De nombreux leviers d’actions à l’implantation des céréales d’automne

Publié le : 15 septembre 2018

Le mois d’octobre approchant, la préparation des semis de céréales s’annonce. Si les passages de glyphosate ou d’herbicides pré/post levée sont encore majoritaires en France, il existe plusieurs leviers d’actions pour limiter leur utilisation et donc leurs présences dans les masses d’eau. Deux paysans bio nous livrent ce mois-ci leurs expériences sur la technique des faux-semis.

La technique du faux semis consiste à travailler le sol pour provoquer la germination des graines d’adventices. Celles-ci seront détruites ensuite par un second passage, le semis ou un second faux semis. Il s’agit donc bien d’un déstockage, c’est à dire de diminuer le stock de semences d’adventices du sol.

Attention cependant : le stock total du sol est considérable et quasi-illimité à l’échelle de l’agriculteur. Si après le faux semis, on travaille plus profond, on remonte des graines enfouies et même si l’on a détruit certaines adventices levées, les nouvelles remontées germeront en même temps que la culture et l’objectif de nettoyage du lit de semence ne sera pas atteint. L’erreur, difficile à éviter, est de travailler trop profond avec la herse rotative en combiné du semoir, notamment pour effacer les traces de roues du tracteur.

En résumé, le faux semis est un déstockage superficiel des graines d’adventices et nécessite de travailler de moins en moins profond.

L’idéal est d’actionner ce levier en combinaison avec un décalage de date de semis, une partie des adventices levant avec la culture seront détruites au moment de leurs levées préférentielles.

Les premiers passages plus profonds peuvent aussi permettre de lutter contre les vivaces si l’on équipe l’outil de manière adéquat (dents droites et socs plats pour remonter les rhizomes).

La façon LIP

Joseph Pousset, est agriculteur-agronome et expérimente depuis plus de trente ans sur sa ferme de l’Orne. Il préconise une technique dite « façons Légères, Inversées et Progressives : LIP ». C’est une manière de travailler le sol sur un temps réduit (3 à 6 semaines) avec pour but de maximiser les avantages du travail du sol tout en minimisant les inconvénients. Chaque passage a pour but d’aérer le sol pour les microorganismes, de déstocker des graines adventices, d’arracher les vivaces et de préparer le lit de semences. Elle est légère car elle travaille à faible profondeur sur un temps réduit (3 à 6 semaines). Elle est inversée car on commence par la surface puis la profondeur. Elle est progressive car on descend, par exemple 5cm puis 10cm puis 15cm. Après ce passage, comme pour le faux semis présenté plus haut, il est important de travailler superficiellement pour ne pas remonter de nouvelles graines.

Le témoignage de Didier Brault, producteur bio à Noyen-sur-Sarthe (72)

Didier est membre du groupe Ecophyto Dephy du Civam Bio 53.

La ferme en chiffres : 165 ha de SAU, Installé en 1990, en bio depuis 2001. Limons argileux hétérogènes répartis en : 40% limon humide, 30% argilo-calcaires séchant, 20% limon battant, 10% limons profonds humides.

« Les blés arrivent logiquement dans la rotation après les féveroles. Je réalise alors un premier déchaumage une semaine après la moisson si possible, les féveroles repoussent et j’ai pu observer grâce à un essai en 2014 que cela peut être aussi bénéfique qu’un couvert semé, je les laisse ainsi jusque mi-octobre. A ce moment, je fauche ou je mulch avec le compil. Puis, à la fin de la première semaine de novembre, je laboure ou je déchaume à nouveau si ce n’est pas assez décomposé. Je sème ensuite à 170kg/ha, c’est un peu plus que mes voisins conventionnels, l’objectif est d’assurer la couverture du sol.

A mes débuts en bio, je mettais 200kg mais je pense que je devrais baisser encore. Le rendement de paille de cette année est l’un des meilleurs depuis mon installation, il est supérieur à certains voisins conventionnels. Je pense pouvoir diminuer la densité notamment du fait de mes apports de fientes de volailles. Une partie est mise sur les repousses détruites et l’autre sortie hiver. Concernant les variétés, je pratique le mélange : 5 rustiques préconisées. J’en choisis une à fort rendement, une autre pour la protéine, une pour les maladies et le tallage, etc. Ensuite, suivant les conditions météo et la structure du sol, je passe la herse-étrille, la houe rotative ou la bineuse.

Globalement, ce que je peux dire c’est que les engrais verts sont importants pour une bonne structure, cela évite à la fois les mauvaises repousses et le sur-passage des outils (faux semis) et donc une économie du temps de travail et de  carburant. Le raisonnement me parait bon mais il faut reconnaitre qu’un été comme 2016 n’est pas favorable au développement des engrais verts, il n’y a pas une seule recette et il faut garder des options de rechange ! »

Article rédigé par Thomas Queuniet du Civam bio 53