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Il est difficile, en raison de la grande diversité des fermes en maraîchage bio diversifié et circuit court, d’établir des références de groupes, des typologies. Après une tentative infructueuse en 2013, le réseau FNAB s’est penché à nouveau sur cette question des références en maraîchage, dans le cadre du projet REP’AIR (Repères pour l’Autonomie, l’Innovation et la Résilience des fermes biologiques). Ce projet national vise à développer la production de références adaptées à l’Agriculture Biologique, avec une meilleure prise en compte de facteurs spécifiques comme la diversité de productions pour un même système, les choix humains réalisés…
L’étude bibliographique a révélé que de nombreuses études ont été faites sur le maraîchage mais il s’agit d’études statiques, des photographies de fermes à un instant T. Le réseau FNAB a souhaité étudier les trajectoires des fermes dans les 5 à 7 années qui suivent l’installation en essayant de comprendre les raisons des évolutions observées sur les fermes. Plutôt que d’essayer d’établir des typologies, nous nous sommes orientés sur une caractérisation individuelle des fermes en prenant en compte les aspirations et besoins des maraîchers. L’objectif est d’acquérir à terme un panel de trajectoires de fermes réelles, dont on connait le contexte et qui puisse servir d’outil de réflexion pour les porteurs de projet.
Nous avons donc suivi sur plusieurs années différents indicateurs. Nous avons étudié des indicateurs technico-économiques « classiques » tels que le nombre de personnes travaillant sur la ferme, la surface cultivée en légumes, le chiffre d’affaire, le rapport valeur ajoutée/chiffre d’affaire, le revenu disponible, l’EBE/UTH exploitant, les prélèvements des maraîchers et les investissements cumulés.
Le temps de travail est un point souvent difficile à évaluer sur les fermes. Plutôt que d’évaluer le temps de travail hebdomadaire, nous avons enquêté les maraîchers sur leur nombre de jours de repos hebdomadaire, nombre de semaines de vacances par an. Sur les fermes en circuit court, le temps passé à la commercialisation est souvent important. Nous avons donc choisi de calculer deux indicateurs : le temps hebdomadaire passé à la commercialisation, ce qui permet d’avoir une idée du temps restant pour toutes les autres activités de la ferme (production, administratif…), et le chiffre d’affaires réalisé par heure de commercialisation, qui permet d’évaluer l’efficacité de la commercialisation.
Nous souhaitions également étudier le ressenti des maraîchers par rapport à leur activité et son évolution au fil des années. Nous leur avons donc demandé d’évaluer leur satisfaction par rapport : à leur nombre de jours de repos, charge de travail, revenu et leur ressenti concernant la pénibilité morale et physique de leur métier. Il est en effet difficile d’évaluer la viabilité d’une ferme sur des critères économiques seuls sans tenir compte de la façon dont le maraîcher vit la situation.
Derrière le mot référence il y a souvent (à tort) l’idée que c’est un modèle vers lequel il faut tendre. Nous avons préféré utiliser les mots « repères » ou « indicateurs ». Ils vont définir des situations existantes. Qui seront toujours à replacer dans leur contexte.
Les trajectoires étudiées n’ont pas pour objectif de servir de modèle à des porteurs de projet mais plutôt d’outils de réflexion afin d’affiner leur propre projet. L’étape incontournable dans la construction d’un projet d’installation est de rencontrer des personnes installées et d’échanger avec elles. Les trajectoires étudiées seront également utiles aux accompagnateurs afin de vérifier si les chiffrages réalisés par les porteurs de projet sont réalistes.
Il est préférable de ne pas établir de repères en ramenant le chiffre d’affaires réalisé ou la main d’œuvre totale à la surface cultivée en légume. En effet, suivant les choix techniques réalisés sur les fermes, les cultures sont plantées de façon plus ou moins dense. Un chiffre d’affaires par hectare plus faible ne sera pas forcément signe d’une moins bonne rentabilité de la ferme.
Le critère EBE est un critère que l’on ne peut pas utiliser seul. En effet, dans le cas de fermes où les investissements sont faibles ou ont été autofinancés dès le départ, l’EBE représente presque le revenu disponible. Mais sur les fermes où les investissements ont été financés par des emprunts, une partie de l’EBE est utilisée pour les remboursements d’emprunts et le revenu disponible est donc amputé du montant des annuités. Deux maraîchers qui ont le même chiffre d’affaires et des montants de charges opérationnelles et de structure similaires n’auront donc pas forcément le même revenu. Le chiffre d’affaires seul (même ramené à la surface ou à l’UTH) ne peut donc pas être un critère de viabilité d’une ferme maraîchère.
Enfin, comme on le voit dans l’exemple ci-contre, il est important de remettre les chiffres observés dans leur contexte. On peut difficilement donner un montant d’investissement type pour une installation en maraîchage. De même, il est important de mettre les différentes données étudiées (résultats économiques, temps de travail…) en lien avec le ressenti du producteur. Un maraîcher qui gagne moins d’argent qu’un autre peut, pour diverses raisons, mieux se satisfaire de son revenu.
Les deux fermes aujourd’hui :
Ferme 1 :
Exploitation individuelle |
Ferme 2 :
Exploitation individuelle |
Sur la première ferme, les deux exploitants étaient présents sur la ferme dès la conception du projet, dès la première année. Sur la seconde, le nombre de personnes travaillant sur la ferme a augmenté au fil des années, le maraîcher était seul sur sa ferme la première année.
Sur l’aspect commercialisation, les deux fermes commercialisent 47 à 48 semaines par an et passent entre 15h par semaine (pour la ferme 1) et 20h par semaine (pour la ferme2) à la vente. Cela s’explique par des types de ventes similaires : marchés, vente à la ferme et AMAP ou site internet. Sur les deux fermes le temps passé à la commercialisation a évolué au fil du temps : à la hausse sur la seconde ferme et à la baisse sur la première (optimisation des ventes et arrêt d’un débouché).
La grande différence observée entre les deux fermes est la répartition de l’EBE : dans la ferme 1, la quasi-totalité de cet EBE va être un revenu disponible alors que ce n’est pas le cas sur la seconde. Cela s’explique par des investissements beaucoup moins importants sur la première ferme, permis entre autres par une installation à proximité de la ferme familiale et un goût pour le bricolage, la réparation d’outils.
Le second maraîcher, malgré des prélèvements supérieurs à celui de la ferme1 juge son revenu tout juste suffisant alors que le premier maraîcher le juge confortable. Les deux maraîchers s’accordent 3 semaines de vacances par an. Sur la première ferme, ces trois semaines sont suffisantes alors qu’elles ne le sont pas pour la ferme n°2, l’objectif étant de monter à 5 semaines de vacances par an. Sur la première ferme, la charge de travail est jugée convenable alors que sur la seconde elle est jugée très lourde. De même le métier est jugé plus pénible d’un point de vue moral et physique, par le second maraîcher que par le premier.
Ce travail sur les trajectoires post-installation en maraîchage en est à ses débuts. Afin de mieux comprendre l’évolution des fermes maraîchères, il serait intéressant de l’étendre à plus de fermes, ce que le réseau FNAB compte entreprendre dès 2017.
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