Vincent Gross – Viticulture – Haut-Rhin

Vincent Gross est vigneron indépendant à Gueberschwihr, village alsacien au Sud de Colmar. Il nous raconte son domaine, ses pratiques et comment il vit ce métier passionnant.

La ferme en quelques mots

  • Domaine Rémy et Vincent Gross
  • Date de conversion : 2011
  • Domaine : 10 ha dont 7 ha en fermage
  • Appellation : Alsace, Alsace Lieu-dit, Alsace Grand Cru Goldert et Crémant d’Alsace
  • Transformation : vinification de l’ensemble de la récolte, 1/5 des vins sont issus de macération
  • Débouchés : commercialisation en vente directe

Pouvez-vous nous présentez votre domaine ?

Crédit photo : Vincent Gross

C’est mon arrière-grand-père qui a commencé la culture de la vigne et c’est mon grand-père qui a commencé à vendre les vins en bouteilles en 1957. Nous étions un petit domaine de moins de 2 ha. Mon père, Rémy Gross, qui a toujours été double actif, a continué le travail de la vigne et la promotion des vins du domaine. Ce n’est qu’à partir des années 2000, lorsque j’ai commencé à envisager mon installation sur le domaine familial, que nous avons eu l’opportunité d’accéder à de nouvelles parcelles : nous sommes alors passés de 2 à 10 ha en quelques années. La majeure partie de nos vignes est en fermage. Cette évolution a nécessité une adaptation de notre domaine et de notre chai pour pouvoir vinifier tous nos raisins.

J’ai commencé à travailler sur le domaine il y a une quinzaine d’années. Nous avons commencé à entretenir nos vignes conformément aux pratiques bio et biodynamiques dès 2006. Une fois que nous avons maitrisé les principes et les pratiques de l’agriculture biologique, nous avons démarré la conversion. Nous sommes certifiés AB depuis 2014. Au vignoble, nous menons une taille dite « Poussard » qui est basée sur le respect des flux de sève. Nous utilisons des engrais verts pour améliorer la structure de nos sols. Nous appliquons également des préparations à base de plantes telles que l’ortie et la prêle pour stimuler les défenses naturelles de la vigne et nous utilisons les préparations biodynamiques pour dynamiser nos sols et stimuler le développement de nos vignes. Nous cherchons à préserver nos sols et la vigne afin pour que nos terroirs puissent pleinement s’exprimer.

Comment se traduisent ces pratiques en cave ?

Crédit photo : Vincent Gross

Tout comme en vigne, nous souhaitons apporter le moins d’intrants possible dans nos vins. Nous ensemençons nos moûts avec des « pieds de cuves » que nous préparons et qui sont constitués de levures indigènes. Puis nous n’intervenons quasiment plus sur nos vins. Selon nos cuvées, les vins ont un élevage sur lies allant de 6 mois à un an. Cela fait de nombreuses années que nous avons considérablement réduit les doses de sulfites. Certains de nos vins sont mêmes sans sulfites ajoutés. Depuis 2016, nous avons commencé à faire des vins de macération avec du muscat, du pinot gris et du gewurztraminer. Nous procédons de la même manière que pour vinifier les vins rouges. Des raisins entiers et des raisins égrappés sont mis en cuve. Ils fermentent jusqu’à obtenir des vins secs. Puis nous pressons les raisins et commence alors l’élevage des vins. Ils ne sont ni filtrés ni sulfités et aucun intrant n’est ajouté. Pour produire de tels vins, la qualité de la vendange doit être irréprochable. Un tri rigoureux est fait à la parcelle.

Comment les consommateurs ont réagi en dégustant les vins issus de macérations ?

Bouteilles de macération : Lieu-dit MITTELWEG – Muscat (Sol Marno Calcaire) Lieu-dit OSPERLING – Pinot Gris (Sol Calcaro-gréseux) Lieu-dit NEUWEG – Gewurztraminer (Sol Calcaire)
Crédit photo : Vincent Gross

Ce type de vinification permet d’exalter les arômes des vins. Certains consommateurs disent retrouver des vins qui étaient produits autrefois. Ils disent que les vins sont plus digestes. Certains se sont même réconciliés avec le gewurtzraminer souvent vinifié avec des sucres résiduels. Les vins de macérations sont secs. Ce qui nous plaît, c’est que ces vins entraînent un véritable engouement lors de leur dégustation. Les clients sont parfois surpris par ces vins et cela entraînent beaucoup d’échanges. Ce sont des vins qui provoquent des émotions.

De plus, ce sont des vins qui se tiennent dans le temps. Nous faisons des tests à l’air : la bouteille est ouverte et laissée à l’air libre durant 7 jours. La couleur évolue mais le vin ne s’oxyde pas. Sa structure tannique qui est obtenue lors de la macération, lui permet de tenir dans le temps.

Nous avons sélectionné 3 terroirs pour produire ces vins : le Mittelweg, l’Osperling et le Neuweg. La macération permet d’accentuer le lien au terroir. Nous avons observé un effet boule de neige. Certains sommeliers et cavistes ont directement pris contact avec nous pour découvrir ces vins. Cela nous touche car nous, petit domaine viticole, n’avions encore jamais oser aller à leur rencontre.

Quels sont vos projets pour les prochaines années ?

Face à l’engouement de notre clientèle pour ces vins, nous envisageons d’augmenter la part des vins de macération. Nous espérons ainsi satisfaire la demande. Le millésime 2016 a été écoulé en 6 mois, celui de 2017 est quasiment vendu et face à la demande, nous allons commencer à mettre en bouteilles les premiers lots du millésime 2018.

Pour faire découvrir notre domaine, nous sommes en train de finaliser la construction de notre caveau. Nous souhaitons ainsi accueillir des animations tels que des concerts ou des dîners thématiques associant mets et vins. Nous pourrons alors continuer à provoquer des émotions autour de nos vins dans un cadre chaleureux.

Propos recueillis par Sylvia RIBEIRO, Bio en Grand Est. Témoignage initialement paru dans le magazine de Bio en Grand Est – Les Lettres AB n°16 – mars 2019