Couverts végétaux : implanter des cultures dans un couvert

Publié le : 20 septembre 2019

En maraîchage biologique, l’implantation de cultures dans des couverts intéresse de nombreux maraîchers qui souhaitent réduire les opérations de travail du sol. La fertilité des sols est un des piliers des systèmes de production et une fréquence trop élevée des opérations mécaniques réalisées sur le sol risque d’affecter cette fertilité.

Implanter des cultures dans des couverts est une technique agro-écologique qui présente de nombreux intérêts
environnementaux. Elle s’insère dans l’agriculture de conservation sans glyphosate et sans paillage plastique, elle a pour objectif de diminuer l’émission de gaz à effet de serre (avec moins de travaux mécaniques énergivores) et d’augmenter la biodiversité dans les exploitations agricoles. Pour accompagner les maraîchers sur ce sujet en région Nouvelle-Aquitaine, trois essais ont été mis en place.

Le 1er objectif est d’acquérir des références techniques sur :

  • le couvert végétal (choix des espèces, densité, implantation et destruction),
  • les outils adaptés à cette technique (implantation du couvert et de la culture, destruction du couvert),
  • l’itinéraire cultural (maîtrise de l’enherbement, du rendement et de la qualité des légumes, choix des variétés adaptées).

Le 2ème objectif est de mesurer les effets sur le long terme :

  • fertilité des sols et évolution de la flore adventice,
  • estimation des conséquences économiques (marge brute, investissements nécessaires…) et sociales (charge de travail…) pour les exploitations.

Maîtriser le couvert végétal

Le couvert végétal doit avoir trois propriétés :

  • rester couché au roulage,
  • être suffisamment dense pour occulter le sol (paillage contre les adventices),
  • et ne pas se dégrader trop rapidement (rester en place jusqu’à ce que la nouvelle culture occulte le sol).

Graphe 1

En deux ans, huit couverts ont été testés. Les principaux enseignements sont :

  • le seigle est une graminée qui a un très bon comportement au roulage, s’il est roulé au stade laiteux ou pâteux,
  • la féverole présente un bon comportement au roulage quel que soit son stade (tige creuse),
  • la vesce doit être roulée à la formation des gousses, sinon elle se relève,
  • la biomasse fraîche doit être supérieure à 30 t/ha et la matière sèche autour de 10 t/ha (graphe 1),
  • le couvert doit être composé d’un mélange de graminées et de légumineuses. En effet, quelle que soit la densité de semis du seigle (90 kg/ha, 120 kg/ha, 150 kg/ha), le couvert n’est pas assez dense pour occulter le sol.

Aujourd’hui, les meilleurs résultats sont issus du mélange vesce (30 kg/ha) / seigle (90 kg/ha) et du mélange féverole (100 kg/ha) / seigle (90 kg/ha). La biomasse fraîche des couverts étant semblable (autour de 40 t/ha). La vesce présente un meilleur comportement de recouvrement que la féverole permettant ainsi de mieux gérer les futures adventices, mais elle doit être roulée plus tardivement ce qui peut avoir un impact sur le rendement de la culture suivante.

Création et adaptation d’outils

En dehors du premier semis du couvert qui peut se réaliser classiquement, trois outils sont nécessaires pour mener à bien l’implantation d’une culture dans un couvert :

  • le rouleau type « faca »,
  • une planteuse adaptée pour un couvert,
  • et un semoir type « strip-till ».

Pour les maraîchers ne possédant pas ces outils, l’autoconstruction, en partenariat avec l’Atelier Paysan, reste le moyen le plus abordable pour les acquérir.

  • Rouleau de type « faca »

    Fabrication du rouleau de type « faca » : la ferme du Roy (16) et l’exploitation du lycée (17) ont pris pour base un rouleau plat sur lequel ils ont soudé des fers (les formations adultes du CFFPA du lycée du Petit Chadignac ont construit ce rouleau durant leur formation). Le troisième site, la ferme de Légumes&Co (79), voulait un outil plus léger et plus facile à construire. Le rouleau cage fut donc pris comme base avec ajout de masses. Après une année d’essai pour augmenter son efficacité des tiges de métal ont été soudées sur le rouleau cage permettant ainsi de bien « pincer » l’ensemble du couvert.

  • Adaptation de la planteuse SUPER PREFER (Légumes&Co) : l’ajout d’un disque devant le socle a permis de couper le couvert et de planter sans que le socle ouvreur n’emporte le couvert, empêchant ainsi le bourrage de la planteuse. Une nouvelle modification de la planteuse devra être trouvée pour permettre la fermeture des rangs insuffisante actuellement.
  • L’outil de type « semoir strip-till » permettant de semer aussi bien la culture de légumes dans le couvert roulé que le nouveau couvert dans les résidus du couvert précédent fera l’objet des prochaines années d’études. Une vidéo de ces différents outils en fonctionnement est disponible sur www.acpel.fr.

Faisabilité de l’implantation d’une culture dans un couvert roulé

Le choix des cultures implantées est imposé par la rotation du producteur, car les essais sont effectués sur la même parcelle chaque année. Les cultures plantées ont été préférées les premières années.

L’objectif de cette première année était de vérifier la faisabilité de l’implantation d’une culture dans un couvert roulé. Nous ne sommes donc pas intervenus entre la plantation des courges dans le couvert et la récolte de ces dernières. Le comportement variétal des courges a été très différencié ; certaines variétés semblent peu adaptées. Lors de la récolte des courges, on a montré que :

  • Longue de Nice est la variété qui se développe le mieux sur le couvert roulé (rendement non significativement différent du témoin).
  • Fictor est une variété non adaptée à l’implantation directe sur le couvert roulé (sans autre intervention).
  • Spaghetti et Buternutt sont intermédiaires, le nombre moyen de courges récoltées par pied étant significativement inférieur à la pratique producteur (graphe 2).

    Graphe 2

En revanche sur l’ensemble du cycle cultural, la culture implantée dans le couvert roulé a constamment été plus en retard de cycle par rapport à la pratique producteur. Quatre facteurs peuvent l’expliquer :

  • la nécessité d’attendre le bon stade pour rouler le couvert peut retarder la date de plantation,
  • un moindre réchauffement du sol avec un couvert roulé en comparaison d’un sol travaillé classiquement,
  • la gestion non maîtrisée de l’enherbement (voulu pour cette première année) a concurrencé la culture et a retardé la maturation des courges (ensoleillement moins direct),
  • la « faim d’azote » due à la dégradation du couvert.

Optimiser l’implantation du céleri dans le couvert roulé

L’objectif de la deuxième année d’expérimentation était d’intervenir sur l’itinéraire cultural de la culture de céleri implantée dans le couvert roulé pour optimiser la technique. Pour permettre une meilleure implantation de la culture de céleris dans le couvert roulé, un apport de 30 unités d’azote d’un engrais starter (AB’FLOR® 13N) a été ajouté au moment de la plantation. Lors de la notation 4 mois après plantation, on note que les céleris plantés dans le couvert ayant reçu un engrais starter sont significativement plus vigoureux et plus lourds que ceux qui n’en ont pas reçu « faim d’azote » (photo).

Ceci s’explique par la dégradation du couvert pailleux qui provoque une forte augmentation de l’activité métabolique. Comme la minéralisation de 100 g de carbone crée une demande d’environ 4 g d’azote, les microorganismes peuvent rapidement consommer l’azote disponible dans le milieu, créant une pénurie d’azote pour les céleris. Dans les prochaines années, cette problématique devrait s’atténuer car la minéralisation de la matière organique des années précédentes devrait augmenter la disponibilité en azote dans le sol.

Pour gérer l’enherbement après plantation, un désherbage manuel suivi d’un paillage sur le rang a été effectué un mois après plantation. Ce seul désherbage (3,5 heures pour 1 000 m²) a permis de maintenir la culture de céleri propre.

En revanche, un problème majeur est apparu sous le couvert : des rongeurs ont pénalisé le développement des
céleris et ont fini par endommager fortement la récolte.

Des références techniques encore à acquérir

Les premières difficultés liées à la technique d’implantation d’une culture dans un couvert roulé ont été surmontées (vigueur, désherbage, rouleau faca) mais des problématiques restent à résoudre (rongeurs, semoir strip-till). De nombreuses références techniques restent à acquérir notamment sur les espèces et les variétés de légumes que l’on va ensuite implanter.
Le second objectif ne peut être développé à ce stade de l’expérimentation. Le processus d’évolution du sol (fertilité…) est un processus lent dont les effets ne peuvent se mesurer avant 5 ou 6 ans d’essais. Quant à l’estimation économique, elle ne pourra être validée que lorsque la technique d’implantation dans le couvert sera maîtrisée.

 

Article rédigé par Samuel MENARD, Technicien d’Expérimentation à l’ACPEL

Article initialement paru dans le numéro 7 de la revue ProFil Bio (juin 2019)

Crédit photos ACPEL