Couverts végétaux en PPAM bio, un laboratoire à ciel ouvert

Publié le : 24 septembre 2018

Dans le cadre de la mutualisation des savoirs et savoir-faire paysans entre les différents bassins de productions de plantes à parfum, aromatiques et médicinales, un coup de projecteur sur la pratique des couverts végétaux en PPAM bio, source d’inspiration pour l’expérimentation.

Lionel Petigas, producteur en Vendée

Couvert de trèfle blanc nain (85) – AVANT et APRES

« Installé en 1988 sur un système grandes cultures et en bio depuis 2011, nous avons crée un atelier PPAM en 2015 avec ma femme sur une surface de 3 500 mètres carrés réunissant 35 espèces. Souhaitant lutter contre les graminées, adventice majeure présente sur ma ferme, je sème un trèfle blanc nain au printemps  à 6kg/ha. J’observe très rapidement l’invasion du trèfle jusqu’à en faire disparaître l’ensemble de la flore spontanée dont les graminées. Pour l’entretien, je réalise une tonte toute les semaines dans l’inter-rang en saison. L’inconvénient majeur de mon système demeure l’invasion du couvert sur le rang et ceci me demande beaucoup d’heures de sarclage mécanique (cultivions) et manuel. Pour cette campagne 2018 et dans l’objectif de trouver une alternative au trèfle blanc nain sur mes cultures annuelles, je souhaite réaliser un essai à base de flore spontanée et de luzerne dans une culture d’hélichryse »

Laurent Bouvin, producteur dans les Alpes-de-Haute-Provence

« Producteur avec ma compagne en polyculture sur le plateau de Valensole depuis 1996, je suis en agriculture biologique sans intrants depuis 2006 et en non-labour depuis 2011. Je cultive environ 40 ha de lavande-lavandin, qui entrent en rotation avec 50 ha de céréales et de sainfoin. Pour de multiples raisons (lutte contre l’érosion due au travail du sol, auto-fertilité, stimulation de la biodiversité, lutte contre le dépérissement, etc.), j’expérimente depuis 2013 des techniques culturales de couverts permanents en inter-rang des lavandes.

Parmi les solutions étudiées, celle consistant à planter les lavandes directement dans un sainfoin âgé de plus d’un an, en strip-till, semble la plus intéressante : après jalonnage préalable, le travail du sol (scalpage sur 90 cm de large et sous-solage à 50 cm de profondeur) n’est effectué que sur la future ligne de plantation (avec 1,80 m entre chaque ligne).

Pour maîtriser le couvert inter-rangs, j’ai auto-construit une bineuse 3 rangs repliable posée sur 4 rolofacas : la « Binofaca ». Les dents de la bineuse et les lames Bathelier articulées viennent scalper les adventices sur 45 cm de chaque côté du rang pendant que le rolofaca écrase le couvert sur une largeur de 90 cm dans l’inter-rang. Il faut 7 à 8 passages la 1ère année pour que la régulation soit efficace, puis 5 à 6 la 2ème et 3eme année. Ensuite 2 à 3 passages annuels suffisent.

Je suis aujourd’hui satisfait de cette méthode qui me permet de maîtriser efficacement le couvert et la propreté du rang. J’ai pu constater les effets positifs attendus : augmentation de la biodiversité (faune et flore), diminution des symptômes de dépérissement, très bonne maitrise de l’érosion. La Binofaca est très économique à l’usage (pas d’outils animés, faible puissance de traction nécessaire, peu d’usure…). Sa conception, sa réalisation et sa mise au point se sont étalées sur 3 années, sans aides.

Quant au sainfoin, il a plusieurs avantages : fertilisation de la plantation par fixation symbiotique de l’azote, résistance aux passages répétés des engins, montaison se contrôlant bien au rolofaca, longévité, enracinement profond, parfaite adaptation à nos conditions pédoclimatiques… Mais les semences coûtent cher et j’essaye donc d’en autoproduire au maximum. J’envisage dans les années à venir de tester d’autres types de couverts légumineux, notamment la luzerne, ainsi que d’adapter sur la Binofaca des outils permettant d’affiner le désherbage sur le rang (doigts Kress, etc.). »

Couvert de sainfoin et Binofaca (04)

Etienne Mabille pour le GAEC Mab’Bio – Drôme

Semis direct sur lavande pour lutter contre le dépérissement

« A Mévouillon, dans le secteur des Hautes Baronnies (montagne sèche, 900 m d’altitude), les semis doivent être fait à l’automne car les parcelles ne sont pas irriguées.

L’essai a été fait sur une prairie temporaire, des bandes de 80 cm ont été travaillées tous les 80 cm et les semis ont été réalisés sur les bandes travaillées. Le mélange de la prairie (mélange ray-grass, fétuque et sainfoin) est connu en termes de développement, il ne va pas envahir la lavande. 2017 est la 2ème année, les lavandes semblent se développer correctement ainsi que le couvert inter-rang.

Le premier avantage de cette technique est la résistance plus forte de la culture contre le dépérissement ; le deuxième avantage est l’économie faite sur l’achat des plants de lavande (entre 1500 à 2000 € par ha). Nous également des semis directs de lavande sans couvert en inter-rang, les plants entrent en production dès la 3ème année. »

Tester les couverts végétaux dans les plantations de lavande

D’autres expérimentations sont menées dans la Drôme pour tester les couverts végétaux dans des plantations de lavandes. Les essais sur des semis de fétuque rouge gazonnante (60%) et ray-grass (40%) à raison de 30 kg/ha. Du trèfle blanc peut être ajouté pour l’apport d’azote dans le mélange. Globalement, les conclusions montrent que si le couvert est trop proche de la lavande, il y a des phénomènes de concurrence, il est alors conseillé d’enherber qu’un tiers de l’inter-rang.

Dans un contexte où la production est en recherche permanente de solutions techniques, les couverts végétaux demeurent une attente agronomique très forte pour lutter contre les adventices, maintenir et développer la vie microbienne du sol, lutter contre l’érosion, construire des nids aux auxiliaires, faciliter l’organisation du travail… L’ensemble de ces grands enjeux ouvre l’appétit des productrices, producteurs et techniciens du réseau FNAB vers la mise en place d’essais formels et informels qui ne demandent qu’à être valorisés auprès de tous les producteurs et productrices bio.

Rédaction : Julia Wright, Mégane Vechambre et Sébastien Bonduau