Gestion des contaminants de la ruche : quels retours d’expérience en Allemagne ?

Publié le : 29 octobre 2018

Dr Klaus Wallner, chercheur spécialiste sur les contaminants de la ruche, du service apidologie de l’Université de Hohenheim à Stuttgart est intervenu lors de la journée technique apiculture bio en Alsace en novembre 2016 pour présenter les principaux enseignements de ses recherches.

Les résidus peuvent avoir plusieurs origines :

  • les pollutions environnementales (particules et gaz industriels, routiers ou domestiques),
  • l’agriculture, un des facteurs de contamination les plus importants (pesticides),
  • les pratiques apicoles (fumée, nourrissements, répulsifs, peinture des ruches, lutte contre la fausse-teigne et autres maladies)

« Il y aura toujours des résidus. Ce qui compte, c’est la quantité et les conséquences des différentes molécules »

Chaque résidu à sa propre dynamique et a des interactions spécifiques avec les abeilles, la cire, et les produits de la ruche. « Il y aura toujours des résidus. Ce qui compte, c’est la quantité et les conséquences des différentes molécules », explique le Dr Wallner. Les produits phytosanitaires, en majorité des substances lipophiles, s’accumulent sur les tissus des parois du circuit digestif des abeilles et les butineuses filtrent les contaminants qu’elles collectent à l’aide du proventricule, un organe situé entre le jabot et l’intestin. Lorsque les abeilles remplissent les alvéoles avec les produits de leur collecte, des molécules peuvent pénétrer la paroi cirière et éventuellement s’accumuler. Beaucoup résidus de pesticides peuvent être fortement réduit dans le cadre du processus d’élaboration du miel, mais ils restent dans la cire.

Les acides organiques ne peuvent pas s’accumuler dans la cire. Mais ils peuvent, par une mauvaise utilisation, présenter un risque pour le miel. Ces substances sont naturelles et déjà présentes dans le miel en faibles quantités,  et ne sont à ce titre pas suivies par les organismes de sécurité alimentaire. Toutefois c’est à l’apiculteur de veiller aux bonnes pratiques apicoles pour éviter des fortes contaminations. Quant aux huiles essentielles, elles sont très répandues dans le monde végétal. Le thymol peut rester longtemps dans la cire. Il suit un cycle saisonnier particulier : le froid stabilise le thymol dans les cellules et il est reventilé au printemps. Il n’y a pas d’accumulation dans les cires au fil du temps, « c’est comme une pile, ça se charge et se décharge ».  Il est important de ne pas trop l’utiliser et de limiter son utilisation au traitement estival.

De la nécessité d’analyser ses cires

Les contaminants d’une ruche circulent dans toutes ses parties : les abeilles sont les principaux vecteurs, ils en consomment une partie, secrète de la gelée royale et de la cire contaminée. La cire est de plus en plus chère et donc de plus en plus sujet à des fraudes et des falsifications (cire à la stéarine, à la paraffine). Il y a peu de règlementation, la « pureté » de le cire n’est pas définie. Les abeilles ne sont pas de bonnes indicatrices de sa qualité ; elles ne la mangent pas et donc ne réagissent pas directement. Même si elles semblent au départ bien accepter une cire introduite qui est contaminée, cette cire  peut avoir un impact sur le développement des larves. Et trop souvent, les apiculteurs font simplement confiance à leurs partenaires mais ne contrôlent pas, les analyses étant très coûteuses. En Allemagne, la filière apicole a défini un objectif d’amélioration qualitative des produits de la ruche et ils ont mis en place un système d’aide pour les apiculteurs pour limiter le coût des analyses. Résultat : le coût est réduit à 30€ pour une analyse de cire multi-résidus au lieu de 200€ environ plein tarif.

Le cycle de la cire améliore sa couleur via le travail du cirier (filtration, ajout d’acides, mélange, homogénéisation,…) et parfois ce n’est qu’une amélioration optique. « Tous les contaminants sont encore là ! Si la cire est contaminée à la sortie des ruches, elle le sera encore à la sortie du cirier ! ». Des procédés de décontamination sont presque tous inopérants (filtration mécanique, rayons UV et Gamma, acides, distillation à haute température), seule l’absorption avec le charbon actif peut fonctionner pour certains contaminants (mais pas tous).

Principales recommandations pour les apiculteurs

Le Dr Wallner conseille les pratiques suivantes :

  • Renouveler régulièrement les cires car elles concentrent les résidus,
  • Les vieilles cires contaminées ne doivent pas être transformées en cire gaufrée,
  • Privilégier la cire d’opercule/bâtisse naturelle pour la fabrication de cire gaufrée. Trop souvent, les apiculteurs oublient la capacité des abeilles à produire de la cire. Il faut faire bâtir plus de cire par les abeilles. Les vieux cadres sont recyclés en bougies,
  • Cibler les sources de cire gaufrée fiable. Il y a besoin d’un numéro de lot et certificat correspondant, d’informations et de garanties sur les résultats d’analyse. Conserver des échantillons témoins en cas de problème,
  • Utiliser de préférence les acides organiques hydrosolubles et les huiles essentielles volatiles dans la lutte contre le varroa,

Dans l’ensemble, il se veut encourageant et constate

  • l’amélioration des pratiques des apiculteurs liée à la diffusion de préconisations de bonnes pratiques,
  • l’amélioration de la qualité des cires,
  • des difficultés vis-à-vis de certains pesticides agricoles (notamment en colza) qui torpillent ces efforts mais des solutions techniques alternatives existent.

Dans ce contexte, l’objectif d’un miel dépourvu de résidus apparaît possible.

Retrouvez l’intégralité de l’intervention du Dr Klaus Wallner (traduction simultanée en français) sur la chaîne Youtube de la FNAB :

Article rédigé par Christophe Ringeisen, Opaba