Dominique Guenat – Bovins lait – Haute-Marne

Mes parents étaient agriculteurs. Je me suis installé en 1981. Avec mon père, nous avons commencé à découvrir l’agriculture biologique dès 1983. Nous avons fait des essais pour la mettre en pratique mais seulement sur une partie de l’exploitation. J’ai converti l’exploitation petit bout par petit bout car l’objectif était de faire du bio mais également de se dégager un revenu. A l’époque c’était d’autant plus difficile qu’il n’y avait pas d’aide à la conversion. C’est pourquoi ma conversion a été longue.

 

La ferme en quelques mots

EARL Dominique GUENAT

  • SAU : 76 ha
  • Installation : 1981
  • Conversion : 1983
  • UTH : 2
  • Production bio : Orge, prairie permanente, prairie temporaire, vaches laitières et génisses laitières de renouvellement.
  • Séchoir en grange
  • Débouché : Biolait

Peux-tu nous présenter ton parcours en quelques mots ?

Je me suis installé en 1981 avec mon père et nous avons entamé la conversion d’une partie de la ferme en bio en 1983. Nous avons converti l’exploitation petit bout par petit bout car l’objectif était de faire du bio mais également de se dégager un revenu. A l’époque c’était d’autant plus difficile qu’il n’y avait pas d’aide à la conversion. C’est pourquoi la conversion a été longue.

Ensuite en 1987, suite à un remembrement j’ai perdu quasiment toutes les parcelles converties. C’était une bonne occasion de recentrer les parcelles mais il a fallu que je reprenne la conversion depuis le début. Dans les années 1990, j’étais en GAEC puis je me suis retrouvé seul. J’ai alors fait le choix de prendre des apprentis. Cela me permettait à la fois d’avoir une masse salariale assez faible et de former des jeunes. Il y a 7 ans, j’ai embauché une personne à temps partiel. Et 2 ans plus tard, un jeune est venu me voir pour travailler avec moi. Il avait une formation en fonderie, rien à voir avec l’agriculture, mais il était motivé. Nous avons fait un contrat de conversion professionnelle, je l’ai formé, ça s’est bien passé et il est toujours là.

J’ai toujours produit du lait, ce qui a été une épée de Damoclès au dessus de ma tête par rapport à ma conversion en bio car il y a eu des crises, des hauts et des bas. En plus, ça ne représentait pas beaucoup de chiffres d’affaire car j’ai tenu 20 ans sans réelle valorisation en AB.

Alors justement, comment es-tu venu à l’AB ?

C’était une prise de conscience qu’il y avait un problème. Avant, on faisait des céréales : on semait, on faisait un désherbage, l’intervention suivante c’était la moissonneuse et c’est tout… Dans les années 1980, sont arrivés les fongicides, on traitait les céréales qui avaient des maladies. Ensuite c’était les insectes, on avait des attaques de pucerons sur les blés au stade pâteux. Les interventions se faisaient par hélicoptère, le technicien du négoce nous appelait pour jalonner nos blés. L’hélicoptère passait le traitement et on ne vérifiait même pas s’il y avait des auxiliaires ou même des pucerons… Bref, ça ne me semblait pas normal comme façon de travailler.

Puis nous sommes allés au Salon de l’Agriculture à Paris, et nous avons vu un stand sur l’agriculture biologique, on a eu des bons contacts avec la personne qui tenait ce stand. Quelques mois après, nous avons reçu une invitation pour visiter une ferme bio dans la Somme. C’était une grande ferme avec céréales et élevage, c’était très intéressant, ça nous a donné des idées. C’est à partir de ce moment que nous avons commencé nos essais. Depuis, je ne regrette pas ce choix, car je sentais qu’avec les traitements ça allait être pire et finalement c’est ce qui s’est passé.

Comment fonctionne ta ferme ?

Séchage en grange

Actuellement, j’ai 76 hectares, 50 vaches laitières, tout est en prairie sauf 4 hectares en orge de printemps et j’ai donc 2 salariés à temps partiel. J’ai quasiment un système herbager, un peu de céréales qui sont autoconsommées pour le bétail, et j’achète des concentrés pour équilibrer la ration des animaux. Il y a 5 ans, j’avais beaucoup plus de céréales : 8 hectares de maïs, 4 hectares d’orge, 6 hectares de féverole et je faisais de l’ensilage de maïs. Mais il y a 3 ans, j’ai opté pour un système de séchage en grange donc j’ai arrêté l’ensilage et le maïs. L’objectif était d’être plus autonome, les deux premières années se sont bien passées mais cette année, c’est dur.

Pour développer la ferme, j’ai eu une autre difficulté : trouver un collecteur de lait. Durant plus de 20 ans je n’ai pas été valorisé en bio. Biolait n’était pas loin de passer en Haute-Marne quand il y a eu la crise du lait bio en 2008. Après cette crise, ça allait mieux pour Biolait, et ils sont finalement revenus en Haute-Marne. Entre temps, j’avais eu des propositions pour aller chez d’autres collecteurs mais j’adhère plus aux principes de Biolait (laiterie 100 % bio,… ). D’autres producteurs ont fait le choix de Biolait et un réseau a ainsi émergé en Haute-Marne puis dans les régions voisines. Le camion Biolait est passé chez moi dès le début de la tournée en Haute-Marne en 2009. Et c’est à ce moment que j’ai mieux valorisé mon lait. Avant 2009, j’avais toute ma SAU en bio (ce qui ne me rapportait rien) et mon troupeau de vache était en conventionnel. Mon fourrage était bio mais j’achetais des concentrés conventionnels car les concentrés bio étaient 2,5 fois plus chers, c’était trop pour moi avant que je valorise. Cela montre l’intérêt de développer les filières qui assurent des valorisations qui rémunèrent le mieux possible.

Enfin j’ai fait le choix d’externaliser plusieurs travaux : épandage de compost, pressage de paille, moisson, travaux lourds du sol car avec la taille de ma ferme, il n’était pas intéressant d’investir dans le matériel.»

Quelle race de vache as-tu ? Et quelle gestion sanitaire pratiques-tu ?

Vache Simmenthal

Mon grand-père faisait de la Simmental, mon père aussi et j’ai continué. Nous avons une bonne sélection génétique, c’est une race mixte lait et viande avec un bon équilibre carcasse et production de lait. Chaque vache fait 6500 litres de lait avec 38% de matière de grasse. Côté santé animale, j’emploie les pratiques alternatives. J’ai été formé au GIE Zone Verte où j’ai acquis des connaissances en homéopathie. Enfin, en bio, on a tout de même moins de problèmes sanitaires.

Que penses-tu de l’AB dans le contexte actuel ?

Je ne comprends pas les politiques actuelles vis-à-vis de la bio. On encourage le bio avec les conversions mais pas le maintien. On développe la production mais pas les filières. Toutes ces restrictions budgétaires risquent de calmer les porteurs de projet en bio, alors qu’actuellement, on n’a pas assez de conversions pour compenser les départs à la retraite. Résultat, je pense qu’on va avoir moins de lait et cela même si la consommation continue sa progression. Le seul côté positif, c’est pour les producteurs qui vont peut-être pouvoir vendre leur lait plus cher. Mais ça, ce n’est pas garanti également.