Innovation et recherche d’autonomie en grandes cultures dans la Marne, chez les Simonnot

Publié le : 6 juin 2017

Installé en 1983 sur 235 ha (dont 40 ha à façon) en polyculture à Montépreux (51) dans la Marne, Jean-Paul Simonnot a changé ses pratiques depuis les années 90 en introduisant les couverts végétaux, la réduction du travail du sol (non labour), puis la réduction des phytos. Il a démarré sa conversion en bio en 2001, les dernières terres sont entrées en conversion en 2012, et la ferme est 100 % bio depuis 2015.

Présentation de la ferme SCEA Simonnot

  • 235 ha (dont 40 ha à façon)
  • Montépreux, dans la Marne, région Grand Est
  • Polyculture
  • 2 UTH permanent, 0,5 à 0,7 UTH saisonnier (désherbage manuel)
  • Couverts végétaux et travail du sol réduit (TCS) depuis 1990-1992
  • Conversion en bio entre 2001 et 2015
  • Pluviométrie annuelle : 645 mm
  • Types de sol : rendzine, craie (80 %), argile sur sable calcaire (20 %)

Une diversité de cultures

Assolement 2017 (en hectares)

Le schéma ci-contre montre l’assolement en 2017, sur la totalité des 235 ha, qui sont cultivés ensemble par Jean-Paul, soit les 195 ha pour lui, et les 40 ha à façon.

Les 40 ha cultivés à façon pour son cousin ne sont pas sur des parcelles fixes (jamais sur les mêmes parcelles d’une année sur l’autre). Cette année il s’agit de 10 ha de luzerne, 10 ha de blé, 10 ha d’avoine et 10 ha d’orge. Le graphique représente l’assolement total, incluant ces 40 ha.

Des rotations longues de 8 ou 9 ans

« Plus la rotation est longue, mieux c’est. Il faut essayer d’alterner les cultures d’hiver et les cultures de printemps, pour avoir des flores adventices différentes. »

La rotation de Jean-Paul :

  • Luzerne 2 ans de suite
  • Blé d’hiver
  • Blé de printemps
  • Chanvre
  • Pois
  • Céréale d’hiver ou de printemps
  • Triticale
  • Luzerne dans le triticale

Cette rotation longue avec des légumineuses optimise la fertilisation. Jean-Paul apporte un complément en fertilisation organique avec des composts de fientes de volaille et des vinasses (ou catalysats de vinasses) de betterave.

La maîtrise des adventices

La principale difficulté c’est les chardons. La luzerne en début de rotation, pendant 2 ans, fauchée 3-4 fois par an limite la prolifération des chardons. Mais au fur à mesure des années, les parcelles se salissent à nouveau en chardons, jusqu’au retour de la luzerne dans la rotation au bout de 8 ans.
C’est pour maîtriser le salissement que Jean-Paul a réintroduit le labour certaines années, notamment les années très humides (sur moins de 10% de ses sols). Aujourd’hui il désherbe à la herse étrille ou rotative, mais ce n’est pas suffisant. C’est pourquoi il envisage l’achat d’une bineuse.
L’an dernier en 2016, le salissement a été très important à cause des pluies abondantes. Le désherbage manuel prend 500-600 heures de travail par an, soit un mi-temps.

Des circuits de commercialisation variés

culture associée lentillon-seigle

Les productions sont essentiellement vendues à des coopératives ou à des privés :

  • La luzerne à une coopérative de déshydratation (APM déshy, regroupée depuis janvier 2016 avec Tereos)
  • le chanvre à la Chanvrière (ex Chanvrière de l’Aube)
  • le blé à Acolyance
  • l’avoine de printemps à Celnat, qui transforme en flocons d’avoine
  • la lentille verte à Soufflet
  • le seigle à des meuniers
  • une partie des céréales en contrat de semences avec Lemaire Deffontaines

Les lentillons sont vendus en vente directe : magasins spécialisés (Biocoop, magasins de légumes…), vente directe à des particuliers à la ferme, et sur des marchés ou foires 1 à 2 fois par an ; et une autre partie est vendue à des grossistes.

Jean-Paul fait du stockage à la ferme à plat sur dalle de béton, afin de rentrer toutes les récoltes à la moisson, puis les récoltes sont expédiées assez rapidement. Dans la région il y a suffisamment d’organismes stockeurs avec des capacités de stockage. Son trieur (trieur mobile Marot – 1,5 T/h – DOREZ) permet de trier ses semences fermières, et Jean-Paul envisage l’achat d’un trieur plus performant pour trier les récoltes. Pour trier le lentillon-seigle, une Cuma de triage s’est montée avec d’autres producteurs de lentillon, avec différents types de trieurs.

Production et vente de semences

Jean-Paul est autonome en semences, il produit ses propres semences. Il garde une partie de ses récoltes pour la semence, et produit également sa semence de luzerne, de trèfle (utilisé comme couvert) et de cameline (semé comme tuteur pour la lentille).

Il a aussi des contrats de multiplication de semences depuis 10 ans avec Lemaire Deffontaines : orge d’hiver (12 ha), blé d’hiver (10 ha), triticale (10 ha) et une partie de l’avoine (10 ha). Il touche une prime de multiplication de 15 % par rapport au prix en production classique (non semence).

Travail du sol réduit et couverts végétaux

Moutarde 2 semaine après semis

Jean-Paul a introduit les couverts végétaux sur sa ferme dès 1990, avec l’objectif de couvrir le sol.

« Il n’y a rien de pire qu’un sol nu. Il se dessèche, s’érode. »

Dans le blé, Jean-Paul sème un couvert de trèfle blanc nain à la volée au printemps (3,5 kg/ha).  L’intérêt : apport d’azote et couverture du sol. Après la moisson, il passe un coup de broyeur, puis le couvert de trèfle pousse. Après il n’a pas besoin de déchaumer, il détruit simplement le couvert au rotavator en hiver. Il est important de détruire le couvert en conditions sèches, car en conditions humides, on a une mauvaise destruction. Il sème parfois aussi des couverts de moutarde derrière une culture, notamment quand le trèfle ne lève pas (comme en 2015).

Jean-Paul a aussi considérablement réduit le travail du sol et pratique le non labour depuis 1992. Cela a permis de baisser la consommation de fioul : de 100 litres/ha/an, elle est passé à 80 litres, et peut descendre à 50 litres/ha/an certaines années. A noter que Jean-Paul n’a aucun matériel spécifique de travail du sol réduit.

Le bilan de ces pratiques innovantes

Les avantages sont nombreux :

  • Gain de temps
  • Diminution de la consommation de fioul
  • Amélioration de la fertilité des sols
  • Meilleure évolution de la matière organique
  • Diminution de l’utilisation des engrais organiques

La principale difficulté, lorsqu’on réduit le travail du sol en bio, réside dans la gestion de l’enherbement. Initialement, Jean-Paul avait arrêté les déchaumages. La pression des adventices s’étant accrue, il a fait le choix de les réintégrer dans l’itinéraire technique. Depuis quelques années il a aussi dû réintroduire un peu de labour pour la même raison (très peu, selon les besoins).
Cela demande une technicité accrue, plus d’observations et de contrôle.

Indicateurs de résultats :

  • Rendement moyen en blé tendre d’hiver et triticale : 37 qx/ha
  • Consommation de fioul : passage de plus de 100 litres à 80 litres par hectare et par an, parfois 50 l/ha/an
  • Temps de travail : depuis le passage au bio, 1 ETP a été ajouté sur la ferme.

Le choix de la bio : « Préserver la santé humaine et devenir moins dépendant des intrants m’ont décidé à franchir le cap de la bio. La conversion progressive m’a permis de tester les pratiques, de me rassurer. »

La réduction du travail du sol : « J’étais motivé pour réduire mes coûts de production : la réduction du travail du sol était une voie. »

Le conseil de Jean-Paul : « Les TCS en bio c’est jouable, c’est une histoire de méthode et d’observation, au moins en terres « blanches » [craies, en Champagne crayeuse] qui sont faciles à travailler.»

Jean-Paul Simonnot

Un agriculteur investi

Jean-Paul fait partie d’un groupe d’échange d’agriculteurs avec la chambre d’agriculture, dont certains producteurs sont également en TCS (mais pas beaucoup dans la Marne), il est également  élu à la chambre d’agriculture, qui apporte du conseil technique en bio dans ce département. Il est aussi président du GAB de la Marne, et suit notamment les aspects formations, filières, installation et accueil des nouveaux bio. Il a participé au recueil d’expérience  « CTS : Couverts végétaux, Travail superficiel du sol et Semis direct en agriculture biologique. Expériences des paysans bio de France », qui présente des expériences concrètes des paysan-ne-s du réseau FNAB autour de ces techniques innovantes.