suie que 2017, le modèle a indiqué la première infestation au 31 mai. En 2017, année sèche, ça a été le 12 juillet, époque à laquelle on a arrêté les traitements contre la tavelure depuis plus d’un mois. C’est souvent pour cela que lors d’étés secs suivis d’un automne brouillardeux, on observe de grosses attaques de maladie de la suie dans les vergers de pommes tardives résistantes à la tavelure. Le nombre de traitements suivants cette première intervention est fonction de la pluviométrie de l’été et des brouillards d’automne.
« Le modèle permet de faire le tri entre les périodes humides contaminatrices et celles qui ne le sont pas. »
Pour traiter la maladie de la suie, j’utilise, sur les variétés sensibles à ce bio-agresseur, le bicarbonate de potassium qui peut, contrairement au cuivre, s’employer sur feuillage mouillé, en curatif jusqu’à 400 heures après le début de la contamination.
Cette somme thermique est obtenue en cumulant les températures horaires après le début de l’infestation. S’il y a un risque de tavelure secondaire, on peut lui associer du soufre. Mon collègue Claude Vaudaine à Bougé-Chambalud dans l’Isère a testé une nouvelle formulation de bicarbonate beaucoup plus pure qui serait moins phytotoxique que celle actuellement commercialisée. L’efficacité de cette formulation est pour lui comparable à l’ancienne.
Dans les parcelles sensibles plus difficilement accessibles après une pluie, j’emploie en préventif du cuivre à la dose tavelure, c’est-à-dire à la dose maximale de 200 grammes de cuivre métal hectare. En été, je suis plutôt autour de 125 grammes. Je renforce ce cuivre avec un mouillant à base de terpène de pin. Les Suisses préconisent toujours, s’il y a des risques de tavelure, de rajouter au cuivre une très faible dose de soufre, de 2 à 3 kg/ha. Personnellement, je ne préfère pas mélanger les terpènes avec du soufre. Dans ce cas, je choisis le savon noir comme mouillant. Le modèle RIM pro me permet également de mieux positionner ces traitements préventifs en fonction de la prévision de la production de spores
par le mycélium présent sur le végétal.
J’ai pu accéder au modèle RIM pro car la chambre d’agriculture de Savoie a placé une station météo dans une de mes parcelles pour le réseau d’alerte tavelure du bulletin régional de santé du végétal. Le GAEC des Plantaz, situé à Flaxieu dans l’Ain, pense s’associer avec des voisins viticulteurs pour acheter une station météo, ce qui devrait réduire les frais d’achat et surtout de fonctionnement, car certains capteurs comme celui de l’humectation ont une durée de vie assez courte. L’abonnement à RIM pro coûte environ 200€ pour 2 stations maximum. Pour la prévision des maladies, il est souhaitable de la positionner dans la parcelle la plus humide de la commune. C’est un investissement assez vite rentable puisque la modélisation permet dans un premier d’améliorer l’efficience des traitements. Puis, quand on a plus de recul dans l’utilisation du modèle, il est possible de faire l’impasse sur un plus grand nombre de traitements, surtout quand on intervient en traitement curatif ou plutôt « stop » après une pluie qu’on sait contaminatrice, ce qui n’est pas toujours le cas des traitements préventifs. »
Article rédigé et propos recueillis par Jean-Michel Navarro, ADABio
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