Découvrez les pratiques et techniques par filière
Guy et Sébastien Vanlerberghe, exploitants agricoles dans l’Oise, à Rosières en Valois, ont introduit des moutons dans leur verger en conversion à l’AB.
Production :
SAU : 204 ha dont
Débouchés : filière longue et filière courte
UTH : 3,5
Cheptel : 350 brebis de la race Shropshire. Objectif : 450 brebis.
Historique :
L’idée leur est venue suite à une visite chez un arboriculteur qui avait réintroduit de l’élevage. « On a vu des résultats extraordinaires sur la disparition de la tavelure, principale maladie du pommier. Situé dans le marais poitevin, cet arboriculteur avait a priori toutes les chances de subir une pression maladie importante. Il avait introduit un troupeau de moutons en pâturage dans son verger pour lutter notamment contre la cochenille. Son verger est devenu complètement sain en 5 ans, sans aucun traitement » nous raconte Guy.
Pour Guy et son fils Sébastien, la réintroduction de l’élevage dans le verger a été la clé de la conversion en bio. « Sans ce moyen de lutte biologique, ou plutôt d’équilibre biologique, je ne serais pas passé en agriculture biologique. Nous nous sommes testés avant de nous convertir en bio en 2015. Nous avons vu les résultats du mouton au bout de 2 ans. Ces deux premières années nous ont permis de réduire l’utilisation de produits phytosanitaires progressivement et d’apprendre à travailler avec nos moutons ! » Ce moyen de gestion des parasites se vérifie encore cette année 2018 où les conditions ont été particulièrement humides : aucune maladie !
Les principaux bienfaits sont la lutte contre les parasites, la gestion de l’enherbement et de la fertilisation.
« Le Shropshire peut être laissé en toute liberté dans un verger. Il ne consomme pas les écorces des arbres ni les ramures. En se frottant aux troncs, il les débarrasse de larves d’insectes comme la cochenille. En piétinant au pied des arbres, il accélère l’enfouissement des feuilles mortes qu’il ne consomme pas et avec elles, les spores de la tavelure qui ne peuvent plus projeter leurs conidies au printemps et contaminer les arbres l’année suivante. Par ailleurs, le piétinement fait fuir les gros ravageurs tels que les mulots ou les campagnols qui attaquent les racines des pommiers. Les moutons se nourrissent aussi des fruits véreux tombés au sol et coupent ainsi le cycle naturel des insectes. »
« De plus, le mouton est une solution gratuite pour le broyage de l’herbe et la fertilisation naturelle des parcelles. Les moutons sont très résistants et peuvent rester toute l’année dans la parcelle. Il y a cependant 2 mois de l’année où ils sont dans les parcelles de CIPAN. Après 3-4 ans d’expérience, on se rend compte qu’il faut en moyenne 3 à 4 brebis par hectare pour l’auto-alimentation des moutons. »
Le fait d’introduire un élevage ovin a facilité la période de transition en modifiant l’écosystème tout en diminuant drastiquement l’utilisation de pesticides jusqu’à utiliser uniquement des produits homologués en AB et passer en arboriculture biologique en 2015.
« Nous utilisons des huiles essentielles qui coupent le cycle de reproduction des pucerons et des cochenilles. Par exemple, les extraits de pelures d’oranges sont des puissants asséchants et permettent également de lutter contre les champignons tels que l’oïdium, la tavelure et contre les pucerons. Nous utilisons également du souffre, mais pas de cuivre, nocif pour les moutons. »
Des amendements foliaires sont également apportés en complément tel que de la Magnésie, du Bore et du Zinc.
Un poulailler mobile va être installé au milieu du verger. Les poules permettent de diminuer le stock des insectes ravageurs qui réalisent leurs cycles de reproduction au pied des arbres. « Pour le moment, nous n’avons pas tellement de dégâts d’insectes. J’espère, avec l’introduction de poules, limiter cette pression et pouvoir me passer définitivement de l’insecticide NeemAzal, autorisé en bio jusqu’en février 2019, dont chaque passage coûte entre 80 et 100 € de l’hectare. Je ne l’ai cependant pas utilisé depuis 2 ans. »
Jusqu’à présent, Guy et Sébastien complétaient la fertilisation naturelle apportée par les moutons par de la fiente de poules à raison de 2 à 3 tonnes/ha. Il espère grâce à cet élevage mixte dans une même parcelle être autonome en fertilisants et diminuer la charge de travail.
« La gestion de l’enherbement se fait naturellement par les moutons. A l’heure actuelle je suis entre 0 et 1 d’IFT (Indicateur de Fréquence de Traitements phytosanitaires). Par ailleurs, je réalise des ventes supplémentaires de viande d’agneaux. Je n’inclus pas encore dans mon calcul le projet de poulailler. »
Charges supplémentaires | Produits supplémentaires | ||
Gestion de l’élevage (tonte, alimentation, etc…) | 5000 €/an | Vente des agneaux et des brebis | + 60 000 €/an |
Économies réalisées | |||
Lutte biologique (huiles essentielles, pelures d’orange, etc…) | 30 000 €/an | Gestion de l’enherbement | + 10 000 €/an |
Gestion pression parasitaire | + 20 000€/an | ||
TOTAL : – 35 000 €/an | TOTAL : + 90 000 €/an | ||
TOTAL : +55 000 €/an |
Le verger et l’élevage ovin se combinent bien pour la gestion du temps de travail : le pic d’activité durant la récolte des pommes arrive en général à une période où les brebis sont au calme. Inversement, la période hivernale des agnelages correspond à une période où les arboriculteurs sont moins sollicités.
L’objectif est de 450 agneaux produits par an. 30 à 50 agnelles sont réservées au renouvellement du troupeau. 50 à 80 agnelles sont vendues à d’autres éleveurs. Le reste est vendu via différentes filières locales : vente de caissettes à la ferme, coopératives dans l’Aisne et dans l’Est de la France. Une des coopératives a un projet de revente sur le marché chinois.
Les pommes sont sous contrat avec Agrial, une coopérative normande. Ce sont 1500 à 2000 tonnes de pommes qui sont vendues chaque année. La coopérative souhaite revendre sur le marché américain qui se développe à grande vitesse.
« Il faut faire connaitre et découvrir à tous les agriculteurs la bio et ses effets positifs tant économiquement qu’humainement. Les opportunités de développement sont nombreuses sur ce marché en plein boom. Je pense qu’il faut aussi que les producteurs déjà en bio continuent de s’ouvrir pour faire connaitre leur métier et leurs techniques afin d’aider les prochains. C’est en allant découvrir chez un arboriculteur bio que j’ai moi-même décidé d’engager un changement sur ma ferme » nous confie Guy. Les agriculteurs sont des Saint Thomas : ils ont besoin de voir pour croire ! »
Article rédigé par Marie Augagneur, conseillère animatrice à BIO en Hauts de France
Vous avez besoin d'une information qualifiée (évolution réglementaire, recherches et expérimenations en cours...), organisée par grand système de production ? Abonnez-vous à votre lettre filière !