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Dans 1m² de sol, on peut retrouver entre 2 000 et 4 000 graines. Certaines se conservent 80 ans ou plus. Il y a donc une quantité importante de semences d’adventices dans les champs, prêtes à germer. Cependant, la plupart des graines possèdent une « dormance », c’est un phénomène physiologique qui empêche la germination tant que les conditions ne sont pas réunies pour un bon développement de la plante. Par exemple, la graine d’une plante avec un fort besoin en eau restera en « dormance » tant qu’elle ne se situe pas dans un endroit humide. Il en va de même avec les plantes préférant l’ombre, la lumière, les fortes ou faibles présences de matières organiques, etc. On peut donc faire l’hypothèse qu’il y aura toujours des adventices à germer (stock important) et que celles qui germent nous indiquent l’état du milieu : physique (compacté, aéré), chimique (présence faibles, moyenne ou forte de différents éléments) hydrique, etc. Voilà la « théorie » de base des plantes bio-indicatrices.
L’intérêt de cette méthode est donc de pouvoir connaître le milieu (état du sol notamment) en observant la flore adventice spontanée. C’est un outil de diagnostic gratuit et accessible pour le producteur, qui renforce donc son autonomie de décision et d’intervention sur les cultures.
Cela demande cependant deux types de connaissances :
Pour ce dernier point, des agronomes ont défini des tableaux reliant les adventices à des caractéristiques sur leurs conditions de levée de dormance. Attention, les plantes dont on a apporté les semences ne doivent pas être prises en compte ni celles à multiplication végétative. Ces dernières peuvent en effet provenir d’une graine qui a germé loin de là et les indications que la levée de dormance nous apporte ne concernent donc pas le lieu où l’on observe la plante.
Autre point de vigilance : une plante n’indique que les conditions de son environnement immédiat. Une plante isolée est donc un moins bon indicateur qu’une plante largement répartie dans le champ.
Jean-Pierre Scherer, formateur à la MFR de Chauvigny (79) a élaboré une méthode (présentée ci-après) qui s’inspire notamment de « Promonature », la référence sur ce sujet. Son approche et celle de Promonature se contredisent sur certains points et sont toujours en évolution. L’idée est donc de s’en servir comme « indices » et non comme certitudes. Comme dans une enquête criminelle : 1 plante = 1 indice, puis un faisceau d’indice forme une hypothèse sur l’état du milieu. Il est important d’avoir une vision globale et toujours utile de vérifier cette hypothèse par une observation directe du sol. La répétition est aussi importante pour « se faire l’œil ».
Il existe 3 grandes familles d’indices concernant : le comportement abiotique (physique, hydrique et thermique), le comportement biologique et le comportement chimique du milieu.
Il s’agit d’indications sur des sols à tendance de structure fragile ou solide, tendance à la compaction ou pas. Certaines plantes peuvent en effet pointer une structure du sol tassé : il y aura alors une asphyxie des racines.
Attention : une asphyxie racinaire peut également apparaître dans un sol engorgé en eau mais qui peut être bien structuré, aéré, d’où la difficulté parfois de tirer des conclusions. La prudence et la mesure sont donc de mise.
Cette famille comprend aussi les indications sur les sols peu profonds ou la faible capacité du sol à retenir les éléments nutritifs (plantes des sols « pauvres »), le fort contraste hydrique (grande variation du niveau d’eau, vite engorgée et en même temps vite desséché) ou les faibles réserves utiles.
Ces indications peuvent informer sur la présence, l’absence ou l’excès de matière organique stable. Ceci peut avoir plusieurs causes. Par exemple, les plantes de la famille des Rosacées, dont la ronce, peuvent indiquer des humus forestiers et stables. Cette famille d’indications peut aussi concerner une bonne – ou mauvaise – activité biologique. Ceci peut-être relié à l’acidité, aux pesticides, au froid, etc. La dominance en matière organique fugitive et le bon équilibre sont aussi contenu dans ce groupe.
Ce dernier groupe d’indications concerne les propriétés chimiques : acidité, alcalinité, basicité, blocage minéraux (présents mais inaccessibles aux plantes = carence induite), carences vraies en minéraux (absents du milieu). Ces deux types de carences sont importants à différencier. En effet, si l’élément carencé est absent, il faut soit l’apporter ou faire sans. S’il est présent mais indisponible, l’apport n’a aucun effet (si ce n’est des dépenses…). Dans ce cas là, les plantes qui peuvent récupérer un élément « bloqué » chimiquement (à cause de l’aluminium par exemple), nous indiquent sa présence. On sait alors, qu’il faut lever se blocage chimique et non l’apporter. Là encore les subtilités existent, notamment les liens entre le pH, le calcaire et les bases, c’est de la chimie. Ce groupe comprend aussi les indications concernant la richesse en nitrates (excès de fumure, parcelles conventionnelles recevant de l’ammonitrate, etc.)
La méthode consiste à :
Exemple : une plante A est très présente, on lui attribue la note 5. D’après les tableaux de correspondance, on sait qu’elle peut indiquer un tassement et peu de matière organique. La plante B est présente mais rare, on lui donne 1, et elle peut indiquer une hydromorphie et la présence d’humus stable. On se retrouve donc avec le tableau suivant :
Indication
Espèce |
Compaction | Hydromorphie | Humus stable | Bonne activité biologique | Pauvre en MO | acidité | Blocages minéraux | nitratophile |
Plante A | 5 | 5 | ||||||
Plante B | 1 | 1 | ||||||
Plante C | 3 | 3 | ||||||
TOTAL | 8 | 1 | 1 | 5 | 0 | 0 | 3 | 0 |
C’est bien le total qui montre une hypothèse : le sol est compacté. Les indications de la plante B ne sont pas confirmées par d’autres plantes. C’est du relatif, on voit quelles indications ressort. Attention, il faut que se soit la même personne qui note les plantes (même biais : celui qui note généreusement, ou l’inverse). Comme chaque plante = 1 indice, il peut y avoir des plantes donnant des indications contradictoires. C’est là que la fréquence de recouvrement (une espèce explose dans le champ) va jouer. On compare l’ensemble de la flore spontanée. Si une plante peu présente sur la parcelle indique un tassement et 15 plantes très présentes indiquent un sol aéré, le faisceau d’indice pointe plutôt l’aération. Il est normal et fréquent qu’il y ait des contradictions de ce genre dues aux aléas des milieux vivants.
Beaucoup de plantes donnent plusieurs informations, par exemple le pissenlit avec sa racine pivotante peut indiquer un sol compacté mais aussi une présence de bases chimiques (fer, sodium, magnésium, potassium, etc.). Ceci dépend de sa répartition dans la parcelle. S’il y en a énormément, cela indique plutôt le tassement, s’il y en a un peu et de manière homogène, il indique plus un sol « riche ».
Cette méthode a ses intérêts et ses limites et des contradictions avec la méthode de Promonature. A chacun de se faire une opinion. L’intérêt pour le producteur est aussi et surtout de prendre l’habitude d’observer davantage pour mieux comprendre le fonctionnement des sols et des parcelles. L’objectif est d’avoir un indicateur gratuit qui donne de l’autonomie sur les choix pour piloter les cultures : assolement, travail du sol, fumure, chaulage, etc.
Conseil lecture : Un petit ouvrage peu onéreux pour commencer, il s’agit d’un tableau de synthèse des indications que donnent les plantes. : « Conditions de levée de dormance des principales plantes bio-indicatrices », Gérard Ducerf, Editions Promonature.
Article rédigé par Thomas Queuniet du Civam bio 53, d’après l’intervention de Jean-Pierre Scherer (MFR Chauvigny) en Mayenne et les ouvrages de Promonature (www.promonature.com).
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