Pierre Luxembourger – Maraîchage – Meurthe-et-Moselle

La ferme en quelques mots

Maraicher installé depuis 2017 en entreprise individuelle

Surface :

  • Un terrain de 2000m² dont 1400m² exploité en Juin 2017
  • Un second terrain prévu entre 1,5ha et 1,8ha, en agroforesterie pour 2018

Commercialisation : AMAP (6 grands paniers à 16 euros et 25 petits paniers à 8 euros sur 26 semaines de distribution pour 2017)

Investissements : achat de guano de chauve-souris pour 150€ et équipement matériel total pour 10  000€.

Temps de travail : tous les jours, de 7h à 11h et de 16h à 21h.Temps de travail variable en fonction des saisons.

Rémunération : Aucune rémunération cette année, l’objectif pour les années suivantes est de 600€ de salaire mensuel (DJA) pour 2018 pour arriver à un salaire de 1500€ en 2021.

Projets pour 2018 :

  • 3 ruches pour polliniser les cultures,
  • Culture de champignons sur billot de bois
  • Installation d’une première serre
  • Installation d’un système d’irrigation
  • Verger conservatoire d’arbres fruitiers

Peux-tu présenter ton parcours en quelques mots ?

Je me suis longtemps cherché. J’ai commencé par faire des études en électricité (BEP), puis je me suis réorienté en coiffure ou j’ai obtenu mes diplômes de CAP et BP. J’ai rapidement vu que ça ne me convenait pas : je voulais faire un travail physique et en extérieur. Je me suis donc formé chez les Compagnons du devoir où j’ai passé un CAP de couvreur-zingueur.

J’allais au travail à reculons, j’ai donc pris la décision de démissionner de mon CDI. Ce besoin de cultiver la terre avait pris le dessus et j’ai décidé d’en faire mon métier. Je n’étais pas formé pour travailler en maraichage, après conseil d’un ami maraicher j’ai contacté Nicolas Herbert, chargé de mission maraîchage au Centre de Groupement des Agrobiologistes (CGA) de Lorraine. Il m’a proposé une formation au CFPPA de Courcelles-Chaussy, pendant un an en continu. J’ai choisi de suivre ce conseil car seule cette école proposait un BP REA en maraichage biologique, idée en adéquation avec ce que je recherchais.

Avant d’intégrer la formation, j’ai effectué un stage découverte des métiers de l’agriculture (ADEMA) à l’IS4A. Ce stage a confirmé mon envie de pratiquer ce métier.

Par ces formations, j’ai vraiment le sentiment d’avoir été bien formé, les formateurs ont su être à mon écoute. Je ne regrette vraiment pas aujourd’hui : c’était vraiment une expérience, des souvenirs plein la tête et de belles rencontres.

Quelles étaient tes craintes avant de te lancer dans cette aventure ?

C’est un changement de vie, il y a la peur de l’inconnu,  de savoir si on va avoir les épaules assez larges. Mais en fait il fallait se lancer ! Mon but ce n’est pas de gagner des milles et des cents, c’est vraiment d’être heureux ! Ça n’a pas de valeur. Aujourd’hui je suis avec les oiseaux. Oui c’est dur physiquement, mais je suis bien : je m’épanouis, je prends le temps, je vis au rythme des légumes. J’ai d’autres sources de stress mais c’est du bon stress. De plus, j’ai la chance d’être soutenu par la commune, ma conjointe, mon entourage proche. Sans eux, honnêtement, aujourd’hui ce ne serait pas possible.

Ce qu’il me fallait, c’était d’être organisé. Ma seule peur aujourd’hui, c’est d’arriver à une distribution sans légume.  Pour y faire face, il faut avoir un plan de culture précis et des cultures de secours, quitte à en avoir de trop dans les paniers. Vraiment, je pense que l’organisation est le point le plus important. La formation m’a aidé à construire et dimensionner mon projet.

Comment s’est passé le démarrage de ton activité ?

Au début de ma formation à Courcelles-Chaussy, je n’avais pas de terrain. Notre directeur de formation nous a communiqué des annonces de terrains disponibles. J’ai de suite contacté la commune de Flavigny-sur-Moselle qui souhaitait installer un maraicher et le soutenir dans son projet. Après plusieurs rencontres, j’avais leur confiance. Ils me louent des terrains (1,8 ha) et me mettent à disposition un bâtiment. J’ai la chance de pouvoir compter sur eux. Une partie des terrains loués étaient en prairie, ce qui m’a permis de les labelliser en agriculture biologique. Les autres terrains sont en conversion.

Aussi, sans le soutien de ma conjointe je n’aurais jamais pu y arriver. Elle aime tellement mon projet qu’elle y passe tout son temps libre. J’ai aussi un ami rencontré en stage ADEMA qui vient m’aider une journée par semaine. Donc c’est vraiment super ! En plus, j’ai des voisins qui me prêtent des outils quand je ne les ai pas et que je peux conseiller en échange.

Pour la commercialisation de tes légumes, comment cela se passe ?

C’était l’une des premières préoccupations de la mairie qui depuis la fermeture de son épicerie souhaitait recréer une dynamique locale. Je leur ai parlé du système de l’AMAP qu’ils connaissaient peu. On a alors réfléchit et construit ce système ensemble.  Aujourd’hui, l’AMAP Des libellules est créée. Ce que je trouve important, c’est que les amapiens ne sont pas mes clients. On fait partie d’un collectif ou ils louent mes services : je suis leur maraicher. Mais ce n’est pas seulement une distribution de panier, j’aimerais qu’on passe des moments de convivialité ensemble (échanger des recettes, faire un barbecue, etc.). Aussi, il y a le projet de mettre en place un marché dans le village pour l’année prochaine.

Comment arrives-tu à sensibiliser les habitants sur tes pratiques ?

Parfois, le meilleur moyen de sensibiliser c’est de se taire, de faire et de voir. J’accorde une grande importance à les accueillir et à faire découvrir mon travail. C’est vraiment par-là que je fais mon boulot de militant. Des personnes âgées que je rencontre sont heureuses de voir « un petit jeune«  qui se lance. Une dame m’a dit qu’elle faisait déjà pousser ses légumes mais qu’elle me prenait un panier juste pour me soutenir, j’étais très touché.

Si tu avais un conseil à donner à quelqu’un qui voudrait s’installer en maraîchage bio, quel serait-il ?

Ne pas avoir peur de se former et de se lancer. La peur que les rendements soient amoindris n’est pas fondée. Oui, il y a tout un écosystème à reformer. La vie des sols est primordiale mais c’est une question de changement de pratiques. Je me suis donné à fond. Il ne faut pas hésiter à prendre le téléphone et même à pousser les portes quand elles ne sont pas ouvertes. J’ai été bien entouré notamment par Nicolas du CGA de Lorraine qui était présent à mes côtés dans chacune de mes démarches.

Quels sont tes projets futurs ?

Je souhaite transformer dès l’année prochaine cet espace de 2000m² en verger conservatoire.  Je voudrais aussi mettre en place un système agroforestier sur le plus grand des terrains. J’ajouterais deux autres ruches pour polliniser mes cultures, et un atelier de champignons.

De plus, ma compagne aimerait se former pour créer un nouvel atelier de plantes aromatiques et médicinales. Elle fera sûrement une formation en herboristerie.

Aussi, j’aimerais travailler avec le juge d’application des peines pour accueillir des personnes en réinsertion. Par le passé on m’a tendu la main dans des moments difficiles, je veux pouvoir faire la même chose en retour. Avec ma conjointe, travailleuse sociale, on aspire à pouvoir faire quelque chose qui va dans ce sens.

Témoignage recueilli par Aziliz HAYER du CGA de Lorraine