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L’œuf, produit de consommation courante, considéré comme une source de protéine animale accessible à tous, occupe une place particulière dans l’alimentation des français. Les œufs coquilles représentent 60 % de la consommation et les ovoproduits 40 % (œufs adaptés aux besoins des entreprises agroalimentaires, comme les œufs liquides pasteurisés ou en poudre). Dans les rayons des grandes et moyennes surfaces (GMS), les consommateurs retrouvent le panel des modes de production existants : les œufs coquilles provenant de poules en cage (standard), de poules au sol, de poules plein air, du Label rouge et de l’agriculture biologique.
Les modes de production alternatifs à la cage sont en forte progression ces dernières années. Ils représentaient près de la moitié des volumes d’achats en 2017 alors qu’ils atteignaient seulement 1 quart en 2003. Parmi les élevages alternatifs, l’agriculture biologique est très présente sur le marché et a été le mode d’élevage en plein air qui s’est développé le plus fortement. Sa part de marché a augmenté, en volume, de 9 % de 2014 à 2015 puis de 12 % de 2015 à 2016 (ITAVI) ce qui s’explique par des choix de consommation de plus en plus tournés vers le mode d’élevage biologique. En 2016, les œufs biologiques représentent 23 % des achats des œufs par les ménages français en valeur et 14 % en volume, et ces parts ne font qu’augmenter. En 2018, en grande distribution, 28 % des œufs achetés étaient bio (Agence Bio / IRI InfoScan Census). Pour ce qui est des ovoproduits, la place des œufs provenant de poules en cages est encore prédominante : le développement des modes alternatifs s’observe mais de manière moins rapide que sur le marché des œufs coquilles.
Bien que le recul des élevages de poules en cages s’accélère, la part des poules pondeuses élevées en code 3 (cages aménagées) représente tout de même encore plus de la moitié des effectifs français : 57 % des poules pondeuses en 2018 contre 63 % en 2017 (SYNALAF). Quant au cheptel de poules pondeuses bio en France, il a plus que doublé entre 2007 et 2016. En 2018, il représente presque 14% des effectifs de poules pondeuses, contre 10% en 2017, soit un peu plus de 5 millions de poules bio (Agence Bio).
Les principales régions de production au regard du nombre de poules pondeuses biologiques sont la Bretagne, les Pays de la Loire et Auvergne-Rhône-Alpes, qui rassemblent deux tiers du cheptel. La répartition en nombre d’élevages est différente et met en avant l’Occitanie et la Nouvelle Aquitaine, avec 12 % des élevages chacun.
La croissance de la production bio s’est surtout accélérée à partir de 2014, d’une part via l’augmentation du nombre d’élevages – on dénombre 1815 élevages de poules pondeuses bio en 2017 (Agence Bio) – et d’autre part via l’agrandissement des élevages existants. En effet, en 2016, 8 % des élevages bio comptent plus de 9 000 poules pondeuses (130 élevages), contre 5 % en 2013. 7 élevages ont plus de 24 000 poules pondeuses bio et 16 élevages en ont plus de 18 000. Le nombre et la part d’élevages de moins de 300 poules augmentent eux aussi fortement ces dernières années (948 élevages en 2016). Le nombre d’élevages de taille intermédiaire progresse par contre beaucoup moins nettement (en 2016, 622 élevages).
Ainsi, on constate d’une part que la production d’œufs bio est caractérisée par une diversité de systèmes de production, en termes de taille de cheptel, de type de bâtiments, de type de parcours ou encore d’organisation…, liée à des différences de fonctionnement elles-mêmes dues aux différents modes de commercialisation existants (filières organisées ou circuits courts et vente directe). D’autre part, le fort développement de la filière entraine la mise en place d’élevages de plus en plus grands, qui semblent s’éloigner des principes fondateurs de la bio tels que le lien au sol. Il est ainsi apparu utile de mieux connaître et décrire les élevages de poules pondeuses bio pour mieux les accompagner et objectiver les enjeux auxquels la filière doit répondre.
Dans l’objectif de réaliser une typologie des élevages prenant en compte les circuits de commercialisation des œufs, les tailles d’élevage et le lien au sol et afin de mieux connaître leurs parcs de bâtiments et les pratiques, la FNAB et l’Agence bio ont enquêtés les producteurs en été 2016. Au total, 379 réponses ont été collectées dont 304 complètes qui ont pu être analysées par la FNAB, soit 18 % des élevages.
L’échantillon des répondants a pu être comparé à la population de l’ensemble des élevages grâce aux données de l’Agence bio. L’échantillon est représentatif en termes de répartition par taille.
Taille d’élevages | PART SUR L’ENSEMBLE DES ÉLEVAGES | PART DES RÉPONDANTS |
Moins de 250 poules | 53% | 41% |
251 à 1000 poules | 11% | 15% |
1001 à 3000 poules | 8% | 12% |
3001 à 9000 poules | 20% | 23% |
Plus de 9000 | 8% | 9% |
L’objectif étant de pouvoir vérifier et quantifier des tendances observées sur le terrain par les experts, les groupes réalisés sont issus d’une combinaison de facteurs pressentis comme des variables importantes : le mode de commercialisation des œufs, la taille des élevages en nombre de poules pondeuses, le lien au sol potentiel (surfaces disponibles pour la production de céréales potentiellement destinées à l’alimentation animale), et la spécialisation des fermes en poules pondeuses. Les critères discriminants choisis pour former les groupes sont la taille d’élevage et le circuit de commercialisation majoritaire.
En effet, les œufs sont souvent vendus soit en totalité en circuits longs soit en totalité en circuits courts. L’analyse a permis de discriminer d’un côté les élevages pour lesquels les circuits longs représentent 2/3 du chiffre d’affaires des œufs et d’un autre les élevages commercialisant la totalité des œufs en circuits courts. S’il peut sembler clivant et délicat de distinguer ainsi les circuits courts et les circuits longs, cette entrée s’est avérée pertinente pour étudier les ateliers œufs. Sur le terrain, les circuits de commercialisation, courts et longs, peuvent être complémentaires pour une même exploitation, comme à l’échelle d’un territoire.
Au sein du groupe d’élevages en circuits courts, la vente directe a été distinguée des circuits courts avec un intermédiaire. Parmi les élevages commercialisant la totalité des œufs bio en vente directe, le seuil de 500 poules a été choisi pour séparer les petits élevages en circuits courts, chez qui la vente directe est généralement privilégiée, des élevages en circuits courts de taille plus importante commercialisant souvent en circuits courts avec un intermédiaire. L’ensemble de ces élevages en circuits courts (vente directe et vente à un intermédiaire) dépassent rarement la taille de 6000 poules : ce nouveau seuil, correspondant également au nombre maximum de poules présentés dans les élevages dits « fermiers », a permis d’obtenir des groupes plus homogènes.
Finalement, 3 groupe homogènes selon les critères de taille d’élevage et de circuits de commercialisation donnent une image des grands types d’élevages de poules pondeuses bio présents en France puisqu’ils rassemblent 96 % des répondants. 4 % des répondants sont toutefois considérés comme « atypiques » : moins de 500 poules et moins de 50 % du chiffres d’affaire en vente directe (3 élevages), en circuits courts avec plus de 6000 poules (5 élevages), moins de 3000 poules en circuits longs (5 élevages).
Le groupe des élevages en circuits longs de plus de 3000 poules a ensuite été séparé en deux sous-groupes afin de révéler la part des élevages dont l’activité « poules pondeuses » est la seule activité de la ferme, c’est-à-dire pour distinguer les exploitations en filières organisées et spécialisées en œufs bio, ce groupe paraissant important à étudier pour en analyser le lien au sol.
4 grands types d ’élevages rassemblent 96 % des répondants au sondage FNAB-Agence Bio 2017 :
Typologie des élevages de poules pondeuses bio
Les poules pondeuses ont des besoins particulièrement forts en protéines et en énergie. Les formules, à faire évoluer au cours de la durée d’un lot pour s’adapter aux besoins, sont complexes à optimiser. Ainsi, la fabrication d’aliments à la ferme est rare au sein des élevages tous modes de production confondus (2 % des volumes en 2010 d’après le RGA). Même au sein des fermes cultivant des grandes cultures, l’achat d’aliments à l’extérieur est fréquent, les récoltes étant à destinées à d’autres animaux de la ferme ou vendues. La fabrication à la ferme semble plus courante en agriculture biologique mais reste minoritaire car elle nécessite des surfaces suffisantes, des outils adaptés et des compétences spécifiques (ITAB, CAB Pays de la Loire). Elle concerne 25 % des élevages en 2016. Les cas où l’ensemble de l’alimentation des pondeuses repose uniquement sur les matières premières de la ferme semblent anecdotiques. Les récoltes de la ferme sont généralement mélangées à d’autres provenant de l’extérieur pour formuler des aliments complets (sondage FNAB-Agence bio).
Ainsi, les coûts des aliments représentent plus de la moitié des charges des élevages. En agriculture biologique, ces coûts sont encore bien plus élevés. Les matières premières riches en acides aminés sont moins accessibles et les acides aminés de synthèse sont interdits. De plus, une hausse est à prévoir dans la perspective de la fin de la dérogation permettant pour l’instant d’incorporer une part de 5 % d’aliments protéagineux conventionnels, combinée à la relocalisation des approvisionnements (ITAVI, AVIALIM Bio). Les surfaces de grandes cultures cultivées en AB sont en plein développement mais doivent répondre à la fois aux besoins des élevages bio et à l’alimentation humaine, deux demandes croissantes. En France, 59 % des aliments complets biologiques sont à destination des volailles (FIBL).
L’équilibre entre les productions animales et végétales est un principe fondamental en agriculture biologique. Même sans aller jusqu’à fabriquer à la ferme, cultiver des céréales et oléoprotéagineux biologiques participe à l’équilibre alimentaire régional tout en constituant des surfaces disponibles pour l’épandage des effluents d’élevage. Selon le cahier des charges, au moins 20 % de la ration doit être produite sur l’exploitation ou une exploitation bio de la région. Le « potentiel lien au sol direct » analysé dans cette étude correspond à la capacité théorique des élevages à produire 20 % de l’alimentation nécessaire pour leurs poules. L’Agence bio propose un calcul certes biaisé mais permettant de donner un indicateur très bas en dessous duquel le lien au sol est nul : si une poule pondeuse est nourrie avec 50 Kg d’aliments et que le rendement des cultures est de 5t/ha, il faut minimum 1 ha pour nourrir 100 poules. Ainsi 20 m² par poule de céréales et oléo-protéagineux (COP) sont nécessaires pour atteindre le seuil de 20 %. Avec ce critère, la part des élevages de poules pondeuses bio français sans potentiel lien direct au sol est estimée à 61 %. Elle progresse ces dernières années (Agence bio).
Ce graphique montre, pour chaque année, le lien au sol chez les élevages nouvellement engagés en bio dans l’année. La part des exploitations sans potentiel lien direct au sol est particulièrement élevée chez les élevages engagés en 2014 et 2016.
Un indicateur encore plus marquant, consiste à comparer la SAU bio des fermes à la taille d’un parcours réglementaire minimum (4 m² par poule) en fonction du nombre de poules de la ferme. Ainsi, en France, 13 % des élevages ont une SAU inférieure à deux fois la taille réglementaire des parcours (FNAB d’après les données Agence bio).
Le lien au sol peut être lu à travers la typologie des élevages proposée par la FNAB. Parmi les petits élevages en circuits courts, très peu sont spécialisés en poules pondeuses. L’atelier œufs est complémentaire à d’autres productions, permettant de compléter la gamme en vente directe et d’apporter un revenu stable supplémentaire. Il participe à consolider des projets d’installation. Sur le terrain, il s’agit d’exploitation en maraîchage diversifié en vente directe ou d’exploitations ayant une diversité de productions souvent en circuits courts.
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Petits élevages en vente directe | Élevages en circuits courts de taille équivalente aux élevages « fermiers » | Élevages en circuits longs combinant plusieurs productions | Élevages strictement spécialisés en œufs en circuits longs |
Part des élevages sans culture de COP | 60 % | 45 % | 36 % | 100 % |
Part des élevages avec plus de 20 m² de COP par poule | 40 % | 55 % | 36 % | 0 % |
SAU bio moyenne | 28 ha | 37 ha | 57 ha | 6 ha |
Le lien au sol est plus faible que la moyenne française chez deux groupes opposés, rassemblant 30 % des élevages et 39 % du cheptel. Les « élevages en circuits courts de taille équivalente aux élevages fermiers » ont un sous-groupe important avec un bon lien au sol, chez lesquels la fabrication à la ferme est fréquente.
Le groupe 4 « strictement spécialisés en œufs en circuits longs » n’a pas de lien au sol. Ce sont les élevages les plus grands. 9 sur 10 ne cultivent pas de COP bio et 90 % ont moins de 10 ha de SAU. La SAU ne dépasse pas deux fois la taille d’un parcours réglementaire pour 8 élevages sur 10. Ces fermes sont ainsi entièrement dédiées à l’atelier œufs (100 % du chiffre d’affaires de la ferme) et n’ont que le parcours de plein air. Parfois, des céréaliers ou des éleveurs conventionnels démarrent un atelier de poules pondeuses bio en créant une nouvelle structure juridique spécifiquement dédiée à cette activité bio, gérée en parallèle de l’autre exploitation.
En élevage de poules pondeuses bio, deux grands types de bâtiments existent : les fixes et les mobiles. Les bâtiments mobiles sont utilisés par 22 % des élevages (sondage FNAB-Agence bio). Les bâtiments mobiles sont fréquents au sein des élevages en circuits courts et ne sont pas utilisés chez les ateliers en circuits longs. Cette étude s’est concentrée sur la description des bâtiments fixes.
En agriculture biologique, le nombre de poules pondeuses est limité à 3000 par bâtiment. En réalité, ce seuil est lu par salle d’élevage, qui abrite chacune un lot qui lui ne dépasse pas 3000 poules. Les lots sont ainsi logés dans un même bâtiment fait de plusieurs compartiments. Les séparations entre les lots se font par des cloisons allant du sol au plafond, étanches au moins en partie basse, ne permettant pas la circulation des animaux d’un lot à l’autre. Le CNPO recommande de ne pas dépasser la limite de 12 000 poules par bâtiment (4 lots) et 24000 par exploitation, la FNAB 6000 (2 lots) sous un même toit et 9000 (3 lots) au sein d’un même élevage.
Or d’après le sondage FNAB-Agence Bio de 2016, 5 % des élevages qui ont des bâtiments fixes dépassent le seuil de 9000 poules et 1 % ont des bâtiments de plus de 12 000 poules en 2016. Les élevages en circuits longs sont une majorité à n’avoir qu’un seul grand bâtiment, avec des moyennes autour de 8000 poules.
Sur 218 bâtiments fixes | Petits élevages en vente directe | Élevages en circuits courts de taille équivalente aux élevages « fermiers » | Élevages en circuits longs combinant plusieurs productions | Élevages strictement spécialisés en œufs en circuits longs |
Part d’élevages ayant uniquement des bâtiments mobiles | 62 % | 25 % | 3 % | 0 % |
Nombre maximum de bâtiments fixes par élevage | 5 | 5 | 4 | 5 |
Part des fermes avec 1 seul bâtiment fixe | 67 % | 38 % | 61 % | 71 % |
Nombre de poules par bâtiment fixe | De 20 à 500 | De 200 à 6000 | De 2300 à 24000 | De 1400 à 16500 |
La mise en place de volières, plutôt répandue dans le nord de l’Europe est controversée. Les poules peuvent se déplacer verticalement, ce qui semble intéressant en termes de bien-être animal mais l’accès au parcours est réduit et la surveillance des animaux moins facile (ITAVI). Les volières ne semblent pas plus fréquemment utilisées dans les élevages en circuits longs par rapport aux élevages en circuits courts (sondage FNAB-Agence bio).
La moitié des élevages en circuits longs ont des parcours qui correspondent à la surface réglementaire, de 4 m² par poule, sans la dépasser. Dans les élevages en circuits courts, les parcours des bâtiments fixes sont majoritairement de surface supérieure au minimum réglementaire par poule. Les aménagements arborés au sein des parcours semblent fréquents en agriculture biologique (sondage FNAB-Agence bio), d’autant plus dans les groupes 1 et 2. L’accès au parcours est facilité par la présence d’arbres ou d’arbustes qui invite les poules à s’avancer. Les aménagements aux abords des trappes ont une importance particulière (CASDAR Parcours volailles). Pourtant, d’après le sondage, ils sont rares : 74 % des éleveurs interrogés ont des parcours sans arbre aux abords des trappes de leurs bâtiments fixes.
Ainsi, face au développement important de la production d’œufs bio, on note des évolutions dans les caractéristiques des systèmes d’élevage de poules en bio, avec une forme de bipolarisation des élevages en fonction des circuits de commercialisation des œufs, malgré des complémentarités possibles, et une progression de la taille des élevages et probablement du nombre de poules par bâtiments. L’analyse du lien au sol et des types de bâtiments et de parcours interroge quant au risque de voir s’affaiblir deux principes fondamentaux en bio : le lien au sol et l’accessibilité des parcours de plein air.
Étude menée par Alice Odoul pour la FNAB en 2017, issue du sondage FNAB-Agence Bio 2017
– Oeufs bio, les défis du changement d’échelle
⇒ Article et restitution du séminaire du 14/11/17
– Plaquette de présentation de la filière œufs bio
⇒ Plaquette issue de cette étude FNAB 2016 et du sondage FNAB-Agence Bio
– Actes du séminaire de la filière œufs bio du 14 novembre 2017
⇒ Compte-rendu des débats et des tables rondes du 14/11/17 : Quels modèles de production souhaitons-nous développer ? Comment construire des filières durables, cohérentes et équitables ?
– Résultats du projet Casdar SECALIBIO « Sécuriser les systèmes alimentaires en production de monogastriques biologiques »
⇒ Synthèses des travaux menés pour une alimentation 100% bio en volailles
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