Séverine et Michel Gabriac – Polyculture-élevage laitier – Moselle

La ferme en quelque mots

Localisation : région des étangs en Moselle

Surface : 117 hectares morcelés sur 7 communes (avec 20 ha autour de la ferme) :

  • 30 hectares en céréales (épeautre, orge, triticale, pois, maïs et betterave)
  • 87 hectares en herbe (prairies temporaires et permanentes)

Animaux :  80 vaches laitières, avec un vêlage toute l’année du fait de la fromagerie. Quotidiennement, c’est donc 50 à 60 vaches qui sont traites.

Temps de travail quotidien : entre 10 et 12h/jour en semaine et 5h le weekend.

Engagement syndical et associatif :

  • Séverine est devenue administratrice de BIOLAIT
  • Michel est porte-parole de la Confédération Paysanne

Pouvez-vous présenter votre parcours ?

Séverine : « Avant de nous installer, j’étais commerciale en agro-alimentaire sur le quart Nord-Est de la France. Mais je n’étais jamais à la maison, alors concevoir une vie de famille comme ça, ce n’était pas possible. Même si c’était une très bonne expérience, je n’aurais pas fait ça toute ma vie. »

Michel : « Moi j’ai fait de la mécanique agricole. J’ai été chauffeur de poids lourds international pendant sept ans avant de reprendre une exploitation. Mais depuis toujours, j’avais l’idée de reprendre une exploitation et de m’installer hors cadre familial. Nous sommes exploitants depuis 20 ans. A l’époque nous sommes partis de rien et avec rien. »

Séverine : « En 2006, nous nous sommes associés avec une collègue qui venait de se reconvertir en fromagère. Nous nous sommes séparés six ans après, mais nous continuons de lui fournir le lait car ses vaches sont en pension chez nous. Je passe souvent à la fromagerie même si je ne fais plus ni le fromage ni les marchés. »

Comment avez-vous pris la décision de passer en bio, aviez-vous des appréhensions ?

S. : « Ça faisait une paire d’années qu’on réfléchissait à passer en bio. Personnellement, j’avais peur économiquement qu’on ne passe pas le cap des deux ans ou des 18 mois. Mais pour nous, ce qui nous importait, c’est que la bio permettait l’autonomie sur la ferme. »

M. : « Cela fait des années que nous ne désherbions que le strict minimum sur nos parcelles. L’année dernière nous nous sommes dit qu’on allait franchir le pas. Il a juste fallu mettre un tampon sur des choses que nous faisions déjà. On n’a pas eu à acheter de nouveaux matériels pour passer en bio. Le matériel on l’avait par le biais de la CUMA où il y a aussi des producteurs bio. »

Pouvez-vous expliquer comment se passe votre conversion pour l’instant ?

S. : « Nous sommes en conversion depuis le 13 Mai 2016, on a choisi la conversion non simultanée : les terres sont en conversion depuis le 13 mai 2016. Les vaches le seront à partir du 1er Novembre 2017, comme ECOCERT nous l’a permis après avoir fait un contrôle suite à notre demande. En faisant une conversion non simultanée on avait anticipé qu’au mois de Mai les vaches seraient dehors et qu’elles mangeraient du C2 donc on n’aurait rien besoin d’acheter. On pouvait tranquillement passer nos six mois de conversion. C’est très bien comme ça, c’était plus adapté économiquement et sur le terrain. Aujourd’hui c’est un peu dur économiquement, mais le reste ça va. La conversion engendre du stress car il y a du changement bien que nous y étions préparés. Il faut que l’on réapprenne à gérer encore mieux l’herbe, ça c’est primordial. En tout cas je ne regrette pas, je suis plus sereine, même si c’est dur. »

M. : « Nous sommes apprentis tous les ans. Il faut réapprendre de toute façon car c’est un autre métier. On fait beaucoup d’essais. Si ça marche tant mieux et si ça ne marche pas l’année prochaine nous changerons notre fusil d’épaule. »

Pourquoi vous êtes-vous tourné vers BIOLAIT lors de votre conversion ?

S. : « Chez BIOLAIT on fait une demande d’adhésion pour que l’administrateur référent régional vienne visiter la ferme. Il fait alors un compte rendu en Conseil d’Administration et celui-ci valide ou non l’entrée de la ferme à BIOLAIT. C’est bien que ce soit un administrateur parce que dans nos discussions c’est quelqu’un qui est passé comme nous par la conversion, il sait bien de quoi il parle. La politique de BIOLAIT c’est d’être géré par les producteurs et c’est ce qu’on voulait. Je suis devenue administratrice même si je suis encore en conversion. Je dois monter toutes les cinq à huit semaines à Nantes pour représenter la région au sein du CA qui comprend 17 membres. C’est important que chaque « ancienne région » soit représentée car on a tous des problématiques différentes. Au premier novembre au passera donc par BIOLAIT pour vendre notre lait. »

Avez-vous bénéficié d’aide financière ou technique pour votre conversion ?

S. : « Alors financièrement nous avons eu l’aide du Conseil Général pour faire notre audit déjà et après l’aide à la conversion. Au niveau technique, nous avons participé à une formation pour les personnes qui voulaient se convertir, avant de procéder à l’audit. Après, j’ai refait un stage en aromathérapie même on pratique depuis longtemps l’homéopathie. Nous avons aussi le technicien de la Chambre qui vient quand on en a besoin. En plus nous travaillions avec des gens qui sont en bio dans la CUMA et dans nos copains nous connaissons aussi pas mal de producteurs bio. Et puis depuis que je suis administratrice à BIOLAIT, je rencontre pas mal d’autres administrateurs. Enfin on reçoit « La Voix Biolactée », trimestriel de vulgarisation des pratiques agrobiologiques et d’information de Biolait qui nous aide bien ainsi que « La Feuille de Chou » publiée par le CGA de Lorraine. »

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui souhaite se convertir en bio ?

M. : « Il ne faut pas hésiter ! Nous sommes allés voir plein de gens en bio et il n’y en a pas un qui nous a dit de ne pas y aller. Il ne faut pas faire hésiter les gens, celui qui veut venir, qu’il vienne. Après il y a des règles, et il ne faut pas transiger sur ces règles, il faut donc les connaitre en se formant dès le début. »

Quelles sont les répercussions de la conversion sur votre vie quotidienne ?

M. : « Je n’ai plus à utiliser de pulvérisateur, j’en faisais déjà peu, mais là le fait de ne plus être lié à Monsanto, BASF et tous les autres, c’est déjà le début du bonheur ! Et du coup je ne suis plus malade comme avant. »

S. : « Et puis nos revenus vont sûrement s’améliorer. Il n’y a plus d’intrants, nous vendrons le lait plus cher parce que malheureusement en conventionnel le prix du lait ne correspond plus à la réalité du marché. Même si les charges au niveau des semences d’herbe augmentent pour faire les prairies temporaires, ce sont les seules charges qui vont augmenter. Donc nous pensons vraiment que l’on va avoir de meilleurs revenus. »

Quels sont vos projets pour les prochaines années ?

M. : « Nous aimerions faire des changements dans les années à venir pour diminuer nos charges, en passant par le séchage en grange notamment. C’est un investissement mais ça nous correspondrait beaucoup mieux que lorsqu’on doit utiliser tout ce plastique pour faire nos bottes. Et puis l’autre projet c’est du biogaz. Mais pas du biogaz industriel, du biogaz seulement pour valoriser au mieux les fumiers et en tirer de l’énergie : ce sont des micro-stations de biogaz où on ne met que du fumier et pas des déchets d’ensilage. »

Propos recueillis par Aziliz HAYER du CGA de Lorraine.
Témoignage paru initialement dans les Lettres AB n°2 (décembre 2017), magazine des producteurs bio du Grand-Est.