Découvrez les pratiques et techniques par filière
J’ai toujours été dans l’agriculture. J’ai passé un BTA puis un BTS en viticulture et œnologie suivi d’une courte expérience comme technicien agricole à la Chambre d’agriculture en 1986. J’ai repris en main l’exploitation de mon père qui ne faisait qu’un entretien minimal car il n’était pas du métier. J’avais l’objectif de créer ma propre cave et d’être indépendant. J’ai opté pour l’agriculture biologique pour des raisons environnementales et de santé. Quand j’étais jeune, j’étais insouciant. Puis j’ai commencé à culpabiliser en prenant conscience de tout ce que j’inhalais depuis des années. J’ai décidé de m’affranchir de l’agrochimie. J’ai sollicité l’aide d’Agribiovar et de l’ADASEA notamment pour être informé des aides possibles. Celles ci m’ont bien aidé pour commencer à changer mes pratiques. J’ai aussi beaucoup discuté avec mes confrères déjà en bio pour m’aider dans le choix des équipements.
J’ai commencé à travailler différemment le sol pour le désherbage, d’abord partiellement puis intégralement. Avant de passer en bio, j’ai essayé les amendements organiques puis j’ai arrêté car je trouvais que ce n’était pas utile par rapport au coût que cela engendrait. J’ai essayé aussi les engrais verts mais ce ne fut pas une réussite et je n’ai pas persisté non plus. En revanche, je compte sérieusement m’orienter vers la biodynamie. C’est mon œnologue qui m’en a parlé, j’ai dévoré les livres qu’il m’a prêtés et suivi une formation avec Agribiovar. Mais il faut investir un minimum pour pratiquer la biodynamie dans de bonnes conditions. Je n’ai pas constaté de variation économique due au passage à l’agriculture biologique. Ce sont plutôt les conditions climatiques ponctuelles qui font que la récolte est plus ou moins bonne. De plus, nous avons connu une décennie de sécheresse persistante et les vignes ont souffert de stress hydrique de manière significative.
Sur le plan commercial, la crise a touché les cavistes, et l’activité s’est réduite. Heureusement, la vente en caveau compense cette perte. J’ai quitté le conventionnel également car le cours du rosé en vrac était plus intéressant sur le marché du bio. La mise en bouteille du vin bio est aussi pleinement valorisée avec la certification AB. Depuis que je suis passé en AB, je suis plus en accord avec mes convictions et je me sens plus équilibré, plus épanoui. J’espère encore diminuer davantage les traitements avec la biodynamie. Le domaine se trouve dans une zone privilégiée, la plaine des Maures qui vient de passer en réserve naturelle. La biodiversité est donc abondante ici mais j’ai tout de même constaté le retour des coccinelles et des vers de terre depuis que je ne traite plus chimiquement.
J’ai le projet de commencer à renouveler certains pieds de vignes, d’arracher, de retravailler la terre et de replanter. Il faudra attendre sur ces parcelles entre trois et cinq ans avant de pouvoir faire une récolte intéressante, mais c’est indispensable de le faire. Je dois aussi finir la construction d’un nouveau caveau, avec ma future habitation au dessus, ainsi qu’un bâtiment agricole pour le matériel. Plus tard, je louerai mon ancienne maison en tant que gîte. Mon grand objectif est de diminuer la taille de l’exploitation. Je compte passer de 12 à 6 hectares. Si je veux réduire l’activité, c’est pour travailler à terme seul et ne plus passer par un négociant pour commercialiser mon vin. Je m’intéresse également à la traction animale. Le pétrole va devenir un produit de luxe auquel les petits exploitants ne pourront plus avoir accès. Produire moins mais produire mieux, c’est un bon compromis.
Extrait du recueil LIVRET DE TÉMOIGNAGES La conversion à l’agriculture biologique Tome 1, Des agriculteurs bien dans leur terre…, édité par Bio de Provence
Depuis quelques années je pratiquais la biodynamie, sans être certifié. Au départ, c’était un peu du bricolage et de la découverte. Mais à partir du printemps 2015, je m’y suis davantage impliqué. Suite à ma participation à la journée des biodynamistes, j’ai sauté le pas et j’ai décidé de mettre en place la démarche de certification Demeter. J’ai eu une visite cet été et au vu du domaine, de mon matériel, j’ai obtenu ma certification à partir de mes vins 2015. Malheureusement il me manque une partie élevage pour pouvoir appliquer la biodynamie jusqu’au bout. Même si pour moi ce n’est pas l’idéal, l’alliance de la monoculture de la vigne et de la biodynamie est concevable. Je ne fais pas ça pour mettre un label sur la bouteille, pour moi ce qui est le plus important c’est d’approfondir par l’observation ma relation avec le monde du vivant. Cela va dans la continuité de mon
engagement en agriculture biologique. Par exemple, les doses de cuivre et de soufre sont plus restrictives en biodynamie. C’est une recherche perpétuelle pour limiter les intrants sur la culture de la vigne. J’ai observé depuis 5 ans que mes sols se travaillent mieux (par exemple, les labours
se font de manière moins ardue), ils ont une meilleure structure même s’il y a encore beaucoup à faire, car j’estime que je continue encore chaque jour à me perfectionner.
Commercialement je valorise un peu mieux ma production, même si j’ai encore du mal à rentabiliser mon exploitation. J’avais une clientèle de cavistes qui, crise oblige, s’est beaucoup réduite. Aujourd’hui, je travaille plus avec des magasins bio et je pense qu’il y a un retour de clients qui me découvrent par ce canal et qui du coup viennent visiter mon domaine. Je suis également impliqué depuis 2 ans dans un point de vente collectif à Draguignan. Ce qui m’a poussé à me lancer dans ce point de vente collectif c’est le fait de promouvoir les produits en direct plutôt que de passer par des intermédiaires. C’est un ami vigneron qui m’a orienté vers ce mode de commercialisation. C’est quelque chose dont j’avais déjà entendu
parler mais ça a été une découverte que je ne regrette pas du tout. Cela demande par contre une implication, je tiens une permanence 1 à 2 fois par mois et cela m’engage à participer à la vie de l’association. Cette implication n’est pas toujours évidente car c’est parfois difficile d’allier le rythme de mon travail avec des réunions tardives. Ce point de vente m’a permis de développer un réseau social en rencontrant d’autres producteurs et m’a
apporté un développement commercial. Enfin, j’ai aussi développé la vente en direct à mon caveau, sur rendez-vous.
A l’avenir j’aimerais réduire ma surface agricole parce que le métier commence à me fatiguer physiquement. Mais dans la pratique, aujourd’hui,
c’est plus facile d’augmenter sa surface plutôt que de la diminuer. Je souhaiterais aussi renouveler mon vignoble que j’ai mis de côté au profit d’autres investissements financiers (construction du caveau viticole,…), pour remplacer les vignes les plus vieilles.
Sur la communication j’ai beaucoup de lacunes, j’aimerais développer ça. De manière générale, j’ai besoin de me pencher sur internet, la signalétique, des flyers,… J’ai commencé ce travail mais je manque de temps et de moyens. J’aimerais pouvoir diffuser d’avantage d’informations sur mon domaine. Ma difficulté c’est d’arriver à traduire mon activité avec des mots accessibles au grand public, je suis souvent trop technique.
Ayant été « formaté » par l’enseignement agricole, je pensais qu’il n’y avait pas d’alternative à l’utilisation des produits chimiques. Malgré tout, dès le début de mon engagement en bio, je me suis lancé par conviction. Et je me rends compte aujourd’hui que c’est l’inverse : non seulement les produits chimiques ne sont pas incontournables, mais on doit cesser de s’en servir. J’aimerais insister sur la dangerosité des produits qui sont utilisés en agriculture conventionnelle, et sur le fait qu’on peut s’en passer. Par expérience, au printemps 2010 où il y avait une menace importante de mildiou, les producteurs bio s’en sont beaucoup mieux sortis sans traitement chimique, cela nous a même permis de sauver la récolte.
Le fait de moins porter atteinte à ma santé et d’être affranchi de la chimie m’apporte une tranquillité d’esprit. Au-delà de ça, j’apprécie aujourd’hui le fait d’observer la nature et les paysages qui m’entourent. L’autre jour en soirée pendant que je travaillais, je suis resté en contemplation devant un parterre de pâquerettes, et je me suis rendu compte que j’étais passé à côté de cette merveille plusieurs fois sans y faire attention.
L’apprenti bio, lui, devrait se former et rencontrer des gens. Ecouter les retours d’expériences. Je lui conseille de participer à la vie du réseau et aux formations. En rencontrant les acteurs bio, il obtiendra certainement des conseils de professionnel à professionnel. J’ai personnellement bénéficié de ces conseils dont j’ai su tirer profit sur mon domaine en les rapportant à mes spécificités. Depuis que je suis bio, je le suis à 100% et je consomme bio. Je réfléchis d’avantage à mes actions en général pour l’environnement et le monde du vivant.
Extrait du recueil LIVRET DE TÉMOIGNAGES La conversion à l’agriculture biologique Tome 4 – Que sont devenus les témoins du tome 1, édité par Bio de Provence
Vous avez besoin d'une information qualifiée (évolution réglementaire, recherches et expérimenations en cours...), organisée par grand système de production ? Abonnez-vous à votre lettre filière !