Diversification, travail du sol et couverts végétaux : retour sur un voyage d’étude dans le Gers

Publié le : 21 mai 2019

Visite d’une parcelle de céréales agroforestière, semée en direct

Après deux années de travail avec le groupe DEPHY animé par le GAB 85, un voyage d’étude a été organisé en janvier dernier, dans le Gers (32), avec l’appui du GABB 32. L’objectif était de visiter d’autres fermes, d’autres systèmes, et d’échanger avec d’autres agriculteur.rice.s pour affiner les réflexions menées au sein du groupe : conduite des cultures en bio, dans un contexte climatique encore plus contraint par l’eau, simplification du travail du sol, diversification des cultures en bio, couverts végétaux d’intérêts en rotations céréalières.

Le département du Gers est quasi en totalité en zone vulnérable nitrates. Les agriculteur.rice.s doivent donc s’adapter et améliorer leurs pratiques pour réduire l’impact des intrants sur la qualité de l’eau. Néanmoins, 50% des terres sont sous dérogation « sols argileux » ou en « zone de protection des Palombes » … les sols sont donc souvent à nu l’hiver. Hors de question pour les agriculteurs bio rencontrés, voici un résumé de leurs pratiques découvertes à l’occasion de 3 visites de fermes.

Le choix d’une faible mécanisation

La première rencontre s’est déroulée chez un polyculteur-éleveur (VA et veaux de lait en conventionnel, terres en bio), installé en individuel depuis 2001, et passé en bio en 2009. L’accent a été mis sur ses 100 ha en grandes cultures bio.

Du fait d’une charge de travail importante, cet agriculteur a dû optimiser ses travaux. Il a d’abord fait le choix de recourir à l’entreprise pour les travaux de semis et de moissons ; lui s’occupe de la préparation des sols et du désherbage mécanique. Il a fait le choix d’une très faible mécanisation : un seul tracteur à puissance adaptée à tous les travaux (1200 h / an, renouvelé tous les 3 ans), un déchaumeur à disques et une griffe. Les autres outils utilisés sont en CUMA et/ou en co-propriété avec 3 fermes voisines. Beaucoup de chantiers sont réalisés en collectif avec ces fermes voisines, telle que la fenaison : 4 jours de suite pour 4 fermes, de la fauche au rangement des bottes dans le champ. Enfin, cet agriculteur a fait le choix du semoir direct pour les méteils et les sur-semis des légumineuses pures, prairies et luzernes, et d’un semoir en combiné (avec herse rotative) pour le semis simplifié des autres cultures (voir schéma de l’assolement 2018-2019 ci-contre).

La réflexion qui a émané du groupe suite à cette première visite est la sur-mécanisation des fermes d’aujourd’hui, « on pourrait sans doute faire aussi bien avec moins de puissance ? ». A réfléchir…

Vers l’autonomie alimentaire totale

La deuxième rencontre s’est réalisée chez un éleveur caprin laitier fromager. L’objectif premier de cette ferme est l’autonomie alimentaire totale, et elle y est presque ! Un travail approfondi est réalisé par l’éleveur sur les prairies multi-espèces et sur les couverts végétaux à pâturer. Les prairies temporaires sont composées de 14 espèces différentes. Cette richesse et cette diversification permettent d’obtenir une prairie robuste aux aléas (stress hydriques notamment), pérenne sur l’année, adaptée à la fauche et à la pâture, et appétente pour les animaux. Un travail est d’ailleurs mené avec le GABB 32 à ce sujet (voir plus bas – outil Cap’flore).

Beaucoup d’essais sur les couverts végétaux sont menés. Actuellement, l’éleveur en sème de plusieurs types :

  • Millet – trèfle d’Alexandrie : pousse rapide, possible de faire pâturer tôt dans la saison,
  • Vesce – avoine : idem, pousse rapide, possible de faire pâturer tôt dans la saison,
  • Luzerne – sainfoin – dactyle : mélange très résistant pour pâture estivale,
  • Sorgho fourrager : à pâturer l’été, il faut attendre 80 cm de hauteur donc un peu long.

Dans le Gers comme en Vendée, les sécheresses estivales impactent les élevages pâturants ; ce travail sur les couverts végétaux devra continuer à être mené pour que les animaux puissent manger de l’herbe le plus possible durant l’année.

Une ferme bio 100% sans labour

La troisième rencontre s’est déroulée chez un polyculteur-éleveur bio, en bovins viande et ovins viande. Cette ferme est 100% sans labour.

L’itinéraire technique d’une parcelle de culture d’automne « type » est le suivant :

Déchaumeur pattes d’oies > Semis à la volée au DP12 (répartition plus homogène qu’un Delimbe) > Déchaumeur Lemken (pour recouvrir la graine) > Rouleau Packer > Moisson.

Cet agriculteur fait aussi de l’agroforesterie. Il a planté 50 arbres par hectare avec des essences locales pour du bois d’œuvre. Pour la plantation des arbres, il a préparé le sol comme pour un blé, et mis de la fétuque entre les lignes, qu’il broie à l’épareuse une fois tous les 2 ans ; celui lui sert de refuge à auxiliaires.

La ferme est totalement autonome, autant sur l’alimentation des animaux que sur les semences. Pour faire ses semences, cet agriculteur utilise un trieur qui souffle le grain en fonction du poids de chaque graine. Cette technique permet d’être plus précis qu’un trieur de grande capacité (comme le fixe de la CUMA Bio Bocage du Boupère). De plus, ce trieur, de faible capacité, pourrait être transporté d’une ferme à l’autre. Une idée qui a germé dans la tête des vendéens présents, toujours à la recherche de l’autonomie la plus complète possible.

Zoom sur deux outils : MERCI et Cap’FLORE

Deux outils sont travaillés par les groupes du GABB 32 depuis quelques années.

L’outil MERCI : Méthode d’Estimation et Restitutions par les Cultures Intermédiaires

L’objectif de cet outil est de déterminer la quantité de biomasse faite par le couvert végétal (en tonnes de matière sèche/ha) et la restitution en éléments minéraux (N, P, K) pour le sol qui peut être espérée. La méthode commence par le repérage d’une parcelle type de couvert végétal, puis 3 placettes de 1 m² sont choisies. Toutes les espèces sont pesées, triées et repesées par espèces. Les valeurs sont ensuite inscrites dans un tableur qui fournit une valeur indicative de la restitution potentielle à la culture suivante. La dynamique de restitution des éléments minéraux dépend : des caractéristiques du couvert (pris en compte avec MERCI), mais aussi du climat de l’année (t°, humidité), du type de sol et du mode de restitution du couvert (labour, déchaumage profond, déchaumage superficiel, semis direct).

L’outil Cap’flore : Outil agroécologique d’aide à la conception de prairie à flore variée

Cet outil, accessible sur internet, permet de préconiser des mélanges d’espèces fourragères en fonction des conditions pédoclimatiques de la parcelle à semer et de la valeur d’usage souhaitée par l’utilisateur (fauche, pâturage, mixte). Une trentaine d’espèces ont été achetés pour le groupe du GAB 32, labellisé GIEE, pour faire des essais sur 30-40 ha par an.

Les suivis réguliers des prairies à flore variée réalisés par l’animateur permettent de capitaliser sur le niveau d’adaptabilité de telle ou telle espèce sur le territoire, et sur sa propre ferme. Ce groupe se réunit régulièrement pour comparer les résultats et ainsi progresser pour toujours avoir une herbe de qualité et en quantité suffisante.

Exemple d’une prairie multi-espèces : 2 kg RGH, 2.5 kg RGA (diplo et tétra), 1 kg trèfle blanc nain, luzerne, dactyle, fétuque, sainfoin, plantain,…

Article rédigé par Manon RUFFY (GAB 85) et les agriculteurs du groupe DEPHY du GAB 85