L’alimentation à l’herbe, un défi technique pour la ferme du Rivetin et ses 120 vaches

Publié le : 3 avril 2018

Benjamin et Christian Delva, polyculteurs éleveurs laitiers dans la Somme, ont franchi le pas d’une conversion en bio en mai 2016. Du fait d’un parcellaire éclaté, les deux associés ont dû relever un certain nombre de défis techniques afin de garantir une alimentation à l’herbe pour leurs animaux et permettre la transition vers l’agriculture biologique.

L’agriculture biologique, pour eux c’était logique !

Après une première hésitation en 2009 notamment due au manque de surfaces autour de l’exploitation, les associés du GAEC ont converti les 165 ha de leur exploitation en mai 2016.

Lorsque l’on évoque avec eux les motivations, leur réponse est claire : « On se devait de réfléchir sur notre système et devenir acteurs de notre filière. Nous sommes dans une région où l’élevage est abandonné pour mettre en place des cultures industrielles moins contraignantes. Pour nous, la présence d’élevages dans nos exploitations est indispensable. En étudiant le système de polyculture et élevage en bio, on a accroché sur la synergie entre les terres et l’élevage, car cela permet de valoriser le fourrage, les légumineuses, ou encore les effluents », précise Benjamin.

Il ajoute : « C’est un challenge de se lancer dans un projet engageant la totalité de son système, mais les perspectives de marchés en bio ne nous ont pas fait hésiter longtemps. La filière bio nous offre une diversité de débouchés avec des prix stables et équitables et apparaît donc pour nous comme une filière d’avenir

Un système à l’herbe entre pâturage et affouragement en vert

Lors de la réflexion quant au passage en bio, les producteurs ont dû faire face à un frein technique, celui de l’accessibilité au pâturage. En effet, le cahier des charges bio stipule que les animaux doivent avoir accès à l’extérieur dès que les conditions le permettent. Du fait d’un parcellaire morcelé et d’une route située juste devant l’exploitation, la surface accessibles aux 120 vaches est de seulement 10 ha.

Les éleveurs entament donc une réflexion sur leur système de rationnement et d’alimentation. Ils choisissent de nourrir l’ensemble du troupeau à l’herbe et ainsi de limiter au maximum la part de concentrés et d’intrants dans la ration, qui parfois nécessitent une complémentation alimentaire importante – c’est le cas du Maïs par exemple. Leur système apparaît donc autonome et cohérent agronomiquement, les intrants sont limités et l’alimentation est produite quasi-exclusivement sur l’exploitation. Les vaches quant à elles pâturent 8 mois de l’année.

Une cohérence entre terres et élevages au service de l’environnement

L’assolement a donc été totalement repensé afin de couvrir les besoins du cheptel. Certaines cultures ont été abandonnées notamment la betterave sucrière, filière encore orpheline en bio (mais des projets sont en cours !). La prairie temporaire représente quant à elle désormais 50 % de l’assolement, ce qui favorise la santé et le bien être des vaches mais également du sol !

Les éleveurs notent plusieurs effets positifs sur les aspects économiques, sanitaires et écologiques. « La réimplantation de cultures pluriannuelles à base de légumineuses a permis de pallier la non-utilisation des produits issus de synthèse, en garantissant la fertilité des sols sur l’ensemble de la rotation, en maîtrisant le salissement et en limitant l’érosion » note Benjamin. « D’un point de vue écologique, nous sommes fiers de constater un retour de la vie dans nos parcelles par la présence de nombreux oiseaux, insectes, vers de terre et micro-organismes. » complète Christian.

Ils projettent maintenant de travailler sur le paysage et la biodiversité, en implantant de nombreuses haies pour permettre la sauvegarde de nombreuses espèces végétales et animales.

9 mois d’herbe fraîche dans l’année !

La construction du système fourrager à base d’herbe s’est faite sur la base de mélanges graminées-légumineuses (exemple : mélanges Ray Grass Anglais-Trèfle Blanc). Le choix des variétés a varié suivant les stades de maturités (précoce, semi précoce, semi tardif et tardif) pour étaler au maximum les récoltes.

Ensuite, les mélanges ont été complexifiés avec l’ajout d’autres types de trèfle comme du violet ou de l’incarnat pour augmenter la productivité des prairies ou d’autres graminées comme de la fétuque des prés, de la fétuque élevée et de la fléole. Ces graminées ont l’avantage de ne pas épier trop vite, ce qui peut réduire considérablement la qualité nutritionnelle des mélanges. De plus, les éleveurs sont allés plus loin dans la différenciation de la flore prairiale. Ils ont implanté de la chicorée fourragère, pour pallier au déficit hydrique en période estivale et apporter des minéraux et des oligo-éléments dans la ration.

« Lorsque la pousse de l’herbe vient à diminuer, nous incluons des surfaces, initialement prévues pour les stocks hivernaux, dans le planning d’affouragement. Cela nous permet de réduire les besoins en stock et de ne pas ouvrir le silo trop tôt » complète Christian.

Améliorer la performance du troupeau bio : un défi technique passionnant !

Les éleveurs semblent satisfaits de leur niveau de performance mais espèrent gagner en qualité de lait. Le niveau de production a baissé d’environ 20% pour atteindre une production annuelle de 6700L/VL, avec un taux de MG avoisinant les 41 g/L et le taux de MP dépassant à peine les 32 g/L. Les éleveurs constatent en revanche, un lait plus parfumé et plus digeste. Ils espèrent améliorer les performances en travaillant sur le croisement des races. Les Prim’Holsteins vont être croisées avec des jersiaises et des rouges suédoises afin d’améliorer la qualité du lait et la longévité du troupeau.

Une conversion bio réussie et un nouveau souffle pour l’exploitation

Le passage au système fourrager à base d’herbe n’a pas réduit la charge de travail mais a permis une plus grande autonomie, les intrants ayant largement diminué. Une plus grande liberté dans l’assolement a été gagnée notamment au niveau des prairies temporaires.  L’investissement important de l’autochargeuse est quant à lui amorti grâce à la valorisation du prix du lait bio.

Nourrir le cheptel uniquement à l’herbe permet de réduire largement les intrants et de gagner en autonomie. Dépassant les contraintes de parcellaire et le défi technique que représente ce changement de pratiques et la conversion en bio, Benjamin et Christian Delva ne regrettent en aucun cas leur choix et nous confient « redécouvrir leur métier d’éleveurs laitiers grâce au passage en bio ».

Article rédigé par Raphaël Delva, Conseiller Animateur polyculture élevage, BIO en Hauts de France