Bien-être animal en bio : faire toujours mieux !

Publié le : 22 février 2019

Le 2 octobre, la FNAB a convié ses adhérents à une journée de rencontre avec les associations de protection des animaux d’élevage (associations dites « welfaristes ») afin d’échanger sur le bien-être animal en élevage bio. 4 ONG ont répondu à cette invitation avec enthousiasme : l’OABA, le CIWF, Welfarm et France Nature Environnement. L’occasion pour les éleveurs bio du réseau FNAB d’échanger avec ces associations sur les atouts de l’élevage bio mais aussi sur ses pistes de progrès.

« Une première ! » a insisté Stéphanie Pageot, éleveuse laitière dans les Pays de la Loire et présidente de la FNAB de 2013 à 2018. Le 2 octobre dernier, à Paris, la FNAB a rassemblé une quarantaine d’éleveurs et de conseillers de son réseau et des représentants d’associations de protection des animaux d’élevage (le CIWF, Welfarm, l’OABA et FNE). L’objectif ? ouvrir un dialogue autour du bien-être animal et des pratiques observées en élevage bio. Un échange essentiel au vu des interpellations de plusieurs associations défendant le bien-être animal et des questionnements fréquents de la part des médias et de la société sur les méthodes de production alimentaire.

Une rencontre inédite

« La question du bien-être animal qui est posée par la société n’est pas qu’une question sociétale, mais une question de civilisation, car elle interroge les relations créées avec le monde animal et les fondements de nos sociétés. » a expliqué Guillaume Riou, président de la FNAB.

De nombreux thèmes ont pu être abordés lors de cette journée : les interventions sur les animaux, les conditions de transport et d’abattage, les conditions de logement et l’adaptation des bâtiments en porcs bio. « L’idée était d’échanger sur ce qu’attendent les ONG de l’élevage bio, mais aussi, pour nous éleveurs, d’expliquer le cadre de nos pratiques, c’est-à-dire les principes fondamentaux de l’Agriculture Biologique qui concourent à préserver la biodiversité, les sols, la qualité de l’eau… afin de voir comment celle-ci peut continuer à être un exemple en matière de bien-être animal. » explique Jean-François Vincent, éleveur bio et secrétaire national de la FNAB.

En préalable aux débats qui se sont tenus sous forme de tables rondes et d’échanges avec la salle, les représentants des associations présentes se sont présentés et ont tenu à rappeler que leurs ONG ne sont opposées ni à l’élevage, ni aux abattoirs. Elles ne remettent pas en cause le principe de l’élevage : elles ont pour objectif de défendre des conditions d’élevage, de transport et d’abattage respectueuses des animaux. Jean-Pierre Kieffer, président de l’OABA, a d’ailleurs tenu à dénoncer les actes de malveillance commis à l’abattoir de Valromey : « Les actions violentes des derniers mois ne servent pas la cause animale », a-t-il jugé.

Un état des lieux nécessaire pour mieux connaître les pratiques d’élevage en bio

Les débats ont commencé par le sujet des pratiques mutilantes qui sont fréquentes en élevage conventionnel, voire systématiquement effectuées dans certaines productions animales fortement industrialisées. Il faut rappeler qu’en agriculture biologique, hormis la castration physique qui est autorisée pour assurer la qualité des produits et maintenir les pratiques traditionnelles de production (production de viande de porc et de viande de bœuf), les mutilations en bio sont interdites et ne peuvent se faire que dans un cadre dérogatoire. Quand elles sont tout de même réalisées, elles nécessitent pour l’éleveur d’effectuer une demande de dérogation et doivent se faire sous certaines conditions (utilisation d’anesthésiques ou d’analgésiques, âge approprié…).

Ce sujet a pu être illustré par les résultats de la consultation réalisée en été 2018 par le réseau FNAB auprès de ses éleveurs. Avec 713 réponses collectées, cette enquête a fortement mobilisé les éleveurs du réseau, montrant leur intérêt pour ce qui est un des principes de base de l’élevage bio. Cette large consultation permet ainsi de disposer d’un état des lieux assez complet des pratiques de terrain et des motivations des éleveurs bio dans toutes les productions animales.

L’écornage des bovins et l’épointage du bec des poules : des questionnements ouverts

Concernant l’écornage des bovins, les associations ont entendu les arguments liés à la sécurité des éleveurs et du troupeau qui justifient que certains éleveurs aient recours à cette opération. « L’ébourgeonnage est pratiqué essentiellement en filière lait, par 66 % des éleveurs. En élevage allaitant, seuls 28 % des éleveurs écornent leurs vaches », a expliqué Brigitte Beciu, chargée de mission Elevage à la FNAB, précisant que « pour la grande majorité des éleveurs qui le pratiquent, cela semble très difficile d’arrêter ». Françoise Burgaud, de Welfarm a insisté sur l’avantage d’un troupeau non écorné qui facilite la mise en place d’une hiérarchie entre les bêtes et favorise l’entente au sein du troupeau. Ce constat était partagé par Guy Poletz, éleveur laitier dans les Hauts-de-France, qui a arrêté l’écornage il y a plusieurs années : « Avoir des formations sur la gestion du troupeau est primordial. Moi je l’ai faite sur le tas et j’ai commis des erreurs. Reste que sur le terrain, on nous propose des bâtiments et des cornadis adaptés à des bêtes sans corne. »

Quant à l’épointage, qui est réalisé pour raccourcir le bec des poules et éviter les blessures qu’elles peuvent s’infliger en se piquant, il est fait au couvoir, avant que les poussins n’arrivent chez les éleveurs. S’il est possible de commander des lots de poussins non épointés, David Léger, éleveur de poules pondeuses en Normandie, estime que le risque pour les poules est encore trop élevé : « Il n’y a pas encore de solution alternative. Si l’épointage est supprimé ? Cela peut sembler intéressant mais il y a un risque de blessure ou de mort pour l’animal. La souffrance dans ces situations semble bien pire que l’épointage lui-même. Et ce n’est pas la filière qui en pâtira, mais directement l’éleveur et ses animaux. » Pour autant, des expérimentations restent à mener avec des lots non épointés pour déterminer les conditions qui éviteraient le picage des poules (amélioration de l’environnement, alimentation…). Ce sont des pistes sérieuses pour les éleveurs présents, qui misent aussi sur l’échange de pratiques et le retour d’expériences d’autres pays européens.

La castration des porcelets : vers un projet d’expérimentation ?

Le débat sur la castration des porcelets a été plus animé, car dans l’état actuel des choses, les élevages en vente directe ou en circuit court ne semblent pas pouvoir se passer de castrer les mâles pour produire une viande de qualité. Opposés à l’industrialisation de leur filière, les éleveurs présents ont rappelé qu’en bio, les animaux sont abattus plus tardivement qu’à la Cooperl, par exemple, faisant grimper le taux de carcasses odorantes de 5 % à 20 %… « des viandes alors considérées comme invendables par nos bouchers », a interpelé un éleveur dans la salle.

Les éleveurs bio ont fait part de leur ferme refus de recourir à une castration basée sur des produits chimiques, dite « immuno-castration », par souci pour la santé des consommateurs et la confiance qu’ils accordent dans la bio. Le médicament qui le permet, l’Improvac, repose en effet sur un procédé interdit en bio parce qu’il stoppe le développement hormonal du porc et modifie son comportement. « Mais les sujets ne sont pas figés ! », a insisté Jean-François Vincent, éleveur de porcs bio dans le Cher. En effet, un projet CASDAR est actuellement en cours de dépôt sur la double question d’une filière de porcs non castrés et de l’apaisement de la douleur au moment de la castration : « Afin de trouver des alternatives, nous avons engagé un travail en partenariat avec l’ITAB, sur la faisabilité de l’élevage de mâles entiers ainsi que sur les moyens de supprimer la douleur. », précise Jean-François Vincent.

Plusieurs éleveurs ont aussi évoqué la qualité de vie de leurs animaux : faible densité d’élevage, rations équilibrées, accès à l’extérieur, litière paillée, pratiques favorisant la santé… Toutes ces pratiques favorables au bien-être animal et encadrées par le cahier des charges bio ne doivent pas être oubliées.

Courettes sur paille et mise-bas des truies sans contention

Au sujet des conditions de logement des porcs bio, la FNAB a présenté aux associations sa demande de normalisation auprès de l’INAO des courettes couvertes, permettant l’accès à l’extérieur des porcs sur une litière paillée. Ce modèle de courettes sur paille, en vigueur dans les élevages de porcs certifiés bio depuis plus d’une dizaine d’années en France, a été récemment remis en cause par l’INAO. Il s’agit pourtant d’une alternative aux courettes partiellement couvertes sur caillebotis, existantes dans d’autres pays, qui engendrent la production de lisier. La FNAB continuera de défendre le modèle français dans la révision du règlement bio.

Les associations ont aussi interpelé la FNAB sur la contention des truies à la maternité. Dans les élevages naisseurs bio en bâtiments, les truies sont souvent entravées lors des premiers jours suivants la mise-bas pour protéger les porcelets des risques d’écrasement. Afin d’évoluer vers des systèmes de naissage sans contention, la FNAB s’intéresse de près aux maternités « en liberté » et prévoit d’organiser dans les mois à venir un voyage d’étude pour mieux connaître ces systèmes et les promouvoir dans les élevages bio français.

Transport et abattage : des positions communes

L’OABA, qui a obtenu en 1964 l’interdiction du merlin et l’obligation d’étourdissement des animaux à l’abattoir, a rappelé que plusieurs marques telles que Bio Cohérence, Naturland et Bioland procèdent à des limitations de durée et de distances entre l’élevage et l’abattage des animaux. « A quand de telles exigences dans le cahier des charges bio ? », ont demandé les associations. « La FNAB a soutenu l’introduction d’une limitation à 8 heures de transport pour les mammifères et 4 heures pour les volailles et petits animaux dans le futur règlement européen bio. Sans succès… », s’est désolé Jean-François Vincent.

Concernant l’abattage, l’OABA a soulevé le problème de la commercialisation de steaks hachés provenant d’animaux abattus sans étourdissement, par une entreprise souhaitant vendre des produits « halal », issus de viande certifiée AB. Le règlement bio précisant que l’abattage doit « se faire dans les meilleures conditions possibles », l’OABA a engagé un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne pour faire interdire l’abattage sans étourdissement en agriculture biologique. La FNAB a rappelé son opposition à cette pratique, indiquant qu’un étourdissement efficace devrait être obligatoirement pratiqué sur tout animal élevé en bio avant son abattage.

Autre question soulevée cette fois par les éleveurs bio : celle de leur autonomie dans le choix de fin de vie de leurs animaux. De nombreuses initiatives émanant des éleveurs eux-mêmes voient le jour pour favoriser le développement d’abattoirs de proximité. Guylain Pageot, éleveur laitier en Pays de la Loire, a témoigné des démarches entreprises en Vendée et en Loire-Atlantique sur l’abattage à la ferme : « En Allemagne, nous avons vu l’utilisation d’un caisson qui se déplace de ferme en ferme et qui permet aux éleveurs d’abattre les animaux sur leur lieu de vie, avec étourdissement. Nous travaillons aussi avec le collectif « Quand l’abattoir vient à la ferme » pour étudier d’autres solutions. »

Vers un travail de réseau

« Le réseau FNAB est un réseau progressiste. A cet égard, nous recherchons la discussion avec nos concitoyens pour connaître et comprendre leurs interrogations. Nous avons besoin de ce dialogue pour leur expliquer nos pratiques et nos besoins mais aussi pour mieux répondre à leurs attentes. C’est ce que nous avons engagé aujourd’hui sur le bien-être animal. » a conclu Guillaume Riou, président de la FNAB. « Nous voulons et devons rester avant-gardistes, ne pas nous reposer sur nos lauriers et continuer à avancer », a complété Stéphanie Pageot.

Les représentants de la FNAB, comme ceux des associations welfaristes, se sont en effet montrés convaincus qu’il était possible d’avancer sur les questions relatives aux abattoirs et au transport. Quant aux questionnements concernant les pratiques mutilantes, ils ont expliqué qu’ils redescendront jusqu’aux adhérents du réseau pour recueillir leurs expériences et points de vue et envisager des démarches de progrès.

© Bio de PACA

Elles étaient présentes

L’OABA, Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoirs, est la plus ancienne : elle a été créée en 1961 pour intervenir dans la défense des animaux, de l’élevage à l’abattoir. Le CIWF, Compassion In World Farming, est une ONG internationale créée en 1967 par un éleveur laitier anglais en opposition à l’industrialisation et l’intensification de l’élevage. Welfarm (Protection mondiale des animaux de ferme) est une ONG française créée en 1994 qui œuvre pour une meilleure prise en compte du bien-être des animaux (élevage, transports, abattage), notamment en travaillant avec des entreprises de l’agroalimentaire. Enfin, Alsace Nature était présente pour représenter France Nature Environnement, sachant que cette association environnementaliste locale participe également au collectif « plein air ».