Expérimentation variétale – ABN veille au grain

Publié le : 4 octobre 2018

Dès sa création en 1992, le GRAB HN, devenu Association Bio Normandie, s’est investi dans la création de références pour aider les agriculteurs bio de la région, alors peu nombreux, à améliorer leurs performances techniques et ainsi leurs résultats économiques.

Ce travail a été mené en collaboration avec la coopérative Biocer, qui commençait alors elle aussi son activité.

Au fil des ans, ABN a pu améliorer la qualité de ce référencement, à la fois grâce à la professionnalisation des techniciens, mais surtout grâce aux partenariats mis en place avec les acteurs nationaux de l’expérimentation variétale en agriculture biologique : ITAB et Arvalis d’abord, puis avec l’INRA de Rennes et d’autres obtenteurs privés de plus en plus intéressés par leur développement en AB.

C’est ainsi que l’expertise technique d’ABN a été reconnue et qu’elle est aujourd’hui un acteur essentiel de l’amélioration variétale du blé tendre d’hiver en France.

Semer des graines et récolter du lien

Lors de ces essais, on ne récolte pas que des références techniques. Les plateformes expérimentales sont aussi le terrain de rencontres entre les différentes instances qui, au niveau régional ainsi que national, œuvrent au développement de l’offre variétale en céréales en Agriculture Biologique. Tout au long de la saison, agriculteurs biologiques, conventionnels et en conversion, obtenteurs et multiplicateurs de semences, techniciens de différentes structures, professeurs et élèves de formation agricole, se croisent dans les allées des essais, échangent et enrichissent le travail d’année en année avec leur contribution professionnelle et humaine.

Expérimentation d’ABN sur le territoire normand

Après avoir contribué à l’inscription des premières variétés bio (Hendrix et Skerzzo) au catalogue officiel des semences, l’action d’ABN se poursuit sous plusieurs formes :

  • participation au réseau de criblage national de l’ITAB, permettant ainsi de tester sur le territoire normand de nouvelles variétés et ainsi vérifier leur adaptabilité à la conduite bio dans les conditions pédoclimatiques locales ;
  • participation au réseau des essais VATE (Valeur Agronomique Technologique et Environnementale) du CTPS (Comité Technique Permanent de la Sélection) en collaboration avec le GEVES (Groupe d’Etude et de contrôle des Variétés Et des Semences) pour l’évaluation des nouvelles variétés de blé biologique qui souhaiteraient être inscrites dans le catalogue officiel des semences ;
  • mise à disposition de la coopérative Biocer pour soutenir la volonté de développement de cette dernière et l’aider à rester toujours à la pointe de l’innovation avec une offre variétale innovante et adaptée à tous les besoins de ses adhérents (polyculteurs, éleveurs, paysans boulangers).

120 variétés de blé sur 480 micro-parcelles

Depuis 14 ans la plateforme d’essai en micro-parcelles ne cesse de s’agrandir.

Pour la campagne 2018, 120 variétés de blé ont été semées, pour un total de 480 micro-parcelles.

Des test micro puis macro

Afin d’étoffer les résultats des tests, le travail en micro-parcelles, mené dans le sud de l’Eure, est ensuite déployé dans le cadre d’une expérimentation en macro-parcelles. Les variétés de blé les plus prometteuses sont alors testées en conditions réelles et les essais sont conduits directement par des agriculteurs en Seine-Maritime, dans des conditions pédoclimatiques complètement différentes de celles du sud de l’Eure

Également pour enrichir l’étude, chaque année, en fonction du renouvellement de l’offre variétale et toujours dans le cadre du réseau de criblage de l’ITAB, d’autres céréales sont testées. Cette année c’était au tour de l’épeautre et du triticale.

Synthèse des essais normands - 2017-2018

En 2018, 3 agriculteurs ont participé à l’expérimentation :

  • Yves VANHOECKE, polyculture dans l’’Eure
  • Edgar DUMORTIER, polyculture éleveur laitier en Seine-Maritime
  • Patrice DUHAMEL, polyculture éleveur au lycée agricole de Gouville, Eure

L’ intégralité des données et analyses des résultats des essais, dont ceux sur le triticale et l’épeautre, est disponible dans la synthèse des essais, disponible sur demande auprès de mmoretti[at]bio-normandie.org

 

Agriculture bio : quelles variétés de céréales choisir en AB ? Une synthèse nationale

Comparaison de variétés de céréales en AB

Ces documents de synthèse aident à choisir ou recommander les variétés de blé tendre d’hiver, de triticale, d’épeautre et de seigle adaptées à une conduite en AB. Issus de nombreux essais situés en France et en Belgique, les résultats de la récolte 2018 sont regroupés et présentés par grande zone géographique, suivis de synthèses pluriannuelles. Un memento des variétés de blé tendre disponibles en AB complète l’ensemble.

Animé par l’ITAB depuis les années 2000, le réseau de criblage variétal rassemble de nombreux partenaires -expérimentateurs, obtenteurs, distributeurs, institutions…- qui souhaitent collaborer pour évaluer des variétés de céréales à paille en AB. Les synthèses sont réalisées par l’ITAB et ARVALIS – Institut du végétal.

Le téléchargement de ces synthèses est gratuit et disponible sur le site de l’ITAB.

Essai micro-parcelles BIOCER

Les variétés connues gardent plus ou moins leur positionnement habituel dans le graphique rendement qualité, à l’exception de la variété ADESSO, qui connait cette année une performance inhabituelle avec un rendement et une qualité supérieure à TITLIS.

On observe aussi de très bons résultats pour RENAN, avec un rendement supérieur à la normale sans perte de qualité. En revanche, la variété KAMPERANN est décevante, avec un rendement très inférieur à celui de l’an dernier.

Parmi les nouveautés, nous retenons en blé de qualité la variété LISKAMM (Saatbau), comparable à TOBIAS avec un meilleur profil maladie, ainsi que SZD 7919 (Saatbau) qui allie un bon taux de protéines avec un très bon rendement. Parmi les blés à vocation productive, il convient de signaler TOSCA (Semences de l’Est) qui est de haute taille, et COMPLICE, plus court et très faible en protéines.

Essai micro-parcelles ITAB

Les résultats de l’essai ITAB montrent une position des variétés plus atypique. ATTLASS n’est pas à sa place habituelle et affiche un rendement largement inférieur à son potentiel et est détrônée par RUBISKO et la nouveauté FILON (Florimond Deprez).

La variété GRAZIARO réaffirme qu’elle est à la fois productive et de qualité. Malheureusement EDELMANN ne confirme pas son potentiel de productivité de l’an dernier, même si elle garde une très bonne position, avec un rendement dans la moyenne et un taux de protéines parmi les plus élevés. A noter, ENERGO et ALESSIO montrent cette année une qualité supérieure à celle qu’on observe d’habitude.

Parmi les nouveautés à signaler, la variété ARMINIUS (Agri Obtentions) affiche un taux de protéines de 15% et un rendement à peine inférieur à la moyenne de l’essai.

Essai macro-parcelles blé

La moyenne du rendement de l’essai est très élevée pour l’année, avec un taux de protéine convenable. Le comportement des variétés sur une ferme en polyculture élevage sur des limons profonds en bordure de mer n’est pas le même que celui que observé dans le sud de l’Eure, d’où l’intérêt de multiplier les lieux d’expérimentations.

On peut remarquer deux groupes distincts : les blés productifs (ATTLASS et LENNOX, mais aussi EDELMANN qui, dans des sols moins fertiles, privilégie la qualité au rendement), et les blés de qualité (TITLIS, TENGRI, TOBIAS et RENAN). La variété GRAZIARO, qui a eu une performance exceptionnelle en micro-parcelles, est complétement versée chez Edgard Dumortier, d’où ses résultats décevants en qualité et rendement par rapport aux autres variétés.

« Poussé par la dynamique de l’association ABN et de la coopérative Biocer, je participe à l’expérimentation depuis presque 20 ans : en macro-parcelles depuis 2000 et en micro-parcelles depuis 2011.

Ce que je retiens de cette expérience, c’est qu’après avoir longtemps travaillé avec les mêmes variétés, grâce à notre travail, nous avons aujourd’hui grandement enrichi le catalogue de BIOCER. Nos travaux sont désormais reconnus par les semenciers et les structures de développement et nous sommes capables de fournir une offre diversifiée répondant le plus précisément possible aux besoins, tous très différents, des producteurs bio.

Nous pouvons être fiers, et nos travaux ne s’arrêtent pas là. Pour le futur, le principal défi qui nous attend est de continuer à chercher et avoir un temps d’avance pour toujours nous distinguer de la production de masse. »

Yves Vanhoecke, polyculteur bio dans l’Eure (27)

Article rédigé par Maddalena Moretti, technicienne expérimentation grandes cultures à l’Association Bio Normandie, et initialement paru dans « Le magazine des acteurs de la bio en Normandie » de l’automne 2018